Certes. Ce débat, disais-je, vient utilement mettre en perspective l’exercice automnal d’examen des textes financiers, auquel l’Assemblée nationale se consacre intensément depuis plusieurs semaines. Cela peut sembler contre-intuitif, mais en réalité, ces deux sujets – PIA et budget – sont très proches. Tous les deux visent en réalité le même objectif : préparer l’avenir du pays. Simplement, ils le font selon des modalités et dans des champs un peu différents.
En luttant contre les déficits excessifs, en maîtrisant l’évolution de la dette française, nous permettons à la France de préserver sa souveraineté. Nous ménageons des marges de manoeuvre, pour permettre aux gouvernements futurs de mener leurs politiques. Ainsi, nous rendons plus clair l’horizon des générations à venir. Nous sommes face à une responsabilité historique : ne pas transmettre à la génération suivante un pays grevé par une dette qui n’en finirait plus d’enfler. C’est la raison pour laquelle, à mon poste de ministre de l’économie et des finances, je mène ardemment une politique de désendettement du pays, de sorte que la courbe de la dette devrait s’inverser en 2015. Cette année-là, la part de la dette publique dans le PIB devrait diminuer. Bref, en nous désendettant, nous préservons la capacité de la France à maîtriser son destin.
Grâce au nouveau PIA, qui représente 12 milliards d’euros, nous préparons aussi l’avenir, en nous concentrant sur un autre aspect de la puissance et de la vitalité économique de la France de demain : la croissance et l’investissement. En réalité, ces paramètres concourent également, et au premier chef, à la réduction du déficit.
Le PIA a été conçu et sera mis en oeuvre pour atteindre un objectif : renforcer le potentiel de croissance. Une idée forte sous-tend ce raisonnement : le PIA doit être un tremplin pour la croissance de la France. En cela, il s’inscrit dans la droite ligne du pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, que le Gouvernement a présenté il y a presque exactement un an. En effet, M. Louis Gallois a remis son rapport, dans lequel il établit un diagnostic objectif et sans concessions, au Premier ministre le 5 novembre 2012. Nous étions, du reste, ce matin à Saint-Étienne – n’est-ce pas, monsieur Juanico ? – pour marquer cet anniversaire.
Le PIA n’est pas contradictoire avec notre effort de redressement des comptes publics ; au contraire, il est un complément naturel à cet effort. Le PIA et le redressement des comptes sont au service d’une même ambition : mettre la France en position de force pour l’avenir, que ce soit sur le plan de la souveraineté financière ou de la croissance durable.
Le choix de faire du PIA un levier majeur de la croissance de la France se traduit précisément dans les priorités que nous avons fixées. Je les énoncerai par ordre décroissant. Tout d’abord, sur les 12 milliards d’euros que représente le PIA, 3,65 milliards seront destinés à la recherche et aux universités. En effet, nous le savons tous, il nous faut rester à bord du train de l’économie de la connaissance, et pour cela investir dans le capital humain.
Ensuite, 2,3 milliards d’euros seront alloués à la transition énergétique, à la rénovation thermique, à l’émergence des villes de demain. Il s’agit de préparer nos structures économiques à la rareté énergétique et de les aider à maîtriser les coûts futurs dans ce domaine. Ces préoccupations aboutissent notamment à l’installation du compteur intelligent Linky, dont le déploiement a été annoncé par le Premier ministre en juillet dernier. Il aidera les utilisateurs à mieux maîtriser leur consommation d’électricité et permettra le développement de nouveaux services, comme le pilotage automatique des appareils électriques du foyer.
Par ailleurs, 1,7 milliard d’euros seront consacrés à l’innovation dans l’industrie. Nous parlions précisément d’innovation ce matin à Saint-Étienne, où le Premier ministre a annoncé un plan aux côtés d’Arnaud Montebourg, de Geneviève Fioraso, de Fleur Pellerin et de moi-même. Des annonces précises seront faites sur ce point demain. Le lien du pacte de compétitivité avec les travaux budgétaires apparaît clairement : la priorité donnée à l’innovation industrielle permettra de renforcer l’efficacité de nos autres dispositifs d’appui à l’innovation, qu’il s’agisse de l’extension du crédit d’impôt recherche ou, plus récemment, du renforcement du statut de jeune entreprise innovante dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
Enfin, le PIA permettra de soutenir l’excellence technologique dans les industries aéronautiques et spatiales, à hauteur d’1,3 milliard d’euros, et dans le domaine de la défense, pour 1,5 milliard d’euros. Ces deux secteurs sont porteurs de technologie de pointe et sont des domaines d’excellence avérés de l’industrie française, tout en étant, l’un comme l’autre, fortement exportateurs.
Ils sont également importants pour nos territoires. Je me suis, par exemple, rendu à Metz il y a trois semaines, où j’ai visité une usine appartenant au groupe Cimulec, qui fabrique des circuits imprimés complexes destinés au secteur militaire, aéronautique ou spatial. Ces produits sont à haute valeur ajoutée. Cimulec est l’un des quatre partenaires d’un dossier retenu dans le cadre d’un appel à projets des investissements d’avenir, pour structurer la filière des circuits imprimés, et a obtenu à ce titre des financements de BPI France. Cette entreprise dynamique à tous points de vue contribuera, demain, à la croissance de la Lorraine. Nous voulons donc vraiment orienter le nouveau PIA vers des projets innovants, permettant la création de valeur pour la collectivité et la création d’emplois dans les filières d’avenir.
Je répète que le redressement des finances publiques et les investissements d’avenir ne sont pas contradictoires. Cela a une deuxième implication : le programme est et sera géré dans le respect de notre trajectoire d’assainissement des comptes publics. Investissement et sérieux budgétaire vont de pair. Cela se manifeste à plusieurs niveaux, et d’abord dans le choix des instruments financiers privilégiés pour mettre en oeuvre le PIA. Ses modalités d’intervention portent en effet en priorité sur des prêts et dotations en capital, de préférence à des subventions ou des avances remboursables. Une part majeure du PIA – environ 40 % des fonds – prendra la forme de dotations non consommables. Sans entrer dans le détail de la comptabilité nationale, il faut relever que ces dotations non consommables n’ont d’impact ni sur la dette, ni sur le déficit, hormis les intérêts versés.
Par ailleurs, ce que l’on appelle les dotations consommables sont divisées en deux catégories. On y trouve, d’une part, les subventions et avances remboursables, qui ont un impact sur le déficit et la dette au fil des décaissements, et qui sont strictement encadrées, et, d’autre part, les prêts et fonds propres, représentant 17 % des fonds, qui n’ont pas d’impact sur le déficit. Au total, j’estime que l’impact des investissements d’avenir devrait être, entre 2014 et 2017, de l’ordre de 4,7 milliards d’euros sur la dette et de 3,8 milliards d’euros sur le déficit.
Je précise par ailleurs qu’à ce stade, par prudence, nous n’avons pas pris en compte dans nos calculs les éventuelles recettes générées par les investissements effectués au titre du PIA, qu’elles prennent la forme d’intérêts, de dividendes ou de ventes de licences. Nous avons donc choisi des instruments financiers qui limitent au maximum l’impact des investissements d’avenir sur nos finances publiques, alors que les investisseurs et nos partenaires européens restent très attentifs à leur évolution, et donc à la qualité de la signature de la France. Je tiens fondamentalement à ce que les taux d’intérêt affectés au service de notre dette restent au niveau historiquement bas auquel ils se sont établis. L’écart de taux par rapport à l’Allemagne, le spread, est lui aussi historiquement bas.
Nous avons choisi de limiter encore l’impact de ce programme sur nos finances publiques en optant pour des décaissements très progressifs dans les prochaines années, grâce à une méthodologie rigoureuse de sélection des investissements. Il faut ici entrer dans des détails techniques pour comprendre les implications financières de ce choix, et leur lien avec les finances publiques. Pour simplifier, disons qu’en choisissant un sentier de décaissement très progressif, nous évitons de bouleverser notre programme d’émission de dette, qui est surveillé de très près par les investisseurs. Là encore, nous continuons à accéder au marché de la dette publique à un coût très compétitif. Je précise que le rythme de décaissement n’a pas d’impact sur la dynamique des investissements, puisqu’ils interviennent bien après le lancement des appels à projets.
Le souci de concilier investissements et sérieux budgétaire a une troisième implication. Le nouveau PIA sera financé en partie par des recettes issues de cessions de participations de l’État, grâce à une gestion active et responsable de son patrimoine. Avec Arnaud Montebourg, nous travaillons d’ailleurs à la modernisation de cette gestion.
Enfin, – et je m’arrêterai là, pour céder la parole à Louis Gallois – les investissements seront soigneusement sélectionnés. Ils devront impérativement remplir le critère de soutien à la croissance potentielle. En d’autres termes, le PIA n’est pas la porte à laquelle on frappe pour avoir une seconde chance. Ce n’est pas une cour d’appel, ni un lieu où un investissement d’une efficacité douteuse pourrait revenir par la fenêtre après avoir été jeté par la porte. Les principes d’engagement sont très clairs : sélection de projets innovants, efficience accrue des procédures du PIA en tenant compte du retour d’expérience, appui sur les opérateurs, recours à la procédure de l’appel à projets, analyse indépendante, recherche systématique de co-investissements avec effet de levier sur l’investissement privé, optimisation du retour financier sur investissement pour l’État sous forme de dividendes, de redevances, d’intérêts de remboursement de capital. Bref, à chaque fois, il s’agit de respecter les critères d’un investisseur avisé. Cela implique d’assumer des choix, des priorités. C’est ce que nous faisons.
Madame la présidente, monsieur le commissaire général, mesdames et messieurs les députés, telles étaient les quelques brèves remarques, destinées à brosser des perspectives générales, que je souhaitais partager avec vous aujourd’hui. J’ai la conviction que le PIA nous permettra, selon les modalités que nous avons définies, de réussir le pari de réconcilier investissements et sérieux budgétaire, au bénéfice direct de notre économie, de notre croissance, et donc de l’emploi.