Je tiens tout d'abord à remercier les commissions des finances, des affaires étrangères et des affaires européennes d'avoir organisé cette table ronde : c'est pour moi l'occasion de souligner les liens et la cohérence entre notre projet de loi de finances pour 2014 et nos engagements européens.
Les nouvelles procédures en matière de gouvernance économique européenne s'appliquent pour la première fois cette année, avec l'entrée en vigueur du paquet de deux règlements, appelé en anglais two-pack.
Consolider la zone euro, c'est rendre l'Europe plus forte et plus compétitive dans la mondialisation. Cela nous impose des choix difficiles ; il ne peut y avoir de monnaie unique sans coordination ni convergence des orientations et des politiques économiques. L'approfondissement de l'Union économique et monétaire est nécessaire pour préparer le retour de l'Europe à la croissance. À cet égard, la crise a fait ressortir la profonde interdépendance de nos économies. Elle a également montré qu'il était beaucoup plus coûteux et douloureux de résoudre les crises a posteriori que de les prévenir.
Le dispositif prévu par ce paquet de deux règlements relève de cette logique. À partir de cette année, pour assurer le bon suivi du semestre européen qui s'achève et préparer le suivant, tous les États membres de la zone euro, exception faite de ceux qui sont sous un programme d'assistance, doivent transmettre à la Commission européenne les grandes lignes de leur projet de budget pour l'année à venir. La France, en bonne élève, l'a fait le 1er octobre dernier, c'est-à-dire quinze jours avant l'expiration du délai.
Sur cette base, la Commission rend des avis. Les parlements des pays de la zone euro restent pleinement souverains dans ce processus. D'une manière générale, il appartient aux États membres de définir leur propre méthode pour parvenir aux objectifs recherchés. Pour notre part, nous sommes attachés à la méthode en trois temps définie par le Premier ministre pour la conduite de nos politiques et de nos réformes : le temps du diagnostic, le temps de la concertation et le temps de la décision.
Nous assumons la nécessité de nous coordonner davantage – aucun État membre de la zone euro ne vit isolément. La politique française vise à mettre le sérieux budgétaire au service de la poursuite de nos priorités que sont la croissance et l'emploi, priorités nationales comme européennes. Les efforts que nous poursuivons depuis l'an dernier commencent d'ailleurs à porter leurs fruits.
Le sérieux budgétaire qui inspire notre projet de loi de finances nous met en effet sur le chemin d'une croissance retrouvée et d'une amélioration de la situation de l'emploi. Les dernières statistiques parlent d'elles-mêmes : au deuxième trimestre 2013, la croissance a atteint 0,4 % dans la zone euro et 0,5 % en France ; pour 2013 comme pour 2014, le FMI comme l'OCDE ont revu à la hausse leurs projections de croissance pour la France, avec un taux de croissance qui pourrait atteindre 1 % l'année prochaine ; l'inversion de la courbe du chômage, objectif fixé par le Président de la République, est d'ores et déjà une réalité depuis trois mois non seulement pour les jeunes, mais aussi pour d'autres catégories de population dans certaines de nos régions qui connaissent une reprise plus rapide.
Ces signes, certes encore timides et fragiles, sont encourageants ; ils résultent de notre approche équilibrée, entre sérieux budgétaire et action en faveur de la croissance.
Oui, nous avons résolument, courageusement même, fait le choix du sérieux budgétaire. Cela s'est traduit par un effort structurel de 3 % du PIB en deux ans. Comme le Président de la République s'y était engagé, cet effort reposera pour 80 % sur la réduction des dépenses publiques. Ce sont là des choix courageux, exigeants : cette réduction des dépenses est sans précédent sous la Ve République !
C'est parce que nous sommes sérieux et crédibles que nous avons obtenu de la Commission européenne d'abord, de l'ensemble de nos partenaires ensuite, deux années supplémentaires pour corriger le déficit dont nous avons hérité.
Le sérieux, nous en faisons aussi preuve dans les prévisions économiques qui sous-tendent le projet de loi de finances pour 2014. Force est de constater que nous avons choisi la prudence, en partant d'une hypothèse de croissance de 0,1 % en 2013 et de 0,9 % en 2014. Ces chiffres sont aujourd'hui en deçà des prévisions du FMI. Le travail que nous avons accompli a été reconnu par le commissaire Olli Rehn, que personne ne soupçonne de complaisance à notre égard : au lendemain de la présentation de notre projet de loi de finances en Conseil des ministres, M. Rehn affirmait que « ce projet de loi de finances [était] marqué par la responsabilité et la prudence ». Tout en nous invitant à poursuivre nos efforts « pour consolider la reprise et doper la création d'emplois durables », il n'a pas hésité à qualifier d' » ambitieuses » les réformes que nous avons déjà accomplies depuis un an.
Mais le sérieux qui inspire nos politiques ne doit pas être confondu avec l'austérité, car appliquer une politique d'austérité, ce serait tourner le dos à la croissance et casser la dynamique qui est en train de se mettre en place. Nous avons besoin de politiques actives en faveur de l'investissement et de l'emploi.
Le Parlement, au cours des prochaines semaines, débattra du projet de loi de finances pour 2014. Mon rôle de ministre délégué aux affaires européennes est de mettre en évidence la cohérence globale de notre action en faveur de la croissance et de l'emploi au niveau national comme au niveau européen. Depuis le départ, le choix du Gouvernement est très clair : tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour combattre le chômage et le décrochage de certains jeunes dans leur parcours de formation ou d'accès à l'emploi. Cela implique d'agir de façon tout aussi résolue au niveau européen qu'au niveau national. Toutes les synergies possibles doivent être recherchées. C'est le sens – même si cela échappe parfois au grand public – des initiatives du Président de la République pour favoriser la croissance et l'emploi dans nos choix budgétaires nationaux, et pour remettre ces priorités au coeur d'un agenda européen réorienté.
Et les résultats sont là. Le Président de la République a obtenu au Conseil européen de juin 2012 un pacte de croissance : la réorientation des fonds structurels était une décision importante, qui nous a permis d'améliorer marginalement l'usage de ces crédits, mais qui a surtout permis à nos entreprises d'aller chercher des marchés financés par ces crédits dans d'autres pays de l'Union où ces fonds étaient sous-utilisés.
Mais pour moi, la mesure du pacte de croissance la plus porteuse d'avenir est l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI), effective au premier semestre de cette année. Grâce à cette augmentation de capital, les prêts de la BEI en France, qui plafonnaient à 4,5 milliards d'euros en rythme annuel, vont passer à 7 milliards par an en 2013, 2014 et 2015. De nouveaux projets sont déjà au rendez-vous, en nombre : tous les projets signés par la BEI depuis juin sont possibles parce qu'il y a eu le pacte de relance en juin 2012. Cette année, en France, nous avons déjà franchi la barre des 5 milliards d'euros de prêts et nous sommes certains d'atteindre les 7 milliards en fin d'année.
De même, le Conseil et le Parlement européen ont trouvé un accord, qui devrait être formellement approuvé dans les prochaines semaines, sur le cadre financier pluriannuel. Quand nous portons à 70 milliards d'euros le budget européen de la recherche sur la période 2014-2020, nous sommes convaincus que c'est le meilleur moyen de transformer les idées dans nos laboratoires en emplois dans nos territoires. Si nous rehaussons de 8 à 19 milliards le budget européen des infrastructures de transport, d'énergie et de télécommunications, c'est parce que nous sommes convaincus que ces grands chantiers sont des moteurs de la croissance et de la création d'emplois. Si nous obtenons de haute lutte 16 milliards de fonds structurels européens pour les régions françaises, c'est parce que nous avons la conviction que la croissance passe par les territoires. Si nous décentralisons la gestion de ces fonds, c'est parce que nous avons la conviction que les collectivités territoriales sont les mieux placées pour accompagner les entreprises et la création d'emplois, et pour fournir à nos concitoyens les équipements et les services dont ils ont besoin pour mieux vivre ensemble.
L'emploi, et en particulier celui des jeunes, est au coeur de notre action, en France comme en Europe. Nous avons obtenu pour la première fois au niveau européen la mise en place d'un fonds de six milliards d'euros pour la lutte contre le chômage des jeunes dans le prochain cadre financier pluriannuel. Son utilisation sera concentrée sur 2014-2015, et sur les régions où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %. La part française de ce fonds ne représente pas moins de 600 millions d'euros qui profiteront à une douzaine de régions métropolitaines et ultramarines : 320 000 jeunes de notre pays pourront ainsi être aidés. Ces financements et ce dispositif viennent compléter toutes les mesures prises au niveau national : emplois d'avenir, contrats de génération, consolidation des contrats aidés... Voilà un bel exemple de synergie entre le budget national et le budget européen.
Il en va de même pour les recettes : à titre d'exemple, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit des dispositions pour lutter contre la fraude et l'optimisation fiscales, sujet d'importance, comme l'a dit bien dit Mme Valérie Rabault. Cela est cohérent avec le fait que la France a demandé au printemps dernier, avec l'appui de quatre autres États membres, la généralisation de l'échange automatique d'informations fiscales au niveau européen, sujet sur lequel nous reviendrons au mois de décembre, lorsque sera examinée notre demande de révision de la directive régissant la fiscalité de l'épargne au niveau européen.
Tout doit être fait, en France et en Europe, pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens. C'est ce que nous faisons pour notre part avec ce PLF. À la mi-novembre, la Commission européenne nous fera part de son avis sur ce texte. Cet avis, je le rappelle, n'est pas contraignant, et c'est au seul Parlement qu'il revient, en toute souveraineté, de débattre et de se prononcer. J'espère que l'intérêt des Français, comme des Européens, pour la croissance et l'emploi emportera votre adhésion !