Intervention de Henri Malosse

Réunion du 23 octobre 2013 à 16h45
Commission des affaires européennes

Henri Malosse, président du Comité économique et social europée :

Le constat est effectivement désagréable à entendre. Les institutions doivent pourtant faire ce constat d'une Europe loin des citoyens, complexe, qui règlemente trop, qui ne répond pas aux problèmes et est perçu comme le problème alors qu'elle devrait être perçue comme la solution. Dans les institutions, des individus, tout en étant pro-européens, sont conscients des difficultés que l'Europe rencontre.

Le traité de Lisbonne prévoit à la fois une démocratie représentative, par le biais du Parlement européen, et une démocratie participative, que mes collègues et moi représentons et qui représente des « forces » vives en effet. Le Conseil économique et social européen est une idée française, au coeur du projet de Jean Monnet, puisqu'il est issu du comité consultatif de la CECA, qui visait à associer à la fois les représentants du peuple et forces vives concernées Le rôle du CESE est un rôle consultatif et nous n'avons pas la prétention de supplanter les élus du peuple que vous êtes et que sont les parlementaires européens.

Le traité établit clairement deux légitimités différentes. Les deux comités viennent seulement en appui du Parlement européen. L'objectif de la réforme interne que nous sommes en train de mener vise d'ailleurs à réduire notre rôle consultatif parallèle à celui du Parlement, ou tout du moins à le circonscrire là où il est vraiment complémentaire avec celui du Parlement européen. Nous souhaitons travailler davantage en amont du processus législatif, avec des idées qui viennent des forces vives. Le Parlement européen lui-même, très fréquemment, se concentre sur son rôle législatif, et il n'a pas de véritable droit d'initiative. Il est donc très intéressé pour travailler avec nous, par exemple, sur l'obsolescence programmée, sur la formation, sur l'emploi, sur la garantie jeunesse. Le Parlement européen nous demande de faire des études d'impact parce qu'il en a besoin. Il y a quelques années la Commission européenne a demandé une étude à la London School of Economics sur les travailleurs détachés, pour trois millions d'euros, qui a démontré que tout fonctionnait bien. Mais j'imagine que les auteurs ont cherché surtout à faire plaisir aux commanditaires de l'étude, ce qui n'est pas notre cas Nos travaux ne sont pas forcément statistiquement représentatifs, mais c'est leur aspect qualitatif qui prime.

Nous avons proposés récemment l'extension de la garantie jeunesse. Le redéploiement des crédits est possible, et nous proposons d'étendre le bénéfice de cette garantie aux plus de 25 ans, ou à d'autres zones. Nous avons fait des propositions dans ce domaine. Tout ça reste assez confus ; dans beaucoup de pays le système risque de ne pas marcher, tout du moins dans les années à venir.

Notre légitimité est bien sur relative, liée à celle des organisations qui nous ont demandé de les représenter. Le poids des lobbies n'a jamais été aussi présent, nous l'avons vu il y a quelques mois avec le débat sur la directive tabac, sur laquelle nous avons été consultée. Il faut associer à la construction européenne les acteurs économiques et sociaux. Nous ne sommes pas assez écoutés, nous ne sommes pas assez respectés. Notre rôle doit être redéfini par rapport à celui du Parlement européen pour ne pas faire doublon. Mais supprimer le Conseil économique et social européen, c'est supprimer le rôle des acteurs économiques et sociaux ; et ce sont d'ailleurs les plus eurosceptiques qui demandent notre suppression.

Sur la directive travailleurs détachés, nous sommes extrêmement critiques ; et je suis critique au sein de mon propre groupe, des employeurs, sur la façon dont cette directive légalise le dumping social. Partout où je passe, quelques soient les pays et les régions, des sociétés d'intérim ont trouvé leur niche qui est de faire du dumping social et de proposer des travailleurs bulgares ou polonais pour 1000 euros par mois tout compris, au lieu du double avec les charges sociales, dans des conditions sociales totalement inhumaines. La mobilité doit être développée dans un cadre légal, et, dans certains secteurs, on ne trouve pas des personnes qualifiées. Mais ce système de trois mois de détachement dans des conditions lamentables nuit à la fois aux salariés et aux entreprises.

Sur le budget européen, nous aurions aimé qu'il soit plus important ; il est aujourd'hui ridicule. Les politiques pour l'éducation, pour la recherche restent les parents pauvres du budget européen. La part des ressources propres reste également un problème. Nous sommes favorables à la taxe sur les transactions financières et à des transferts de fiscalité, notamment de la fiscalité des entreprises.

Au comité, nous partageons, avec chacun des sensibilités différentes, une vision d'une Europe qui fasse des choses concrètes, bâtisse une Europe de la solidarité. Nous souhaitons une Europe qui réponde au défi de la formation, alors que 900 000 postes de travail restent vacants dans toute l'Union européenne dans le domaine des nouvelles technologies. Aujourd'hui, nous sommes dans une Europe qui diverge alors que nous devrions être dans une Europe qui converge, une « Europe solide et solidaire », qui mise sur les entreprises, par davantage de coopération industrielle, aujourd'hui freinée par une politique de la concurrence dogmatique, et qui est handicapée par une politique commerciale qui néglige les intérêts européens, comme le montrent les négociations sur le partenariat transatlantique. Actuellement, trois modèles sont présentés aux Européens : la destruction, qui est le scénario catastrophe, le scénario tout rose des fédéralistes européens, irréaliste parce que l'on voit bien que les citoyens n'en veulent pas ; la stagnation du système actuel, avec un bricolage comme avec l'union bancaire, qui n'est pas tout à fait comme on le souhaitait. Ce que je préconise, c'est une véritable union économique, monétaire et sociale, avec une convergence fiscale et sociale, avec un calendrier et des outils pour amener cette convergence sans préjuger de la base sur laquelle elle se fera. Comme à l'époque de Monnet ou de Delors, c'est avec les acteurs économiques et sociaux que nous pourrons avancer. Delors, quand il a pris ses fonctions à la Commission, une des premières chose qu'il a fait fut de demander au CESE une réflexion sur l'Europe sociale, devenue l'ossature du volet social du traité de Maastricht. Il avait compris qu'on ne pouvait pas le faire sans les forces vives.

Sur les initiatives citoyennes, j'ai également été signataire de celle contre les frais d'itinérance téléphonique. Nous avons rencontré les initiateurs de cette initiative, nous avons soutenu cette initiative, organisé une audition de membres de la Commission européenne sur ce sujet et appuyé cette initiative par un avis, et aujourd'hui- même nous organisons une audition sur ce sujet avec le Parlement européen.

Ma vision de notre comité, c'est d'être une maison ouverte apportant notre appui au Parlement européen.

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