Comme l'a précisé M. le président, je ne présenterai que l'avis thématique, puisque le budget a été discuté le 22 octobre dernier en présence de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.
De tout temps, les artistes sont allés au-delà des frontières, à la recherche d'autres paysages, d'autres sensibilités, d'autres pensées, d'un autre monde. Et de ce désir d'un autre monde, qui est en filigrane de l'histoire de l'art, sont nées les résidences de créateurs.
Dans son principe, la résidence, qui favorise les rencontres et les échanges entre artistes français et étrangers, correspond parfaitement à la politique française de soutien au dialogue des cultures et à la diversité culturelle.
C'est pourquoi de nombreux programmes de résidences, dédiés à un domaine spécifique ou couvrant un large champ de disciplines artistiques, ont été mis en place depuis une vingtaine d'années par le ministère chargé des affaires étrangères et ses opérateurs successifs : l'Association française d'action artistique, CulturesFrance et l'Institut français.
Principalement orientés vers la création contemporaine, ces programmes s'inscrivent dans les priorités stratégiques et géographiques assignées à la diplomatie culturelle.
Il s'agit tout d'abord des programmes de mobilité vers l'étranger d'artistes français, comme les programmes Hors les murs, Louis Lumière, Villa Kujoyama ou Missions Stendhal. Ce sont ensuite des programmes de résidences internationales en France, qui offrent aux artistes étrangers de toutes disciplines la possibilité de développer un projet de création à la Cité internationale des arts ou au Centre des Récollets à Paris. Il s'agit enfin des programmes de résidences croisées avec d'autres pays, qui favorisent, outre l'échange d'artistes, le développement de partenariats entre structures artistiques françaises et étrangères.
Quant aux programmes Visas pour la Création, destinés à des artistes africains et caribéens, ils participent de la structuration des acteurs culturels et des opérateurs de la société civile en Afrique et aux Caraïbes.
Les programmes de résidences sont pilotés principalement par le département du développement et des partenariats de l'Institut français, avec la participation de deux autres départements, celui du livre et de la promotion des savoirs pour les Missions Stendhal et celui des échanges et coopérations artistiques pour les programmes Visas pour la création. La gestion des programmes est assurée, au sein de l'Institut français, par dix personnes, dont quatre à plein temps. Le financement des programmes est en grande partie inscrit dans les crédits d'intervention de l'Institut français, à l'exception des programmes Visas pour la Création, financés par le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture et de la communication. Le réseau culturel et les collectivités territoriales apportent également une contribution.
Par ailleurs, certains programmes reçoivent des soutiens étrangers, notamment du Québec ou des Émirats arabes unis.
L'Institut français détermine l'enveloppe qu'il souhaite consacrer aux programmes de résidences après avoir évalué l'impact des programmes au regard des autres actions qu'il mène. Ainsi, pour 2013, l'enveloppe budgétée par le département du développement et des partenariats s'est élevée à un peu plus de 762 000 euros et celle prévue par le département du livre et de la promotion des savoirs, à 65 000 euros. Quant aux programmes Visas pour la création, ils ont reçu une subvention totale de 76 000 euros de la part du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture et de la communication.
Le montant qui est alloué à chaque programme conditionne le nombre de lauréats désignés : en 2013, si 275 candidatures ont été présentées dans le cadre du programme Hors les murs, vingt-deux lauréats ont été retenus. Sur une centaine de dossiers déposés pour les Missions Stendhal, une quinzaine a été sélectionnée. Les programmes Visas pour la création ont retenu onze lauréats sur une cinquantaine de dossiers présentés.
Ces programmes s'adressent donc à un petit nombre d'artistes qui sont choisis au terme d'une procédure de sélection qui est détaillée dans le rapport. Je noterai simplement que la procédure débouche sur la signature d'un contrat, par lequel les lauréats s'engagent, en contrepartie des avantages offerts, à participer au cours de leur séjour à des ateliers, à des conférences ou à des masters class organisés par le réseau culturel, et à présenter un bilan de leur résidence.
Les principaux atouts des résidences sont, pour les artistes, le temps de réelle liberté offert durant un à six mois, en vue d'approfondir une recherche ou un projet de création sans obligation de résultat, et l'ouverture internationale de la structure d'accueil partenaire.
Les conditions attachées au statut de résident varient d'un programme à l'autre, mais on retrouve des avantages comme l'allocation de séjour, comprise entre 1 000 et 15 000 euros selon les programmes, la prise en charge du voyage aller-retour, l'hébergement ou la mise à disposition d'un atelier. En outre, les lauréats bénéficient de l'accompagnement à la fois des structures artistiques d'accueil et des Instituts français locaux qui leur facilitent l'accès aux scènes artistiques étrangères et aux différents réseaux professionnels.
Les postes consulaires peuvent être appelés à donner un avis consultatif sur les candidatures, à se prononcer sur la faisabilité des projets ou à présenter directement les candidatures.
Ainsi, dans le cadre du programme de la Cité internationale des arts, qui accueille chaque année une cinquantaine d'artistes étrangers pour une résidence de trois mois, ce sont les postes consulaires qui présentent, en les motivant, les candidatures des artistes qu'ils ont identifiés et repérés sur leur territoire. Ils participent aussi souvent financièrement à la résidence en attribuant une allocation de séjour aux artistes.
Pour resserrer ses liens avec le réseau culturel – l'une de ses missions fondatrices –, l'Institut français a lancé en 2011 des programmes de résidences croisées à l'initiative du réseau. Deux exemples de ces résidences, l'une initiée par l'Institut français de Prague, l'autre par celui de Madrid, sont détaillés dans le rapport.
Reposant sur des cofinancements et des logiques de partenariats, ces programmes de résidences croisées doivent évidemment répondre aux demandes des pays étrangers et concerner, de préférence, des domaines artistiques peu ou mal représentés dans les programmes de résidences de l'Institut français, voire des formes nouvelles, alliant par exemple les arts et les sciences.
Les postes consulaires sont chargés d'identifier les structures partenaires pour l'accueil des lauréats français et étrangers, éventuellement avec l'aide de l'Institut français de Paris pour le lieu d'accueil en France.
De même, afin d'associer les collectivités territoriales à la politique d'influence, l'Institut français a pris l'initiative de programmes de résidences croisées entre métropoles françaises et étrangères.
Un programme d'échanges d'artistes dans le domaine des arts visuels, France Los Angeles Residency Exchange, a ainsi été mis en place en 2011 entre Los Angeles et Bordeaux. Cette forme de résidences croisées entre villes permet de diversifier les sources de financement et présente l'intérêt de développer l'offre et donc le maillage culturel de notre territoire. Aussi mériterait-elle d'être étendue en prenant appui sur le réseau des Instituts français et sur les coopérations décentralisées.
Si l'organisation de séjours de créateurs à travers le monde permet à la France de conserver sa pertinence comme lieu de rayonnement culturel, les programmes de l'Institut français présentent des inconvénients inhérents à leur fonctionnement.
Au nombre de ces inconvénients, on peut citer le caractère sélectif des programmes, qui implique une gestion assez lourde en termes de suivi et de durée – certains processus de sélection se déploient sur trois à six mois – pour un volume de lauréats assez faibles.
L'implication des postes et leur réactivité aux appels à candidatures sont, en outre, très inégales et dépendent de plusieurs paramètres, tels la mobilisation de l'attaché ou du conseiller culturel, le vivier d'artistes identifiés, ou encore la langue, qui peut être un obstacle puisque les candidats doivent parler français ou anglais.
De plus, bien que les programmes de résidences constituent un levier potentiel pour les industries culturelles, leurs retombées économiques, comme celles de l'action culturelle en général, sont rarement mesurées en raison du cloisonnement important qui existe entre le monde de la culture et celui de l'économie.
Enfin, l'apport des programmes au rayonnement culturel de la France n'est pas immédiatement perceptible ; il se mesure sur le long terme, dans le développement des réseaux et des partenariats culturels qui se sont mis en place à travers les échanges d'artistes. C'est pourquoi ces programmes doivent être maintenus, moyennant des adaptations et une meilleure évaluation.
Les programmes de résidences évoluent régulièrement avec le renouvellement des pratiques artistiques, l'omniprésence du numérique et les contraintes budgétaires, qui incitent l'Institut français à repenser son offre.
Dans le cadre de la renégociation de son contrat d'objectifs et de performance 2014-2016, l'Institut français envisage une refonte des programmes de résidences qui suivra plusieurs axes. Il n'y aura pas de création de programme supplémentaire : tout nouveau programme devra se substituer à un ancien. La mobilité des artistes français vers l'étranger s'appuiera sur quelques programmes ciblés. Les programmes en faveur des artistes étrangers seront progressivement recentrés ; en contrepartie, l'offre de résidence sera élargie à l'ensemble du territoire français par le biais de partenariats conclus entre l'Institut français et les collectivités territoriales. Les programmes de résidences croisées à l'initiative du réseau seront plus structurés et assortis de critères relatifs à leur finalité et aux modes de sélection des lauréats et partenaires.
En sus de ces améliorations, je préconise d'élargir l'impact des résidences et d'ouvrir les programmes à un plus grand nombre d'artistes, ainsi que de privilégier dans la sélection les candidats n'ayant effectué au maximum que deux résidences. J'ai en effet rencontré au cours des auditions des artistes qui effectuaient leur neuvième résidence.
Dans la même logique, je suggère également de limiter les possibilités de candidater simultanément à plusieurs programmes. Même si, une fois désignés, les lauréats doivent choisir une seule résidence, le fait de postuler à différents programmes restreint l'éventail des candidatures différentes.
Je conclurai en précisant que je ne voterai pas les crédits du programme 185, car la réduction qui leur est appliquée et qui concerne également des opérateurs comme l'Institut français me semble préjudiciable à l'efficacité de la diplomatie d'influence. Cette position est également celle du groupe UMP, comme M. André Schneider l'a précisé au cours de la commission élargie du 22 octobre dernier.