Intervention de Henri Malosse

Réunion du 23 octobre 2013 à 16h45
Commission des affaires européennes

Henri Malosse, président du Comité économique et social europée :

Le paradoxe le plus marquant est le suivant : l'Europe n'a jamais été aussi présente dans l'actualité et dans la vie quotidienne des gens, et en même temps elle n'a jamais été aussi lointaine pour nos concitoyens Européens et Français. Selon le dernier sondage Eurostat, 57 % des Français ne font pas confiance aux institutions européennes ; en 2008, ils étaient 47 % à partager cette opinion. Plus de 60 % d'entre eux ne se sentent pas européens : il s'agit d'un « désamour » vis-à-vis de l'Europe, mais aussi vis-à-vis des institutions de l'Union européenne.

L'Europe donne en effet actuellement un sentiment d'impuissance ; elle est perçue comme le cheval de Troie de la mondialisation, souffrant d'une surrèglementation et d'une grande complexité qui la rendent illisible : l'Europe marche aujourd'hui sur la tête, et il faut la remettre sur ses deux pieds !

Un autre paradoxe existe : jamais le besoin ne s'était autant fait sentir de disposer d'un organe institutionnel représentant le monde économique et social ; pourtant, malgré tous ses efforts, le Comité économique et social européen demeure insuffisamment écouté et respecté. L'environnement européen est devenu tellement complexe, les lobbies sont si puissants que ceux qui représentent légitimement des millions de personnes - comme cela est notre cas - se sentent marginalisés dans la construction européenne.

Visant à ce que l'Union européenne s'occupe…des Européens, nos priorités s'inscrivent sur trois fronts.

Tout d'abord, des réformes internes doivent nous permettre d'être plus efficaces. Il nous faut nous concentrer sur des sujets importants en liaison avec le Parlement européen co-décisionnaire, plutôt que de travailler en parallèle à son activité législative.

Il nous faut aussi mieux cibler notre rôle d'initiative et bien choisir les sujets que nous porterons. À cet égard, nous avons été la première institution à porter le sujet de « l'obsolescence programmée ».

Nous agissons également en aval - et pas seulement en amont -, en réalisant des études d'impact. Nous disposons à cette fin d'un observatoire du marché intérieur, d'un observatoire du marché du travail, et d'un observatoire du développement durable. Nous avons ainsi lancé trois études d'impact, portant respectivement sur les travailleurs détachés, les emplois jeunes, et les énergies renouvelables.

Depuis quelques mois, nous repositionnons le Comité économique et social européen auprès des autres institutions européennes : le principe d'une rencontre avec le président du Conseil européen avant chaque sommet européen a été instauré.

Nous négocions actuellement un protocole de coopération avec le Parlement européen : celui-ci prévoit une sorte de coalition entre notre Comité économique et social européen, le Comité des régions, et le Parlement européen.

Nous avons acquis le droit de faire chaque année des propositions à la Commission européenne, portant sur son programme de travail. Sur ce point, nous sommes un peu déçus, dans la mesure où nos propositions pour cette année n'ont pas été retenues.

Nous souhaiterions ensuite davantage communiquer afin d'être plus visible. C'est ainsi que nous avons ouvert nos portes aux initiatives citoyennes qui permettent, en application du Traité de Lisbonne, à un million de citoyens européens d'au moins sept Etats membres de faire une proposition législative sur un sujet de compétence européenne. Nous avons reçu des signataires de l'initiative sur l'eau, en séance plénière en septembre. Nous avons aussi constitué un bureau d'assistance à ces initiatives citoyennes qui sont une procédure complexe.

Nous essayons de faire en sorte de donner une autre image de l'Europe, de montrer que tout en étant à Bruxelles, nous sommes là pour écouter et non pas pour seulement donner des leçons. Je me suis rendu en Grèce dernièrement et nous y avons organisé une audition sur l'emploi des jeunes, en vue de la prochaine présidence grecque. J'ai eu l'occasion de rencontrer des jeunes, des chefs d'entreprise , des bloggeurs et d'autres personnes qui ne se sont jamais impliqués dans la politique européenne.

Nous souhaitons mieux tenir le rôle qui est le nôtre, c'est-à-dire d' influence sur les politiques européennes. A l'approche des élections, nos efforts devront porter sur trois sujets prioritaires. D'abord concernant l'emploi des jeunes et l'éducation, nous ferons des propositions en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. S'agissant de l'investissement, nous avons, ainsi que je l'ai déjà souligné, travaillé sur l'obsolescence programmée ; nous traiterons aussi des questions de politique commerciale et des échanges ainsi que de politique industrielle. Nous nous intéresserons enfin au cadre de vie avec la problématique de la désertification des zones rurales ainsi qu'à la question du revenu minimum européen.

Ce sont des idées concrètes qui rendent le débat européen vivant et qui font que les citoyens européens reprendront confiance dans l'Europe. C'est vrai que la construction européenne s'est éloignée des attentes de la société. Alors que l'Europe s'est bâtie sur la base de solidarités entre forces vives, on a le sentiment que les notions – sans doute avec la globalisation- de concurrence et de compétition ont pris le pas sur celles de solidarité et de coopération. Il faut y revenir et mettre en place un cadre commun qui valorise nos intérêts et ne les met pas en danger.

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