Il n'y a pas lieu de parler de judiciarisation, dès lors qu'on ne constate pas de saisine croissante des juges. En 2012, quatre-vingt-neuf procédures ont été intentées devant le TGI, ce qui est relativement peu. Toutes les analystes montrent que le nombre de contentieux lié à des licenciements pour motif économique a diminué. Si certaines affaires rencontrent dans la presse un écho important, c'est parce que les organisations syndicales connaissent l'impact du journal télévisé.
La saisine du juge judiciaire est la seule manière d'ouvrir une discussion réelle, car, une fois le licenciement prononcé, le débat sert surtout à apporter aux salariés une satisfaction relative. Ces procédures ont connu un essor relatif au début des années soixante-dix, parce que les juges ont accepté d'être saisis et de suspendre les licenciements, quand l'information livrée au CE était manifestement insuffisante. À partir de 1975-1976, ces procédures ont disparu, les licenciements étant soumis à une autorisation administrative, ce que le CNPF a violemment critiqué. Le juge a perdu la place qu'il occupait. 1986 a vu le retour à la normalité judiciaire, qui prévoit que deux personnes privées doivent pouvoir s'expliquer devant un juge. À partir de 1987-1988, le juge des référés a retrouvé un rôle dans ces procédures contradictoires et publiques, ce qui est essentiel pour ménager un échange entre les avocats et les parties.
Contrairement à Me Belier, je pense que les organisations syndicales aimeraient souvent négocier. C'est pourquoi elles saisissent le juge. En ce sens, l'action judiciaire est un thermomètre. Le juge doit faire régner la paix, alors que l'administration réagit plutôt aux circonstances et à la conjoncture. Elle peut tenir compte des moyens dont dispose un groupe. S'il est impossible d'appeler un juge pour lui dicter sa conduite, une administration peut être sensible aux coups de téléphone, par exemple, d'un député.