Le Gouvernement économique, pour reprendre une expression forgée dans ce pays, ressemble encore à un animal mal maîtrisé, et nous sommes au milieu du gué en matière de gouvernance économique. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée nationale et le Sénat à se saisir au plus tôt des éléments développés par la Commission en matière sociale s'agissant de la gouvernance de l'Union économique et monétaire, afin que nous puissions, ensemble, mener le débat.
Défendant les deux niveaux de légitimité, je me refuse en effet, à l'instar du président Martin Schulz, à la guerre entre les parlements. Nous devons tous nous mobiliser, à nos niveaux de compétences, pour exercer la responsabilité démocratique. Au niveau européen, nous plaidons pour la codécision sur l'examen annuel de la croissance ; au niveau national, le pouvoir des assemblées doit être renforcé, au moment où les gouvernements transmettent leur programme national de réforme et leur programme de stabilité et de convergence, dont doivent découler les recommandations spécifiques par pays, puis les plans budgétaires.
Chacun doit oeuvrer à son niveau. Au niveau européen, l'élaboration et le contrôle sont essentiels dans la mesure où les mécanismes en place dans chaque pays pèchent encore par un défaut d'analyse des interférences entre les politiques menées par les différents États membres.
La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques que nous avons mise en place n'est pas encore tout à fait satisfaisante. Elle ne traite manifestement pas sur un pied d'égalité les pays en excédent et les pays en déficit et, lorsque sont ensuite mises en oeuvre les recommandations spécifiques par pays, l'interface globale ex ante n'est plus tout à fait lisible.
Nous expérimentons cette année une grande innovation, avec la mise en oeuvre des deux règlements que l'actuel gouvernement français a eu la charge de négocier et qui concernent l'encadrement des plans budgétaires des États membres selon le calendrier décrit.
Pour accepter la ratification de ces deux règlements, le Parlement européen a posé quatre exigences. D'abord, la mise en place d'un groupe d'experts sur la possibilité d'émission conjointe de la dette ; ensuite, le traitement spécifique de certaines dépenses d'investissement et l'accroissement de la lutte contre l'évasion fiscale ; enfin, la coordination des investissements et des instruments de convergence et de compétitivité. La dynamique est à l'oeuvre ; nous devons continuer d'observer sa progression.
En marge de notre débat d'aujourd'hui, la négociation du cadre financier pluriannuel doit encore surmonter les différents qui opposent le Parlement européen et le Conseil pour déboucher sur un accord. Dans ce cadre, le Parlement a néanmoins obtenu que l'initiative pour l'emploi des jeunes autorise les États membres à ouvrir leurs dispositifs de financement aux jeunes jusqu'à trente ans, au lieu de vingt-cinq ans auparavant.
Parmi les éléments encore en débat reste la fameuse conditionnalité macroéconomique, qui n'est pas sans lien avec le débat que nous avons ici, puisque lorsqu'on a modifié le pacte de stabilité des sanctions ont été envisagées et que ce dont nous discutons actuellement, à travers le règlement sur les fonds structurels, c'est la matière même de ces sanctions.
Ces dernières demeurent, pour beaucoup d'États membres, une épée de Damoclès dont ils redoutent l'effet procyclique en période de difficultés, et ce d'autant plus que les enjeux sociaux font l'objet d'une approche très déséquilibrée selon qu'on traite des mesures préventives ou des mesures correctives. Par ailleurs, alors que la Commission européenne considère l'instrument de convergence et de compétitivité comme une incitation à la réforme fiscale, ces conditionnalités macroéconomiques semblent aller dans sens inverse, d'où un débat assez musclé entre le Parlement européen et le Conseil.
Le commissaire Barnier a anticipé sur le calendrier en indiquant déjà les lignes rouges détectées par la Commission européenne dans le projet de budget tel qu'il lui avait été transmis par la France. Au-delà de ces questions de calendrier, je partage avec Alain Lamassoure, le président de la commission des budgets du Parlement européen, le souci d'une meilleure visibilité de la dépense publique au niveau national et au niveau européen.
On a mentionné la politique en faveur de l'emploi des jeunes, mais le sujet va bien au-delà. Or Eurostat est totalement silencieux sur la question, et aucun mandat n'a été donné en ce sens. La vraie gouvernance économique, c'est pourtant de permettre cette synergie, sans laquelle aucun pacte de croissance ne fonctionnera dans la durée. C'est aussi pour cette raison que nous sommes encore au milieu du gué.