Intervention de Manuel Valls

Réunion du 31 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : sécurités, contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Le FAED, pour sa partie rapprochement, a été modernisé en 2008-2010 : l'amélioration de ses performances est incontestable. Ce fichier sait désormais traiter les empreintes palmaires. Toutefois, comme la composante alphanumérique – les fiches individuelles – est technologiquement obsolète et ne prend pas en considération toutes les contraintes juridiques relatives notamment aux mineurs, ce fichier sera modernisé en 2014 et 2015. Le FNAEG est, quant à lui, en cours de modernisation pour améliorer la puissance du moteur de rapprochement et prendre en considération de manière automatisée les échanges avec les pays signataires du traité de Prüm. Le FPR sera rénové en 2014-2015, sans lien avec le FNAEG, compte tenu des contraintes juridiques de non-croisement des fichiers. Nous devons être prudents.

Le rapprochement de la population et de sa police est une priorité qui doit irriguer l'action des services. Un code de déontologie commun à la police nationale et à la gendarmerie sera publié à la date du 1er janvier, après son passage devant le Conseil d'État. Intégré au code de la sécurité intérieure, il aura une valeur quasiment normative, ce qui correspond à votre attente.

La transparence de l'action de la police passe par la mise en place d'un numéro d'identification sur les uniformes à compter du 16 décembre prochain. Cette disposition n'est en rien un signe de défiance à l'égard des forces de l'ordre, bien au contraire. Quant à la multiplication des occasions d'échanges par une présence plus forte sur la voie publique, en particulier – mais pas seulement – dans les ZSP, elle sera facilitée par la mise en place des délégués à la cohésion police-population. L'accueil dans les commissariats doit continuer de s'améliorer, s'agissant en particulier de la prise en charge des victimes, notamment des femmes. J'ai bien conscience qu'il faut s'attendre à une augmentation du signalement des faits de délinquance en ce domaine : en effet, l'amélioration de l'accueil des femmes victimes de violences, notamment intrafamiliales, se traduira inévitablement par une augmentation des déclarations. Nous pourrons ainsi mieux combattre cette violence, dans le prolongement de l'action menée par les travailleurs sociaux des collectivités territoriales.

La DGPN a tenu cette année des assises de la formation, qui conduisent à axer l'apprentissage du métier de policier sur la gestion des événements difficiles, en passant par des mises en situation pratique en termes de gestes techniques ou de lien avec les citoyens.

Enfin, la réforme de l'IGPN, mise en oeuvre dès le 2 septembre 2013, conduira à renforcer le lien entre la police et la population, à la fois en termes d'ouverture, par la création d'une plateforme de signalement accessible aux citoyens, de lisibilité et de cohérence, par l'intégration pleine de l'IGS, actuellement sous l'autorité du préfet de police de Paris, dans l'IGPN en tant que délégation régionale francilienne, et de couverture territoriale, par la création des délégations de Rennes, Lille et Metz, en sus de celles de Lyon, Marseille et Bordeaux, avec une antenne à Nice.

Monsieur Ciotti, je suis convaincu que, au-delà des postures, la majorité et l'opposition pourraient se retrouver sur les questions de sécurité. Ayant été maire durant onze ans, parcourant aujourd'hui les territoires tant urbains que ruraux, je constate souvent que les mêmes politiques sont menées au plan local, qu'il s'agisse de l'existence de conventions entre la police nationale et la gendarmerie et les polices municipales, de la prévention et de la répression ou de la vidéoprotection. Tous, au plan local, vous partagez le même souci d'assurer la sécurité de nos concitoyens.

Il existe bel et bien de la violence dans la société. Contrairement à ce qui s'est fait dans le passé, je ne la cache pas et ne manipule pas les chiffres. D'ailleurs, comment pouvez-vous me reprocher d'avoir bâti un outil propre au ministère pour aussitôt souligner les chiffres récemment publiés par l'ONDRP, que je ne conteste en aucun cas ? La violence, notamment sur les personnes, augmente depuis trente ans et personne n'est parvenu à inverser la courbe. Les chiffres des cambriolages ont augmenté de 40 % entre 2009 et 2012. Monsieur Favennec, vous avez raison : je suis très préoccupé par les cambriolages en territoire rural. Je ne cesse de parcourir le pays. Je viendrai avec grand plaisir en Mayenne. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, et moi-même consacrerons à ces questions un déplacement, qui nous permettra de rencontrer les exploitants agricoles.

En matière de statistiques, monsieur Ciotti, l'IGA s'est ouverte pour la première fois à l'inspection générale de l'INSEE. Je vous invite à lire avec attention le rapport, qui met en lumière tous les arrangements liés à la politique du chiffre : plus de 130 000 délits requalifiés chaque année en contraventions depuis 2004-2005 ! On peut se renvoyer les statistiques. Qu'il y ait une augmentation des violences aux personnes et des cambriolages, je le reconnais et cela m'inquiète. Ce phénomène, je le sais, s'inscrit dans une continuité. Je préfère assumer la réalité et publier des données exhaustives, sans remettre à plus tard la modernisation des systèmes d'enregistrement. Nous avons généralisé la pré-plainte en ligne, nous ne décourageons pas le dépôt de plainte par les victimes. À la suite des propositions formulées par MM. Le Bouillonnec et Quentin, nous avons en outre décidé de créer un service statistique ministériel dirigé par un membre de l'INSEE.

C'est votre droit absolu, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, de ne pas voter ce budget. Mais nous augmentons le nombre de gendarmes et de policiers là où vous-mêmes supprimiez les postes. Le budget de fonctionnement connaît une augmentation historique. Vous invoquez la communication, vous renvoyez à la politique pénale, mais c'est bien du budget du ministère de l'intérieur qu'il s'agit ici, pas de celui de la justice ! Je m'étonne de votre attitude, car ces éléments vont dans le bon sens. Qu'il faille ensuite aller plus loin dans l'organisation territoriale du travail de la police et de la gendarmerie, vous avez raison d'y insister. J'observe avec intérêt ce que font les Britanniques en ce domaine, non que je compte m'inspirer de leur politique de privatisation, mais parce que leur objectif est d'occuper d'abord et avant tout le terrain.

Monsieur Ciotti, puisque vous vous improvisez porte-parole des syndicats – ou plus exactement d'un syndicat –, permettez-moi de vous rappeler qu'un mouvement syndical très puissant a eu lieu entre les deux tours de la dernière élection présidentielle. L'ISSP n'est pas supprimée : son taux est abaissé. Entre 2008 et 2012, en revanche, la police nationale et la gendarmerie ont perdu 400 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement et 13 700 emplois. En 2013, je confirme que, malgré un dégel tardif, tous les crédits seront consommés. Précisons que ces crédits ont augmenté de 2 % entre 2012 et 2013 et augmenteront de 1 % entre 2013 et 2014. Je ne méconnais pas les difficultés. Cette année, cependant, les loyers seront payés partout.

Dans la lutte des forces de l'ordre contre la délinquance, il peut y avoir parfois du vague à l'âme ou de la morosité ; mais quand même, quel engagement extraordinaire ! Vous êtes les premiers à le saluer sur le terrain : ne contribuez pas à alimenter le doute à ce sujet.

Bien entendu, les directeurs généraux de la gendarmerie nationale et de la police nationale m'alertent des difficultés rencontrées. Le Premier ministre, qui connaît bien ces questions, est totalement à l'écoute. Les parlementaires qui rapportent ce budget contribuent eux aussi à faire passer différents messages.

Encore une fois, je regrette le choix de l'opposition. Nous pourrions apporter ensemble la démonstration d'une volonté commune de combattre l'insécurité. Dans le contexte de redressement des finances publiques que vous connaissez, le budget des forces de sécurité est prioritaire. Au moins sur ce sujet, nous pourrions nous retrouver !

En Mayenne comme ailleurs, monsieur Favennec, la réorganisation de la gendarmerie doit permettre d'améliorer l'occupation du terrain et la capacité d'adaptation. Il est vrai que le ministère de l'intérieur éprouve souvent des difficultés à anticiper les évolutions de la délinquance. Or, ces dernières années, on a assisté à un transfert de cette délinquance et à l'apparition de nouveaux phénomènes. L'émergence de réseaux en provenance des Balkans et de l'est de l'Europe explique en partie la hausse du nombre de cambriolages – à ce propos, je me suis rendu récemment à Créteil pour saluer le travail qui a abouti au démantèlement d'un réseau responsable de plusieurs centaines de cambriolages et de vols à l'arraché. Pour des raisons sociologiques, la délinquance se déplace aussi de la zone police vers la zone gendarmerie, si bien que le métier du gendarme évolue. Ses missions rejoignent souvent celles de la police nationale, non seulement en matière de lutte contre les cambriolages, mais aussi en matière de lutte contre les trafics, notamment de stupéfiants. Nos forces doivent s'adapter et se montrer mieux aptes à occuper le terrain et à faire face à ces formes de délinquance, en métropole comme dans les outre-mer – ce que j'ai vu en Martinique et en Guadeloupe est très préoccupant.

On me signale que les cambriolages sont en baisse de 6 % dans les Alpes-Maritimes. On voit là, sans doute, les effets de l'action de MM. Estrosi et Ciotti ! (Sourires.)

Il fallait également envoyer des renforts dans le Nord, car ce département, délaissé ces dernières années, se trouvait en dessous de l'effectif de référence. Mme Martine Aubry, avec l'affection qu'elle me témoigne régulièrement, me l'a fait remarquer à plusieurs reprises. Plus de la moitié de l'écart aura été comblée en 2013. Le solde le sera en 2014 grâce aux nombreux recrutements.

Le volontariat est au coeur de notre dispositif de sécurité civile et nous devons l'encourager. Je suis très favorable, je le répète, à la proposition de M. Pierre Morel-A-L'Huissier de constituer un groupe de travail pour y voir plus clair s'agissant du mécénat et du rôle des entreprises. Le taux de l'indemnité horaire des sapeurs-pompiers volontaires a été revalorisé de 1 % au 1er octobre 2013 et le sera de nouveau de 1 % au 1er janvier 2014.

Le financement de la vidéoprotection par le FIPD, monsieur Molac, sera en 2014 comme en 2013 de 20 millions d'euros. Je souhaite que tous les ministères participent à ce financement, afin que les nombreux dossiers, notamment ceux des ZSP que le fonds subventionne à 50 %, puissent être mis en oeuvre. Je crois à l'efficacité de la vidéoprotection. Le pragmatisme exige que nous maintenions l'effort en le ciblant davantage.

Vous avez raison de souligner l'efficacité croissante de la police scientifique et technique (PTS). Les traces d'ADN ont permis de résoudre 8 211 affaires en 2009 et 17 922 dans les neuf premiers mois de 2013. La « PTS de masse » est à l'évidence la police de demain. Nous devons tirer parti de toutes les nouvelles techniques. Avec les professions concernées, nous souhaitons en particulier généraliser les dispositifs permettant aux commerçants d'entrer directement en relation avec la police et la gendarmerie. Les bijoutiers, les joailliers, mais aussi les buralistes, sont aujourd'hui les victimes des évolutions de la délinquance.

Plus généralement, nous travaillons à cibler les nouvelles formes de délinquance pour y apporter les solutions adaptées. Bien entendu, la police et la gendarmerie ne résoudront pas seules le problème de la violence dans la société. Mais ce budget leur donnera, en grande partie, les moyens d'y faire face.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion