Il est vrai que, par son volume de crédits – 282,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 295,3 millions de crédits de paiement en 2014 –, la mission « Politique des territoires » fait figure aujourd'hui de petite mission, mais son ancrage dans l'architecture budgétaire devrait être renforcé dans le prochain budget pour 2015. En baisse de 8 % par rapport à 2013, la mission prend sa part de contribution au redressement de nos comptes publics.
L'année dernière, madame la ministre, dans les mêmes circonstances, vous nous aviez présenté pour 2013 un budget de transition. En 2014, celui-ci entre dans une phase plus opérationnelle, avec des crédits finançant des actions nouvelles, issues des réflexions menées tout au long du premier semestre de cette année. La généralisation de l'expérimentation « Plus de services au public », en fait partie, avec près de 13 millions d'euros en AE destinés à favoriser la création d'espaces mutualisés d'offre de services publics. Si je soutiens pleinement la démarche, permettez-moi de rappeler que son succès ne tient pas seulement aux moyens financiers. Les moyens humains, qui recouvrent tant la qualité de l'accueil que la formation des personnels sur place, sont des aspects essentiels auxquels il faut réellement veiller.
Pouvons-nous nous appuyer sur des expérimentations évaluées préalablement ? Quels contours dessinent-elles ?
Autre mesure emblématique, la création du Commissariat général à l'égalité des territoires – le futur CGET. Celui-ci regrouperait les services de la DATAR, de l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, et du Secrétariat général du comité interministériel des villes. L'objectif de cette création est d'en finir avec la dichotomie entre urbain et rural, qui a marqué la conduite des politiques en faveur des territoires ces dernières années, et de doter l'État d'une structure lui permettant de concevoir ces politiques de façon plus globale et donc plus cohérente. La DATAR, administration rattachée aux services du Premier ministre, bénéficiait pourtant déjà d'un statut interministériel censé lui permettre de conduire ses missions avec la même transversalité que celle recherchée aujourd'hui. Précisons qu'au sein du CGET, le pôle ville restera bien identifié, un préfigurateur délégué ayant même été nommé au côté du préfigurateur de la DATAR.
Dans ces conditions, pouvez-vous nous éclairer sur la plus-value que vous attendez de la création du CGET pour la conduite des politiques menées en faveur des territoires ? Quelle sera l'articulation de cette instance avec le Haut Conseil des territoires tel qu'il est prévu dans le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, si ce dernier est adopté ? Quel sera son impact sur la présentation budgétaire de la mission l'année prochaine : renforcement ou disparition par intégration dans une mission existante ?
Les zonages sont un sujet de préoccupation partagé. Vous avez engagé, et vous avez eu raison, une réflexion pour les faire évoluer – je pense notamment aux ZRR (Zones de revitalisation rurale) et aux AFR (Aides à finalité régionale). Où en est cette réflexion ? Un calendrier a-t-il été défini ? Quelle méthode de concertation comptez-vous mettre en oeuvre pour ne laisser personne de côté ?
J'en profite pour saluer la décision du Gouvernement de reconduire pour 2014, à niveau de crédits constant – près de 40 millions d'euros –, la prime à l'aménagement du territoire (PAT). En dépit des critiques récurrentes de différents corps de contrôle, en particulier la Cour des comptes et la mission d'évaluation sur les aides aux entreprises, cette prime joue un rôle essentiel dans le soutien à l'emploi dont le Gouvernement a fait une de ses priorités. J'attends l'assurance que des progrès suffisants ont été effectués dans le suivi de l'octroi de cette prime et dans le contrôle a posteriori de la réalisation des projets financés. En cas de contrôle négatif, comment faire en sorte que la prime n'ait pas été versée pour rien ?
Comme beaucoup d'entre nous ici, j'attache une importance particulière aux mesures assurant à tous nos territoires un égal accès aux nouvelles technologies de l'information et de la connaissance : vous menez, en collaboration avec la ministre de l'économie numérique, le pilotage du plan national de déploiement du très haut débit. Comment envisagez-vous d'informer les différents acteurs de la conduite du dispositif ?
Je souhaiterais également évoquer l'avenir de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont le travail d'accompagnement des entreprises étrangères souhaitant investir en France contribue au maintien de plus de 12 000 emplois par an en moyenne, et ce en dépit de restrictions budgétaires particulièrement fortes. Entre 2010 et 2015, l'Agence verra en effet ses subventions versées par l'État diminuer de 17 %, passant de 23,8 à 19,7 millions d'euros. Dans quelle mesure les missions de l'AFII seront-elles facilitées par le rapprochement envisagé avec Ubifrance ? Ses moyens seront-ils en adéquation avec l'objectif d'atteindre mille décisions annuelles d'investissement étranger à l'horizon 2017, contre 700 en moyenne actuellement, et d'accueillir chaque année 300 entreprises non encore implantées en France ?
Enfin, pour la création des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), confirmez-vous la méthode d'appel à projet, alors que celle-ci a déjà montré toutes ses limites et qu'elle engendre nombre d'inégalités ? Comment éviter ces écueils ?
M. Alain Calmette, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. La création d'un ministère de l'égalité des territoires symbolise la volonté du Gouvernement de lutter contre la fracture territoriale qui s'est aggravée ces dernières années. Un changement d'approche et d'outils opérationnels nécessite une réflexion approfondie et partagée pour redéfinir les axes d'une politique tournée vers l'objectif d'égalité des territoires, et ce dans le contexte budgétaire que l'on connaît.
La mission « Politique des territoires » ne représente que 5 % de l'engagement financier de l'État en faveur de l'aménagement du territoire. Dans la logique de la création du Commissariat général à l'égalité des territoires, la fusion de cette mission avec la mission « Égalité des territoires, logement et ville » permettrait d'avoir une déclinaison budgétaire plus lisible et cohérente d'une partie des programmes traitant de la politique des territoires.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », dit PITE, est conçu comme un outil financier regroupant dans un programme unique l'ensemble des crédits consacrés à une politique territoriale interministérielle donnée. Ainsi, le PITE ne crée pas de dépenses supplémentaires pour l'État. Dans ce cadre, quatre actions sont inscrites cette année. Ce programme présente l'intérêt de pouvoir intégrer de nouvelles actions, comme celles dont les préfets de région ont été chargés par le ministère de l'intérieur en 2012. À cet égard, je regrette que le dossier « Dynamisation de la filière bois en Auvergne-Limousin-Bourgogne », qui est le plus avancé, ne soit pas inclus dans le PLF 2014, contrairement à ce qui avait été indiqué l'année dernière lors de cette même commission élargie. Compte tenu de son intérêt et de son état d'avancement, est-il encore possible de l'intégrer ?
Pour 2014, le programme 112 initie de nouveaux outils mieux adaptés. Ce sont d'abord les contrats de plan État-régions pour la période 2014-2020, qui font suite aux contrats de projets. Espérons que ce changement sémantique illustre une autre approche de l'aménagement du territoire, abandonnant une logique de compétition entre territoires au profit de l'accompagnement d'une stratégie régionale équilibrée. Sachant que les inégalités territoriales sont souvent plus affirmées au sein même des régions qu'entre régions, je forme le voeu que ces CPER soient conçus comme des outils de résorption des inégalités infrarégionales, notamment à travers les volets territoriaux.
D'un point de vue général, il faudrait progressivement rompre avec la logique libérale de l'appel à projet qui crée parfois des inégalités supplémentaires alors qu'il est censé les réduire : faute de moyens et d'ingénierie, certaines collectivités ne peuvent y répondre, si bien que les territoires les plus fragiles en sont souvent exclus.
Autre bonne nouvelle pour l'année 2014 : la création du Commissariat général à l'égalité des territoires. Nous nous félicitons de cette création qui permettra une meilleure mobilisation des moyens en dépassant le clivage habituel entre urbain et rural, et en prenant en compte des zones périurbaines souvent déstructurées et sans repère.
S'agissant du milieu rural, et compte tenu du contexte budgétaire, il conviendrait, à l'image de l'évolution prévisible de la politique de la ville, de concentrer les efforts sur les zones les plus fragiles qui cumulent les handicaps : déprise démographique, enclavement, retrait des services publics.
Le Commissariat général à l'égalité des territoires devra revisiter les outils opérationnels d'aménagement du territoire, et notamment la politique de zonage. Les zonages de la politique de la ville vont être revus et simplifiés ; le zonage des aides européennes à finalité régionale va également évoluer. Quant aux zones de revitalisation rurale, une concertation va être lancée en vue d'une évolution de ce dispositif, dont on a bien vu la nécessité au cours de l'été 2013. Par ailleurs, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire vient de créer une mission d'information sur ce sujet, dont je serai le co-rapporteur avec M. Jean-Pierre Vigier, député de la Haute-Loire.
J'en viens au numérique qui participe de façon essentielle à l'égalité des territoires. Les redéploiements du très haut débit resteront dynamiques en 2014 : 57 % de la population concentrée dans les 3 400 communes les plus denses seront fibrées sur fonds propres des opérateurs privés. Ailleurs, les collectivités locales seront mises à contribution avec un fort soutien de l'État, qui interviendra dans le cadre du plan « France très haut débit ». Vingt milliards d'euros seront ainsi investis au cours des prochaines années. À cet égard, il faut se féliciter de l'effort de péréquation de l'État, dont le taux de soutien varie entre 33 % et 62 %, avec un appui renforcé aux territoires les plus ruraux où l'habitat est dispersé.
Les territoires ruraux attendent beaucoup d'une meilleure prise en considération de leurs besoins dans notre pays. Reviennent, en particulier, de façon récurrente les sujets de l'aménagement numérique, mais surtout de l'accès aux services publics – élément incontournable d'un cadre de vie acceptable – ainsi que de l'attractivité des territoires. Un deuxième volet de l'approfondissement de la décentralisation est annoncé, intitulé « loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires ». Certains aspects de ce texte ont à voir avec la mission qui nous intéresse aujourd'hui. Dans quelle mesure la problématique fondamentale de l'accès aux services publics y sera-t-elle traitée ? Ce projet de loi contiendra-t-il des dispositions de nature à renforcer l'égalité territoriale ?