Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Urvoas, retenu par ailleurs.
Madame la ministre, nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir, puisque c'est aujourd'hui que M. Bernard Pêcheur, président de la section de l'administration au Conseil d'État, remet au Gouvernement son rapport sur l'évolution de la fonction publique.
Mme Karine Berger, rapporteure spéciale pour les crédits de la stratégie des finances publiques et de la modernisation de l'État, ainsi que pour la conduite et le pilotage des politiques économique et financière. Je me suis particulièrement penchée cette année sur la capacité de pilotage des finances publiques par les administrations qui en ont la charge, dont les budgets sont établis par les programmes 218 et 221. Ces administrations seront garantes du résultat de l'effort de 15 milliards d'euros sur la trajectoire de dépenses publiques inscrit dans le projet de loi de finances initiale pour 2014.
L'emballement de la dette publique française depuis 2009, et les nouvelles contraintes juridiques découlant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, notamment le Six-Pack et le Two-Pack, bouleversent l'exigence de pilotage des dépenses publiques et de stratégie du solde des administrations publiques. De fait, la stratégie des finances publiques et de modernisation de l'État revêt une dimension politique nouvelle. La représentation nationale est désormais amenée à voter sur des grandeurs macro-économiques dites « toutes administrations publiques » – toutes APU –, que ce soit lors du projet de loi de finances initiale (PLF) ou lors de l'examen du projet de loi de programmation pluriannuelle. Elle se prononce également sur des notions nouvelles, comme celle de « solde structurel » qui fait l'objet de l'article liminaire du PLF pour 2014.
Le pilotage des dépenses publiques « sous norme » donne des résultats probants même si certaines questions se posent.
Depuis 2011, les objectifs de dépense « toutes APU » sont globalement respectés.
La capacité de l'État à réguler la dépense est réelle s'agissant de la dépense du budget général et de celle de l'assurance maladie, notamment en raison des moyens juridiques dont il dispose pour agir. Cette capacité s'est réalisée essentiellement dans une logique de pilotage « sous norme ».
La capacité de l'État à piloter la dépense des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux est limitée. Il s'ensuit qu'une dépense représentant de l'ordre de 30 % du total de la dépense publique – soit environ 360 milliards d'euros en 2014 – échappe au contrôle des pouvoirs publics qui doivent néanmoins en rendre compte dans le cadre de nos engagements européens « toutes APU ».
Le pilotage se réalise « sous norme ». Ces normes sont construites en référence à une évolution tendancielle de la dépense publique dont l'évaluation doit être rendue plus transparente, notamment à l'égard de la représentation nationale. Monsieur le ministre, pourrons-nous disposer à l'avenir d'éléments relatifs au chiffrage de cette évolution tendancielle ?
Il est vrai que le respect des engagements pris par le Gouvernement devant la représentation nationale et devant ses partenaires européens ne tient pas uniquement à l'efficacité de l'action de l'exécutif, mais également à des éléments qui lui échappent. Comment les intégrer alors qu'ils ne sont pas pilotés « sous norme » ?
J'ai également constaté que le pilotage de la dépense de l'État « sous norme » provoque certains effets pervers, notamment des tentatives répétées de contournement de la norme – dont le rapport de l'inspection générale des finances de 2012 fait largement état –, et la relégation partielle de la démarche de performance. Comment réconcilier à l'avenir pilotage « sous norme » et performance des politiques publiques ?
Le pilotage du solde structurel « toutes APU », sur lequel la représentation nationale a pour la première fois été amenée à voter, est essentiel. L'évolution du solde structurel ne dépend que partiellement des décisions prises par les pouvoirs publics. Le calcul du solde structurel est, en effet, fondé sur une hypothèse conventionnelle d'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, qui, si elle n'est pas vérifiée, conduit à des variations importantes du solde structurel. Il serait souhaitable de disposer d'éléments précis sur ces hypothèses conventionnelles d'élasticité des recettes.
Les moyens traditionnels de pilotage des finances publiques ne sont pas adaptés aux caractéristiques du solde structurel. Il a été impossible d'évaluer le pilotage des dépenses structurelles qui ne se recoupent pas avec les dépenses tendancielles. Pourra-t-on nous fournir à l'avenir des éléments détaillés sur les « dépenses structurelles » ? Monsieur le président de la commission des finances, ne pourrions-nous pas réfléchir à la création d'une mission parlementaire sur cette notion ?