Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, je serai bref car M. le ministre a été très complet sur le programme d’investissements d’avenir 2, le PIA 2. Je m’attacherai, quant à moi, à replacer le PIA dans une perspective historique, puisqu’il est dans sa quatrième année d’existence.
Le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen un deuxième plan d’investissement, qui représente 12 milliards d’euros et qui, s’il vise des priorités nouvelles, fonctionne selon les mêmes modalités que le premier PIA : expertise externe et indépendante, pilotage interministériel, décisions du Premier ministre.
Un mot sur le bilan du programme d’investissement d’avenir. Je rappelle que nous avons actuellement consommé 29 milliards sur les 35 milliards du premier PIA. Ces 29 milliards sont constitués, à hauteur de 15 milliards, de dotations non consommables finançant quasi exclusivement les initiatives d’excellence et les laboratoires d’excellence, et dans une moindre mesure les équipements d’excellence. Nous aurons effectivement versé à la fin de l’année 6 milliards d’euros ; nous atteignons maintenant un rythme de versement compris entre 3 et 4 milliards d’euros par an.
La commission Juppé-Rocard, à l’origine de ce programme, avait parié en 2009 sur ce qu’on appelle l’économie de la connaissance. Les objectifs étaient de libérer les capacités d’innovation, de faire travailler ensemble la recherche publique, la recherche privée et les entreprises et d’assurer un continuum de financement et d’accompagnement depuis la recherche fondamentale jusqu’à la mise sur le marché. Le moyen était de mettre en mouvement les universités, les organismes de recherche et les entreprises autour de projets d’excellence. Les modalités étaient la sélection par des jurys nationaux – ou internationaux, en particulier pour les initiatives d’excellence – qui ont permis de donner une visibilité nouvelle à ces projets.
Ces derniers ont souvent pris la forme de structures nouvelles. Je sais que des interrogations se sont exprimées sur la multiplication de ces structures. Elles ont un seul but : celui d’offrir aux différents acteurs les conditions leur permettant de travailler ensemble de manière pérenne. Ainsi les IDEX, les initiatives d’excellence, que l’on voit déjà à l’oeuvre, ont fait émerger des acteurs universitaires de taille à affronter la compétition mondiale ; les laboratoires d’excellence, les LABEX, offrent des moyens et une visibilité internationale à des équipes de recherche d’excellence ; les EQUIPEX permettent de financer des modèles de recherche de pointe utilisables dans le cadre de projets de recherche mutualisés ; et les instituts de recherche technologiques positionnent notre pays en leader dans le domaine de la recherche technologique en associant, au sein de structures dédiées, organismes de recherche, grands groupes et PME.
Parmi ces instituts de recherche technologique, je citerai B-Com, situé à Rennes, dans le secteur du numérique et des télécommunications, de Saint-Exupéry, implanté entre Midi-Pyrénées et Aquitaine, dans celui de l’aéronautique et du spatial, de Jules-Verne, près de Nantes, et de M2P, en Lorraine, dans celui des matériaux. Ces deux derniers instituts de recherche technologiques commencent d’ailleurs à travailler ensemble. Nous comptons actuellement huit IRT.
Par ailleurs, les instituts pour la transition énergétique – j’ai proposé que ce nom remplace celui « d’institut d’excellence sur les énergies décarbonées », qui était long et difficilement compréhensible – se mettent actuellement en place : nous avons signé le lancement de quatre d’entre eux la semaine dernière.
Enfin, je voudrais dire un mot des instituts hospitalo-universitaires, les IHU, qui sont un véritable succès. Dans plusieurs grands hôpitaux, nous avons isolé des équipes d’excellence qui travaillent sur des projets très avancés, qu’il s’agisse de chirurgie robotisée mini-invasive à Strasbourg ou de cardiologie à Bordeaux. Des start-up ont déjà émergé de ces instituts hospitalo-universitaires, que nous devrons accompagner tout au long de leur développement jusqu’au moment où elles acquerront leur autonomie industrielle.
Nous travaillons évidemment sur le long terme, mais nous commençons à voir les premiers résultats de ces différents programmes, parmi lesquels une hausse très significative du nombre de brevets dans les IHU et dans les laboratoires d’excellence. Nous constatons que ces derniers attirent des chercheurs de très haut niveau du monde entier, car on leur a donné une visibilité et des moyens pérennes grâce à des dotations non-consommables, qui leur assurent des intérêts dans la durée. Cela crée d’ailleurs un problème, dans la mesure où les structures qui ne bénéficient pas du label « Laboratoire d’excellence » considèrent qu’ils n’ont pas la même capacité d’attraction. Néanmoins, je pense qu’il était absolument essentiel que nous donnions de la visibilité aux meilleurs laboratoires français.
Par ailleurs, nous sommes en train de faire évoluer le paysage de la formation vers les métiers de demain. Nous avons pour objectif de soutenir, non pas la totalité de la formation, mais des opérations de formation exemplaires – je reviendrai d’ailleurs sur ce point à propos du deuxième PIA. Les instituts de recherche technologique eux-mêmes développent des formations dans les métiers de demain.
Nous avons incontestablement créé une dynamique, voire une effervescence, que j’ai pu constater lorsque je me suis rendu à la réunion des instituts de recherche technologique à Rennes. Toutefois, nous devrons maîtriser cette effervescence et éviter la multiplication des structures sans que d’autres structures disparaissent. Nous devons donner de la lisibilité à ce que nous faisons, mais il était absolument essentiel que nous soyons capables de créer ce climat dynamique, qui permet aux laboratoires de recherche de travailler enfin avec des entreprises. Au reste, et c’est une épreuve significative, à ma connaissance, aucune entreprise ne s’est retirée d’un institut de recherche technologique. Je vous rappelle que ces derniers sont financés pour moitié par les entreprises.
Nous devons évidemment simplifier le paysage de la valorisation de la recherche, qui reste trop complexe.
Nous devons enfin nous assurer, jour après jour, que les PME sont également associées à ces programmes, qui ne doivent pas devenir des chasses gardées de grands groupes – même si nous savons qu’en France, 80 % de la recherche des entreprises est faite par des groupes.
Le Gouvernement a décidé, en janvier dernier, de réorienter le PIA, à hauteur de 2,2 milliards d’euros, pour l’inscrire dans la dynamique du pacte de compétitivité annoncé le 6 novembre dernier. L’accent est mis davantage sur l’aval, car le premier PIA a créé un flot d’innovations qu’il faut désormais accompagner jusqu’au marché.
Trois priorités industrielles ont été définies : les technologies génériques – au premier rang desquelles le numérique –, la santé et l’économie du vivant, et la transition énergétique. Ces trois priorités sont reprises dans le PIA 2. Je constate d’ailleurs qu’elles sont également très présentes dans les 34 plans industriels présentés par M. Montebourg.
J’en viens au deuxième programme d’investissements d’avenir – je serai très rapide, puisque M. Moscovici a à peu près tout dit sur le sujet.
Nous continuons évidemment à financer l’économie de la connaissance – c’est absolument vital –, mais le PIA 2 insiste également sur l’économie de l’innovation, clé de la compétitivité, et sur la transition énergétique. Il s’agit de prolonger et d’amplifier la dynamique initiée avec les redéploiements du premier PIA. Le programme est donc fortement axé sur l’aval, ce qui se traduit d’ailleurs dans ses modes de financement : nous allons apporter beaucoup plus de financements sous forme de prêts et de fonds propres, c’est-à-dire de prises de participation, directes ou indirectes, à travers les fonds que va opérer la BPI. Nous devons toujours veiller à ce qu’il n’y ait pas de « vallée de la mort » entre la recherche et le développement des entreprises sur le marché : à tous les stades, celles-ci doivent pouvoir trouver les financements dont elles ont besoin.
Je ne fais que paraphraser le ministre en disant que ce programme respectera la trajectoire des finances publiques, pour les raisons qu’il a exposées mieux que je ne saurais le faire.
Le PIA 2 comprend huit thématiques et plus d’une vingtaine d’actions : la transition écologique et énergétique pour 2,3 milliards, l’industrie durable et l’usine du futur pour 1,7 milliard, l’économie numérique pour 615 millions, la recherche et l’université pour 3,7 milliards – dont 3,3 milliards de dotations non consommables –, la santé pour 400 millions, l’aéronautique et l’espace pour 1,3 milliard, la jeunesse, la formation et la modernisation de l’État pour 550 millions – dont 150 millions consacrés à la formation professionnelle.
J’attire votre attention sur le fait que nous allons financer des opérations de formation professionnelle dans les zones en mutation économique, en veillant à associer les partenaires sociaux à la définition des programmes et, ce qui me paraît absolument essentiel, à allier formation initiale et formation continue.
La dernière thématique est l’excellence technologique des industries de défense, à hauteur d’1,5 milliards. Vous savez que c’est une novation, puisque celles-ci n’étaient pas éligibles au premier PIA.
Les modalités d’action ont également été rappelées par Pierre Moscovici, notamment la gouvernance au service de la qualité des investissements. Nous avons la responsabilité de garantir l’efficacité des crédits investis : la qualité de la gouvernance des investissements d’avenir doit être particulièrement rigoureuse, tout en permettant un traitement efficace des projets candidats, dans des délais raisonnables – je reviendrai sur ce point.
La gestion des crédits par les opérateurs se caractérise par son étanchéité. Les 12 milliards d’euros seront intégralement versés en 2014 sur les comptes des opérateurs au Trésor. Il n’y aura donc pas de possibilité de passer l’argent d’un opérateur à un autre, sauf autorisation du législateur.
Les décaissements se feront projet par projet, au fil des décisions du Premier ministre. À l’évidence, ce ne sont donc pas des programmes budgétaires classiques.
Un appel à projets permettra de sélectionner les projets innovants exemplaires. Ceux-ci seront soumis à une analyse indépendante et à une approche interministérielle, et la décision finale d’engagement sera prise par le Premier ministre, sur avis du commissaire général à l’investissement.
La recherche du co-investissement, avec effet de levier sur l’investissement privé, sera encore renforcée, et quasiment systématique.
Nous avons aussi tiré les enseignements du premier PIA en se fixant comme objectifs l’efficience des procédures et la réduction des délais. Nous avons ainsi engagé des réflexions sur la simplification et l’accélération de certaines procédures ; des décisions ont été prises, notamment pour les projets structurants des pôles de compétitivité. Nous avons supprimé certaines procédures – et même certains modes de financements qui donnaient lieu à des procédures inutilement longues – et mis en place, en parallèle, un certain nombre de démarches permettant d’aller plus vite et de réduire les délais de réponse aux industriels et aux centres de recherche. Nous poursuivrons dans cette voie, car il est absolument essentiel que nous allions dans ce sens.
Par ailleurs, la majorité des projets du PIA 2 doivent répondre à des critères d’éco-conditionnalité. Conformément à l’annonce du Premier ministre, ils doivent être simples, lisibles, contre-expertisables par l’État et les opérateurs et opposables, c’est-à-dire claires et simples, aux candidats au financement. Ces critères d’éco-conditionnalité différeront selon les différents programmes. Avec le concours du ministère en charge de ces questions, nous devrons adapter les critères retenus.
Je rappelle enfin deux préoccupations essentielles du Commissariat général à l’investissement. Premièrement, l’analyse des risques. Nous prenons des risques – avec de l’argent public – puisque nous sommes dans le domaine de l’innovation et de recherche, mais nous devons être capables de les maîtriser et de trouver les moyens de les réduire à chaque fois que cela est possible.
Deuxièmement, je porte une attention particulière au suivi des projets financés, pour vérifier qu’ils respectent leur cahier des charges et qu’ils produisent les résultats que l’on peut en attendre.
Avec l’accord du Premier ministre, nous avons déjà arrêté certains projets qui ne correspondaient plus au cahier des charges initial. J’ai notamment à l’esprit un institut pour la transition énergétique, dont le projet était assez avancé mais qui n’a pu être présenté en raison du départ d’industriels avant le dépôt du dossier. Il est extrêmement important que les opérateurs et nous-mêmes soyons très attentifs à l’évaluation et au suivi des programmes d’investissements d’avenir.
Le programme d’investissements d’avenir a pour objectif d’augmenter la croissance potentielle du pays. Comme je l’ai précisé dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre le 5 novembre 2012, la reconquête de la croissance passe par la montée en gamme et par l’innovation. Une telle sortie par le haut est, à mon sens, préférable à l’option qui mènerait à l’austérité et à la réduction du niveau de vie des Français, que certains pays d’Europe sont malheureusement amenés à mettre en oeuvre.
Notre recherche est puissante. Elle doit être mise au service du pays et déboucher aussi rapidement que possible sur la croissance. Tel est le véritable objectif du PIA. Cet outil est une chance pour la France et vous pouvez être assurés que le commissaire général à l’investissement est conscient de sa responsabilité dans ce domaine.