Intervention de Daniel Ibanez

Réunion du 22 octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Daniel Ibanez, membre de la Coordination des opposants au projet de ligne Lyon-Turi :

Je vous remercie, madame la Présidente de nous avoir invités à participer à un nécessaire débat sur ce projet, débat qui, toutefois, ne remplacera pas le débat public, qui n'a pas eu lieu, sous l'égide de la Commission nationale du débat public.

La Coordination s'inscrit dans une logique de proposition fondée sur l'analyse documentaire et sur le bon sens.

M. Philippe Duron a rappelé, le 2 juillet, devant la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale, qu'en matière d'infrastructure de transports, il n'y a que deux payeurs : l'usager et le contribuable. Cela ramène à sa juste place l'optimisme sur les financements, les techniques de financement et les subventions européennes.

S'agissant de la saturation de l'existant, il nous a été annoncé en 1993 que tous les tunnels routiers et ferroviaires des Alpes seraient saturés en 2010. Puis, en 2002, lors du débat parlementaire, M. Jean-Claude Gayssot et d'autres orateurs annonçaient la saturation de la ligne ferroviaire existante pour 2012. Elle ne s'est pas produite et, en 2013, la notion de saturation a disparu de l'accord soumis à la ratification.

S'il y a bien eu croissance du trafic de marchandises sur des axes Nord-Sud, elle correspond à des importations en provenance des ports ; à l'inverse, l'axe Est-Ouest a connu une diminution du tonnage transporté.

Effectivement, de gros travaux ont porté la capacité de la ligne existante à 20 millions de tonnes de marchandises ; il n'y a plus de discussion sur ce point.

Rail et route confondus, 34,7 millions de tonnes de marchandises circulaient dans les Alpes du Nord en 1998, 27,6 millions de tonnes en 2007 – avant la crise – et 23,6 millions de tonnes en 2011. La voie existante permet donc de reporter sur le rail, dans la plus défavorable des hypothèses, 50 % du tonnage constaté en 1998, et 60 % si l'on prend pour année de référence 2007, avant la crise.

En 1983, la ligne existante, de montagne, transportait 10 millions de tonnes de marchandises, soit 42 % du tonnage transféré, rail et route confondus, constaté en 2011. Cela se faisait sans GPS, sans aucun équipement informatique, et sans le système européen de gestion du trafic ferroviaire ERTMS, dont M. Philippe Duron nous a rappelé en juillet qu'il permet de gagner dix ans sur les infrastructures.

L'infrastructure du XIXème siècle et les pentes montagneuses interdiraient-elles un report modal massif ? Sur la ligne existante du Saint-Gothard, qui date de 1874, et qui accuse un dénivelé de 900 mètres quand celui du Mont-Cenis est de 700 mètres, les Suisses ont transporté, en 2011, 14,4 millions de tonnes de marchandises ; en 2000, ils avaient transporté 17 millions de tonnes. Nos lignes du XIXème siècle présenteraient-elles plus de contraintes que les lignes suisse de la même époque ?

L'accord qui est soumis à la ratification du Parlement propose d'allonger la section commune internationale de 33 km. La France s'engagerait donc pour 10 milliards d'euros de plus en le ratifiant. La Commission Mobilité 21 n'en avait pas été informée ; elle l'a été par les opposants au projet.

En matière d'emploi, on constate avec intérêt que l'accord mentionne la directive relative au détachement des travailleurs, qui permet de payer les charges sociales dans le pays d'origine du salarié. Le rapport d'information de M. Éric Bocquet au nom de la commission des affaires européennes du Sénat explique la pratique quotidienne à ce sujet.

L'accord prévoit également le report maritime pour détourner les marchandises qui proviennent de la péninsule ibérique et qui passent sur la côte méditerranéenne.

Enfin, au dernier paragraphe de la dernière annexe, on lit un curieux texte : « Les parties engageront par ailleurs une discussion avec les autres pays alpins et la Commission européenne, en vue d'éviter que les niveaux de tarification ferroviaire retenus dans chaque État ne génèrent une concurrence entre itinéraires collectivement néfaste à chacun des grands projets alternatifs transalpins. »

Mais qui a entendu parler du corridor D, l'ensemble des lignes existantes utilisées aujourd'hui pour transporter des marchandises ? Il n'y a pas, ou peu, de déclarations en France ou en Italie à ce sujet, un site internet en anglais, et des promoteurs extrêmement discrets sur un excellent travail qui permet de transporter des marchandises en France, en Espagne, en Italie, en Slovaquie et en Hongrie.

Le mot « euro » n'est employé qu'une seule fois dans l'étude d'impact du projet de ratification. Alors que les effets de la crise de 2008 pèsent encore, c'est pourtant un engagement de 15 à 20 milliards d'euros qui est demandé à la France.

Nous sommes partisans du Lyon-Turin sur le réseau existant. Nous sommes partisans de l'amélioration des dessertes régionales de Chambéry et Annecy et partisans aussi de l'amélioration des transports du quotidien. Nous sommes partisans des travaux sur la ligne existante, créateurs d'emploi local pour la protection des riverains et de l'environnement. Nous sommes partisans de la réduction de la pollution en vallée de la Maurienne et en vallée de l'Arve et nous avons agi pour que cesse la mise en danger des vies par la pollution. Nous sommes pour l'utilisation de la ligne existante, comme cela nous a été promis en 2002. Nous sommes pour que l'argent soit employé à moderniser le matériel roulant afin de répondre à la demande de transport européen. Nous sommes pour l'investissement dans le matériel roulant avec les technologies de guidage qui créeront des emplois pérennes.

En revanche, nous sommes contre le déficit public sans intérêt général, et contre le tarissement de 300 millions de mètres cubes d'eau, chaque année, dans les Alpes.

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