Intervention de Daniel Ibanez

Réunion du 22 octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Daniel Ibanez, membre de la Coordination des opposants au projet de ligne Lyon-Turi :

S'agissant du financement, il convient de rappeler qu'il ne s'agit pas seulement de la construction d'un tunnel transfrontalier mais d'un projet global, puisque l'accord qui va être soumis à ratification concerne une « section internationale » qui va de Saint-Didier-de-la-Tour à Turin. Il a été dit que, pour arguer de l'augmentation de coût, nous ajouterions des éléments au projet initial. Non. Le coût du projet annoncé à la représentation nationale en 2002 par M. Jean-Claude Gayssot était de 12 milliards d'euros, et il est passé à 26 milliards sur le même périmètre : Lyon-Turin. En réalité, le projet global a été saucissonné pour permettre de dire que l'on ne va réaliser que ce tronçon de 8,5 milliards d'euros. Or des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne condamnent le saucissonnage des projets et des enquêtes publiques ; nous étudierons cette question.

À propos du financement par les passagers, quelques chiffres. En 1993, on nous a annoncé entre 9,9 et 10,8 millions de voyageurs sur la liaison ferroviaire ; on est à présent à 4 millions. Or il était dit dans les documents soumis à concertation en 1993 que ces 10 millions de voyageurs permettraient de réaliser la première partie du projet – jusqu'à Montmélian – et d'amener le trafic qui permettrait de financer la section transfrontalière. Non seulement le nombre de voyageurs estimé est passé de 10 à 4 millions mais les recettes escomptées ne sont pas là – et, de surcroît, on commence par la partie déficitaire !

Les lignes existantes posent un problème réel. Chambéry est desservie par une ligne à voie unique, tout comme Annecy ; incidemment, le projet initial, en 1993, prévoyait le doublement de la voie vers Annecy. On peut imaginer qu'il est nécessaire de doubler la voie existante jusqu'à Chambéry, où plus de 60 000 voitures convergent au motif que les transports du quotidien se font sur une voie unique où l'on ne peut faire passer des TER.

J'ai été interrogé sur les questions environnementales et sur la capacité à convoyer du fret. J'observe à ce sujet qu'il existe une autoroute ferroviaire entre Perpignan et Bettembourg, longue de 1 045 kilomètres, sans rupture de charge. Le trajet s'accomplit en 18 à 20 heures par la route et en 14 heures 30 par le rail, qui est donc concurrentiel. La société Lorry-Rail a rappelé que tous les poids lourds qui empruntent une autoroute ferroviaire, où qu'elle soit, sont subventionnés et que, pour ce qui concerne l'autoroute alpine, la subvention par camion transporté est passée de 263 euros à 192 euros en 2012. On s'est hautement félicité d'avoir transporté 50 000 poids lourds l'année dernière sur l'autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg ; or, cela signifie qu'en un an on a transporté par le rail l'équivalent de 2 jours de trafic routier de poids lourds dans la vallée du Rhône. On veut donc investir de 10 à 20 milliards d'euros dans un projet d'autoroute ferroviaire alpine alors même que, ailleurs, dans des conditions concurrentielles avérées et sur un trajet sans montagne, on ne parvient pas à l'objectif visé ici ?

Le fait est que le développement du fret ferroviaire en France connaît un problème, analysé dans le rapport d'information du sénateur Francis Grignon. Les difficultés tiennent à l'organisation mais aussi au matériel roulant, qui est à attelage manuel, une tige filetée reliant les crochets de chaque wagon. Je vous engage donc à considérer que mieux vaut rediriger les fonds pour investir dans des matériels roulants à attelage automatique et dans le téléguidage.

Pour ce qui est de la pollution, madame Laclais, vous savez que certains députés et certaines associations ont porté plainte pour mise en danger de la vie d'autrui en raison de la non-utilisation de la ligne existante. Nous sommes favorables au report modal et pour cela à l'amélioration d'outils effectivement capables de transporter les marchandises sur le rail. Malheureusement, notre matériel roulant actuel ne le permet pas, où que l'on soit : ni dans les Alpes, ni en plaine. Un tunnel qui « gomme » les Alpes, comme disent ses promoteurs, permettra, nous dit-on, un transport de fret ferroviaire florissant. Mais qu'en est-il sur les 70 % du réseau ferré français qui n'est pas en montagne ? Loin d'être florissant, le fret ferroviaire perd, malheureusement, des parts de marché chaque année !

Nous avons donc demandé que tous les poids lourds qui circulent à vide dans les Alpes soient obligés d'emprunter la voie ferrée et que toutes les marchandises qui peuvent l'être soient transportées par le rail. Nous l'exigeons. Vous êtes les législateurs ; vous pouvez interdire la circulation des camions à vide sur les routes alpines.

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