Intervention de Manuel Valls

Réunion du 31 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : sécurités, contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Nombre de questions portent sur les ZSP. Celles-ci ont été créées sur des territoires où la délinquance est enracinée ou connaît, comme c'est souvent le cas dans les territoires ruraux, une évolution anormale. Elles visent à apporter une réponse en profondeur. Les méthodes employées peuvent être mises en oeuvre dans d'autres zones.

À ce stade, il ne me semble pas opportun de fixer des échéances à la réalisation des objectifs. Chaque zone fait appel à des mesures déployées par plusieurs institutions dans le cadre d'une coordination renforcée. La coordination avec les parquets, notamment, fonctionne bien dans la plupart des cas. Nous avons fait le bilan en mai dernier avec Christiane Taubira et l'ensemble des procureurs et des préfets concernés par les ZSP. Quand je vois le travail conjoint mené par les parquets et les forces de l'ordre, je suis excédé, je ne le cache pas, des critiques exprimées contre la justice !

Les ZSP bénéficient de moyens supplémentaires pour s'attaquer aux violences urbaines, à l'économie souterraine, aux cambriolages, aux incivilités. Les postes de policiers et de gendarmes créés pendant la durée du quinquennat y seront prioritairement affectés. La création d'autres ZSP à laquelle nous procéderons sans doute sera compatible avec nos moyens de fonctionnement.

À cet égard, je souhaite dire à M. Larrivé que les ZSP produisent des résultats en matière de lutte contre les trafics des stupéfiants, contre les nuisances – baisse de 11 % des atteintes à la tranquillité publique –, contre les violences urbaines – recul de 27 % des infractions – et même des cambriolages, dont le nombre diminue de 3 %.

Bref, lorsque l'on cible les phénomènes de délinquance dans certains territoires, on peut obtenir des résultats. Le discours de M. Larrivé et de M. Douillet serait crédible si les effectifs n'avaient pas chuté, si les violences n'avaient pas augmenté et si les cambriolages n'avaient pas explosé au cours des dernières années. Plutôt que de nous renvoyer des chiffres, nous ferions mieux de lutter ensemble contre la délinquance !

Votre suggestion d'améliorer le travail avec les polices municipales est intéressante, monsieur Larrivé. Le nombre des policiers municipaux – moins de 20 000 – reste très faible en France. J'encourage les collectivités à mettre sur pied des polices municipales et à engager des partenariats avec la police nationale et la gendarmerie.

Le secteur privé est aussi un partenaire. Le dispositif mis en place à Lyon pour protéger davantage les commerces tout en respectant la loi va dans ce sens. Nous entendons bien conforter le professionnalisme des métiers de la sécurité privée. J'espère présenter un projet de loi en 2013 pour aller plus loin dans ce domaine et dans celui des polices municipales. Vous avez parfaitement raison, madame Louis-Carabin, de dire que la coordination est la clé de tout. À ce propos, monsieur Lebreton, j'espère me rendre prochainement à La Réunion et à Mayotte, où la situation est préoccupante.

Les trafics auxquels nous devons faire face n'ont pas de frontières. Nous en parlons beaucoup au niveau européen et international, où nous devons être plus efficaces.

Votre question sur les effets de report de la délinquance sur les territoires voisins des ZSP m'est souvent posée, monsieur Popelin. C'est un phénomène que l'on constate parfois dans certains départements. On peut envisager plusieurs solutions pour y faire face. La ZSP ne saurait constituer un carcan, un territoire aux frontières infranchissables : c'est bien pourquoi je demande aux forces de l'ordre de faire preuve de réactivité et d'imagination ! Grâce aux polices d'agglomération, à la coopération entre police et gendarmerie qui est encore à parfaire, aux zones de sécurité mixtes que nous avons créées, nous pourrons agir dans des territoires aux frontières aussi mouvantes que celles de la délinquance. Il est d'ailleurs possible d'intégrer dans la ZSP – de manière limitée, afin de respecter la philosophie du dispositif – les zones limitrophes touchées.

Permettez-moi d'insister sur les possibilités offertes par les communautés de communes et d'agglomération en zone gendarmerie comme en zone police. La création de polices municipales au niveau intercommunal, dans le domaine des transports entre autres, permettra des améliorations. Je l'ai constaté dans les ZSP de Louvres et de Roissy, où les phénomènes de délinquance sont particulièrement mouvants.

Mais la politique de sécurité que je souhaite mener ne peut se résumer aux ZSP, madame Chapdelaine. À travers ces dispositifs, nous expérimentons des méthodes et des objectifs qui amélioreront notre efficacité sur l'ensemble du territoire.

L'activité des services, monsieur Larrivé, est en hausse. Elle a par exemple augmenté de 12 % pour les trafics et reventes, de près de 8 % pour les stupéfiants, avec une hausse de 8,5 % des mises en cause dans ces domaines. Si nous avons trouvé moins de policiers et de gendarmes sur le terrain, c'est que l'ancienne majorité avait supprimé 13 700 postes ! Ce qui est étonnant, d'ailleurs, c'est que vous avez créé des postes entre 2002 et 2007 – j'étais député à l'époque et j'avais voté, tout comme Jean-Pierre Blazy, la confirmation des créations de postes engagées par le prédécesseur de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, Daniel Vaillant. Mais Nicolas Sarkozy a défait en tant que Président de la République ce qu'il avait fait en tant que ministre de l'intérieur, et cela sans que ses ministres de l'intérieur puissent s'y opposer.

Pour ma part, monsieur Douillet, je ne suis nullement dans un rapport de force avec Bercy. Le ministre délégué chargé du budget s'est montré très attentif à la mise en oeuvre de l'engagement du Président de la République. Les choix du Premier ministre concernant le dégel des crédits pour 2013 vont dans le même sens. Comme vous l'avez dit très justement, madame Dubois, il faut donner à la gendarmerie – tout comme à la police – les moyens de son action de proximité, s'agissant notamment des véhicules et du carburant, tout en faisant évoluer son rôle face aux nouveaux phénomènes de délinquance.

Nous poursuivons la mise en cohérence de la vidéoprotection, monsieur Goujon. Le système développé pour Paris intra-muros permet désormais des extensions de raccordement en petite couronne. Grâce au FIPD, nous pourrons progressivement raccorder au réseau de la préfecture de police l'ensemble des centres de supervision urbains, les systèmes des grands équipements commerciaux et sportifs et ceux du réseau de transports. Les services de police ont déjà accès à plus de 10 000 caméras grâce à des partenariats, notamment avec Rosny 2, le CNIT et le centre commercial des Quatre Temps à La Défense, la RATP et la SNCF. Ces raccordements font l'objet d'une prise en charge par les sociétés concernées, avec le nécessaire soutien du FIPD.

La dynamique de la police d'agglomération se poursuit. J'ai demandé au préfet de police de Paris, Bernard Boucault, d'étendre à la grande couronne les interventions de la police des transports. J'en constate les résultats, notamment sur la ligne 402 – je n'oublie pas que je suis conseiller municipal d'Évry –, une des plus touchées par les violences.

J'ai également demandé au préfet de police de créer une sous-direction à vocation judiciaire pour mieux lutter contre la petite et moyenne délinquance des bandes et des cambrioleurs d'habitude. La délinquance des mineurs est l'un des plus grands défis de la société actuelle. C'est un sujet extrêmement compliqué, devant lequel la police elle-même se trouve en grande difficulté et qui nécessite de la part de nos systèmes éducatif et judiciaire des réponses parfaitement adaptées. Souvent, les mineurs sont utilisés. En région parisienne, la délinquance d'origine roumaine entre pour beaucoup dans l'augmentation de la délinquance des mineurs. Il ne s'agit pas de généraliser ou de stigmatiser : c'est une réalité indéniable. Nous obtenons des résultats très significatifs dans les lieux touristiques. J'en ai longuement discuté avec la première adjointe au maire de Paris, s'agissant notamment de l'action à mener dans les grands magasins. Je me suis également entretenu avec les directeurs de la SNCF et de la RATP des moyens de gagner en efficacité dans les transports en commun, où la délinquance est préoccupante. Plus généralement, nous devons obtenir des résultats contre les réseaux qui exploitent les mineurs et la misère humaine.

En matière de formation, monsieur Binet, les écoles devraient avoir une capacité suffisante pour accueillir les nouveaux recrutés en 2014. Alors qu'on les avait vidées, elles seront pleines ! Avec le directeur général de la police nationale, M. Baland, je suis très attentif aux conditions d'accueil et de formation. J'aurai d'ailleurs l'occasion de m'exprimer devant les nouveaux policiers et gendarmes qui sortiront de ces écoles. La baisse de l'ISSP n'atteint en aucune manière leur volonté de s'engager dans les forces de l'ordre.

Vous avez posé une question très intéressante, monsieur Assaf, sur le rapport entre les ZSP et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour en avoir beaucoup parlé avec le ministre délégué chargé de la ville, François Lamy, je crois qu'il faut réactiver ces derniers. Une convention lie l'action de nos deux ministères dans ce domaine. La situation varie selon les territoires. Je crois beaucoup à l'implication des élus : nous devons faire confiance aux maires qui s'engagent dans ce domaine – sachant qu'il y a parfois loin de la parole aux actes lorsque l'on entend certaines prises de position ! Tout ce qui permet une coproduction associant la justice, l'éducation nationale et les acteurs économiques dans la lutte contre les violences est bénéfique.

Les crédits de fonctionnement de la gendarmerie augmenteront de 1 % entre 2013 et 2014, monsieur Marleix. On vous aura donné des chiffres erronés !

Toutes les ZSP sont dotées d'un délégué à la cohésion police-population, madame Descamps-Crosnier. Je souhaite que ces personnels bénéficient d'une bonne formation, car j'attache beaucoup d'importance à l'amélioration du lien avec la population. Je demande aux policiers et aux gendarmes non pas de se justifier, mais d'expliquer la nature de leur mission.

Les mutations des agents du corps d'encadrement et d'application dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion s'effectuent en effet, monsieur Lebreton, dans le cadre spécifique du « mouvement général polyvalent ». Les candidats obtiennent satisfaction grâce à un capital de points qui leur est attribué, notamment, en fonction de leur ancienneté, de leur service dans un secteur difficile, de leur situation matrimoniale ou familiale. A priori, ce système garantit l'égalité de traitement de tous les fonctionnaires, quelle que soit leur origine, à partir de critères qui se veulent objectifs. Il permet également de concilier au mieux le légitime souhait de retour des originaires – qui bénéficient, contrairement aux non-originaires, d'une mutation à titre définitif s'ils le souhaitent – et les impératifs de gestion des ressources humaines de l'administration. Accorder des mutations plus rapides et plus massives, comme m'y invitent les nombreux courriers que je reçois des parlementaires de La Réunion, reviendrait à bloquer le système, les nouveaux arrivants devant attendre les départs en retraite pour pouvoir prétendre à une mutation. Je reconnais néanmoins qu'il existe là une vraie difficulté et qu'il nous faudra y travailler.

En Guadeloupe, madame Louis-Carabin, j'ai en effet annoncé l'extension de la ZSP à Baie-Mahault ainsi que la mise en place de deux équipes cynophiles, la rationalisation de la compagnie départementale d'intervention, l'adaptation des horaires à la délinquance – ce qu'on appelle la « semaine antillaise ». Je confirme le maintien des escadrons de gendarmerie, en particulier dans la ZSP de Pointe-à-Pitre, et la création de postes qui devraient démultiplier l'action des forces de l'ordre à condition que les réformes de fond soient menées. Je vais également confier à un préfet une mission de six mois pour que l'on puisse s'assurer, notamment dans votre département, de ce nouvel élan. En matière de police judiciaire, de coopération entre police et gendarmerie et d'action des forces de l'ordre, nous devons renforcer le dispositif.

Comme en 2012 et en 2013, monsieur Denaja, le potentiel opérationnel de la flotte aérienne de la sécurité civile est garanti en 2014. Le budget prévoit même une augmentation de 4 millions d'euros pour la maintenance.

Je remercie la majorité de son soutien exigeant à la mise en oeuvre d'une des priorités du Président de la République. Je remercie aussi l'opposition de me soutenir sans vouloir le dire. (Sourires.)

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