Monsieur Caresche et Madame Girardin, pour le calcul du déficit structurel, la méthode est commune à la Commission et à tous les États membres. Il existe une seule méthode européenne communément agréée pour déterminer la croissance potentielle et les autres variables clés qui forment le solde structurel.
Quant à la distinction entre déficit structurel et déficit nominal, l'engagement du Gouvernement de réduire le premier doit être salué mais n'oublions pas ce que représente le déficit nominal : c'est lui qui produit de la dette.
Madame Girardin, vous revenez sur le débat entre croissance et austérité. Il n'y a pas d'opposition entre ces deux objectifs. J'ai fait valoir depuis deux ans, au sein du collège des commissaires, que l'austérité ne devait pas tuer la croissance. À cet égard, je suis heureux que cette analyse progresse comme en témoigne la différenciation par pays et dans le temps qu'opère la Commission – la France et l'Espagne en sont la preuve. Chaque pays a en effet sa spécificité et ses contraintes propres et le réalisme commande de donner du temps. Monsieur Caresche, les deux années supplémentaires accordées par la Commission ne sont pas deux années de répit ; elles devront être mises à profit pour agir et pour réformer, le Président de la République et le ministre des finances en sont convenus.
La consolidation budgétaire est nécessaire pour établir la confiance entre les Européens – rien n'est possible sans confiance, je ne parle pas seulement pour les Allemands. À l'intérieur de la zone euro, le respect de la discipline et des engagements pris est un préalable à tout progrès. Il faut aussi nous assurer de la confiance des investisseurs et des marchés. Il faut enfin tenir compte de l'environnement économique pour fixer le rythme de la consolidation budgétaire, ce que nous avons fait pour la France et d'autres pays en proposant des ajustements.
Je suis d'accord avec M. Caresche lorsqu'il évoque la difficulté qui consiste, pour la France, à devoir accomplir trois tâches en même temps, peut-être davantage encore.
La crise a révélé en même temps toutes les faiblesses accumulées et dissimulées sous le tapis malgré les avertissements de quelques hommes d'État dont Jacques Delors. Elle a mis au jour la faiblesse des marchés financiers qui fonctionnaient sur du sable à coup de mensonges et d'irresponsabilité, dans la plus grande opacité. Elle a aussi révélé la faiblesse de nombreux États trop endettés, la faiblesse de la solidarité européenne dans la gestion de la zone euro – ce n'est pas l'euro qui était en cause ; c'était le fonctionnement de la zone euro – ainsi que la faiblesse de la compétitivité. Tous ces problèmes nous ont explosé à la figure mais chacun – les chefs d'État et de gouvernement, la Commission, la Banque centrale européenne – a pris ses responsabilités.
Après avoir réagi de manière défensive à cette crise, le Conseil européen très important du 29 juin 2012 – le premier auquel participait l'actuel Président de la République –s'est accordé sur la nécessité d'une réponse globale ou comprehensive approach qui prenne en compte non seulement la régulation, la gouvernance économique et l'assainissement budgétaire, mais aussi la croissance, la relance et l'emploi des jeunes. Cette réponse très complète et portée par tous les acteurs est apparue crédible. Nous devons maintenant faire ce que nous avons dit.
Monsieur Schneider, avec mon collègue M. Tajani, nous avons présenté une communication sur le marché commun des industries de défense, qui a été jugée intéressante par tous les ministres de la défense réunis à Vilnius il y a trois semaines. Il s'agit de répondre à cette question : comment davantage mutualiser les moyens compte tenu de la réduction des budgets nationaux en matière de défense. Nous avons identifié six sujets, qui relèvent de l'intergouvernemental pour l'essentiel, sur lesquels la Commission peut jouer un rôle et apporter une valeur ajoutée : l'espace, les marchés publics, la standardisation, l'énergie, le commerce et les capacités – nous avons recommandé qu'une partie du budget européen puisse être consacrée à l'acquisition de capacités propres, avec des programmes de recherche duale, civile et militaire. L'acquisition de drones pourrait ainsi être utile aux différentes forces armées et à la surveillance civile des frontières. Je ferai parvenir cette communication à tous ceux qui le souhaitent.
Pour Strasbourg, je ne reviens pas sur ce qu'a dit le ministre à juste titre. Outre les crédits octroyés à la région Alsace qui n'est pas la plus en retard de développement, il est vrai que la prise en charge par le budget européen du fonctionnement du Parlement européen est contestée par beaucoup.
Monsieur Myard, vous avez mentionné Laval et sa politique de restriction budgétaire et monétaire que je connais bien. Outre que je n'apprécie guère cette référence, cela ne correspond pas du tout à ce que fait l'Union européenne aujourd'hui. Mario Draghi a joué un rôle majeur en faisant repartir le marché interbancaire. La consolidation budgétaire différenciée que prescrit la Commission participe d'une politique très différente de la restriction monétaire ou budgétaire.
Je n'oublie pas les différentes parties du rapport Gallois. Ajouté au rapport de la Cour des comptes, il constitue une feuille de route pour tout gouvernement. Le chapitre 5 que vous évoquez dit des choses assez justes sur la gestion de l'euro au regard de la compétitivité des entreprises exportatrices européennes. C'est d'ailleurs pour cette raison que, depuis la demande du président du G20 de l'époque, Nicolas Sarkozy – et je sais que le président Hollande s'inscrit dans cette logique –, nous entretenons un dialogue monétaire avec la Chine. Ces questions, qui ne sont pas simples, ne tolèrent pas la caricature.
Vous évoquez la souveraineté à laquelle je suis autant attaché que vous. Il me semble qu'aujourd'hui De Gaulle, Adenauer, ou même Churchill – qui peuvent être des références communes – ne feraient plus de discours sur la souveraineté nationale ; ils parleraient de souveraineté européenne. Devons-nous choisir le chacun pour soi, chacun chez soi que certains – dont vous-mêmes – recommandent ? En préférant la grandeur dans la solitude, nous serions condamnés à être les sous-traitants de la Chine et des États-Unis. Je ne m'y résous pas pour notre pays.
Nous avons restauré la souveraineté monétaire de la France en entrant dans la zone euro puisque le franc était constamment dominé par le mark, lui-même assujetti au dollar. Aujourd'hui, une manière de conserver sa souveraineté consiste à ne pas être trop endetté, car une dette excessive vous met inévitablement dans la main des marchés financiers. Je ne souhaite pas que la politique de la France ou de l'Europe se fasse à Wall Street ou se défasse à Pékin ! En outre, trop de dette c'est antisocial ; c'est contraire à la responsabilité qui doit être la nôtre à l'égard des générations futures.
En revanche, Monsieur Myard, je suis en accord avec vous sur deux points que vous avez évoqués de manière plus constructive. En premier lieu, le besoin d'une politique industrielle en Europe. Sachez que j'y travaille ! Nous devons remédier à l'absence de base légale dans les traités et obtenir l'assentiment des États membres, mais nous cherchons à créer les outils et le cadre d'une politique industrielle européenne. Je suis résolu à ne pas laisser l'Europe devenir une terre de consommation des produits chinois ou américains. En second lieu, la réciprocité. J'ai déposé un instrument de réciprocité sur les marchés qui est sur le bureau des ministres et du Parlement européen : ce sont eux qui décident – vous devriez le savoir, vous qui brandissez en permanence l'étendard de la démocratie ! Nous attendons que le conseil des ministres veuille bien l'adopter.
Monsieur Liêm Hoang-Ngoc, il est exact que le six-pack prévoit une réduction de 5 % par an en moyenne sur trois ans du taux d'endettement. Tous les pays qui respectaient les critères de Maastricht continuent de le faire. Ceux qui étaient en procédure de déficit excessif lors de l'entrée en vigueur du six-pack bénéficient d'une période de transition de trois ans pour se conformer à cette nouvelle règle, période durant laquelle il leur est demandé de faire des efforts continus. S'ils ne s'y astreignent pas, ils feront l'objet d'une procédure pour déficit excessif, comme cela a été le cas pour Malte.
La France prend le chemin des 100 % d'endettement, et de nombreux États membres sont au-delà des 60 %. Dans le cas de la France, même si le déficit se réduit, le stock de dette continue d'augmenter parce que cette dernière était considérable.
Le groupe d'experts, évoqué par Mme Pervenche Berès, chargé de travailler sur une émission commune de la dette a été mis en place par le président Barroso. Il a déjà commencé à travailler sur ce que pourraient être un jour les eurobonds ; nous attendons ses orientations pour le printemps prochain.
Madame Auroi, Madame Rabault, l'idée de « qualifier » le déficit structurel selon la nature des dépenses n'est pas nouvelle. La Commission s'est engagée à étudier la possibilité de prendre en compte de manière plus efficace les dépenses d'investissement dans les procédures budgétaires, et notamment dans le calcul du déficit. Ce sujet est à l'ordre du jour du conseil Écofin auquel j'assisterai demain à Luxembourg. Je recommande toutefois de ne pas oublier, si l'on devait calculer différemment les dépenses, que, quelles qu'elles soient, il faut qu'elles soient financées par des recettes. J'ajoute que, quoi qu'il en soit, pour parvenir aux assouplissements que nous venons d'évoquer, il est indispensable de recréer la confiance.
Madame Guigou, puis-je me permettre de vous dire que l'Union bancaire a été plus qu'amorcée ? L'Union bancaire, c'est la supervision qui a été décidée et votée et qui entrera opérationnellement en vigueur l'année prochaine. C'est aussi le mécanisme de résolution qui permet les faillites ordonnées, sur lequel je dois obtenir dans les mois prochains l'accord des ministres et du Parlement. Mais la supervision des 6 000 banques de la zone euro par la Banque centrale européenne, c'est plus que de « l'amorçage » !
Comme le Président de la République française l'a dit, je pense que le pic de la crise financière est passé. En effet, depuis le mois de juin dernier, en donnant une perspective à l'ensemble des réponses apportées, et en faisant ce qu'on a dit, nous avons recréé les conditions de la stabilité et de la confiance. En revanche, je ne crois pas que la crise soit derrière nous, pas plus que ses conséquences budgétaires, économiques, sociales, humaines et politiques – nous le constatons dimanche après dimanche. De plus, en sortant progressivement des crises, nous risquons d'entrer dans une sorte de croissance durablement molle faute de réformes structurelles et de redressement de notre compétitivité. C'est à cette aune que j'analyse le budget de la France. En la matière, au-delà de la trajectoire qu'il faut préserver en matière de déficit, la majorité comme l'opposition doivent faire preuve de courage politique : la première pour réformer, la seconde pour soutenir les réformes lorsqu'elles sont de vraies réformes.