Intervention de Camille de Rocca Serra

Réunion du 4 novembre 2013 à 15h00
Commission élargie : gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCamille de Rocca Serra :

, rapporteur spécial pour les crédits de la gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, ainsi que pour la facilitation et la sécurisation des échanges. Le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local », qui comprend les crédits consacrés à la direction générale des finances publiques (DGFiP), et le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », qui comprend les crédits dédiés à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), représentent environ 87 % des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Ces programmes ne sont pas prioritaires pour le Gouvernement. Ils doivent donc consentir des efforts, notamment en ce qui concerne les réductions des effectifs, afin de contribuer à la stabilisation du nombre des agents de l'État, et de participer à la stabilisation en valeur des dépenses. Ainsi, le plafond d'autorisation d'emplois pour la DGFiP s'élèvera, en 2014, à 111 990 équivalents temps plein travaillé (ETPT) : le présent projet de loi de finances pour 2014 est construit, pour la DGFiP, sur un volume de suppression de 1 988 équivalents temps plein. Le plafond d'autorisation d'emplois de la DGDDI s'élèvera en 2014 à 16 662 ETPT, soit une baisse de 208 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Pour 2014, l'enveloppe de crédits de personnels accordée aux deux directions s'inscrit en conséquence dans une logique similaire à celle qui prévalait avec la RGPP, soit un objectif de maîtrise des dépenses publiques. La sémantique change, mais les objectifs restent bien les mêmes !

J'appelle votre attention sur les « projets stratégiques » en cours d'élaboration dans ces deux importantes directions en réseau du ministère de l'économie et des finances. En effet, l'une et l'autre travaillent actuellement sur des feuilles de route pour la période 2014-2018, qui devraient permettre de dessiner l'avenir de ces deux administrations. Néanmoins, les premiers retours de la « démarche stratégique » entreprise par la DGFiP m'ont laissé quelque peu sceptique, si ce n'est inquiet, ce processus n'ayant de stratégique que le nom. J'espère que les premiers résultats de la démarche similaire entamée par la DGDDI, qui devraient être présentés très prochainement, seront plus probants.

En effet, à l'heure où les réductions de moyens humains et financiers se poursuivent pour la DGDDI et la DGFiP – ils apparaissent comme indispensables dans le contexte budgétaire contraint actuel –, cette dernière entend, à la suite de sa « démarche stratégique », maintenir en l'état son réseau et l'ensemble du spectre de ses missions : elle affirme même vouloir les conforter, voire en renforcer certaines, notamment celles ayant trait à la lutte contre la fraude fiscale. Or, il me semble particulièrement difficile, voire illusoire, de vouloir maintenir l'ensemble des missions, ainsi que le réseau de ces deux administrations, sans engager de véritables et courageuses réformes structurelles.

Monsieur le ministre, ces « projets stratégiques » étant mis en oeuvre sous votre autorité, pourriez-vous m'indiquer de quelle manière des programmes non prioritaires peuvent maintenir en l'état leurs réseaux et leurs missions, voire en renforcer certaines ? N'est-il pas temps de lancer les réformes structurelles qui s'imposent et qui permettraient de repenser et de sanctuariser le coeur de métier de ces deux administrations régaliennes ?

Concernant plus spécifiquement la DGDDI, comment peut-on être assuré du maintien des capacités opérationnelles des services douaniers alors même que les crédits liés à l'investissement sont d'année en année sous-exécutés comme le relevait dernièrement la Cour des comptes ? La douane a d'ailleurs dû renoncer récemment au renouvellement de deux vedettes garde-côtes.

La lutte contre les contrefaçons a connu une baisse importante de ses résultats en raison d'une jurisprudence européenne empêchant les services douaniers d'intervenir sur les flux en transit : l'arrêt Nokia-Philips de la Cour de justice de l'Union européenne du 1er décembre 2011.La contrefaçon portant une atteinte grave au droit de propriété intellectuelle et constituant une menace pour les consommateurs, il paraît indispensable de faire évoluer le cadre juridique européen. De quelle manière les autorités françaises comptent-elles agir au niveau européen pour débloquer cette situation ?

Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaitais vous interroger sur l'impact de la suspension de l'écotaxe poids lourds pour les services des douanes. Cent trente agents de la DGDDI ont été affectés par vagues successives depuis le 4 mars dernier à la gestion de cette écotaxe. L'évaluation du budget nécessaire au bon fonctionnement des services concernés a nécessité en 2013 des crédits de paiement pour un montant total de 22,19 millions d'euros. Le Gouvernement ayant repoussé la mise en oeuvre effective de ce dispositif, ces agents se trouvent actuellement dans la plus grande incertitude. Que vont-ils devenir ? À quelles missions vont-ils être affectés dans l'attente d'une éventuelle mise en place de l'écotaxe ?

Par ailleurs, pouvez-vous indiquer avec précision le niveau des pénalités qui pourraient être supportées par l'État au profit du prestataire privé Écomouv' en raison du retard dans la mise en oeuvre effective de l'écotaxe ? Quelles pénalités seraient dues en cas d'abandon de l'écotaxe ? Le dispositif avait pris du retard, notamment en octobre dernier, du fait du prestataire privé qui n'était pas « techniquement » prêt ; ce dernier a-t-il dédommagé l'État ? À quelle hauteur ? Si tel n'a pas été le cas, pourriez-vous nous en préciser les raisons, ainsi que le montant des pénalités qui auraient pu être effectivement versées à l'État ?

Pour conclure, je remercie vos services, pour leur disponibilité et l'ensemble des réponses qu'ils ont pu m'apporter au cours de mes travaux.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ». En 2014, les crédits demandés pour le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux s'élèvent à 62,8 milliards d'euros, soit près de 22 % des dépenses inscrites au budget général. Il s'agit donc d'un enjeu considérable pour les finances publiques, à rapprocher du montant de la masse salariale de l'État – 81 milliards. Au 31 décembre 2012, les engagements de retraite des fonctionnaires civils de l'État et des militaires se situaient à environ 1 498 milliards d'euros – près de 74 % du PIB.

Ni le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires ni les régimes spéciaux n'échappent à la réforme des retraites en cours d'examen au Parlement. Ces catégories seront donc touchées par les mesures générales destinées à garantir l'avenir des retraites – hausse de cotisations et augmentation progressive de la durée d'assurance. En outre, la date de revalorisation des pensions en fonction de l'inflation sera décalée du 1er avril au 1er octobre 2014.

Un compte d'affectation spéciale (CAS) a pour objet d'isoler certaines recettes et dépenses du budget de l'État qui, en raison de leur nature, doivent faire l'objet d'une comptabilisation particulière. Il constitue donc une exception au principe de non-affectation qui interdit d'assigner une recette à une dépense. Le CAS « Pensions » permet de centraliser et de présenter de façon synthétique l'ensemble des crédits que l'État consacre au service des pensions et des allocations viagères. Les autorisations d'engagement et crédits de paiement demandés pour 2014 s'élèvent à 57,25 milliards d'euros, en progression de 0,87 % par rapport à 2013.

Le compte se compose de trois programmes : le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » et le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».

En 2014, les dépenses au titre du programme 741 – qui regroupe à lui seul 92 % des dépenses inscrites dans le CAS – représenteront 52,3 milliards d'euros, en hausse de 1,7 % par rapport à 2013. Fait notable, les taux de contribution employeurs n'ont pas augmenté cette année, pour la première fois depuis la création du CAS en 2006. Ils seront donc identiques à ceux de l'an dernier : 74,28 % pour les fonctionnaires civils et 126,07 % pour les militaires. Enfin, le taux de cotisation salariale passe de 8,66 % en 2012 à 8,76 % pour 2013, conformément aux dispositions de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010. L'augmentation du taux de la retenue pour pension des fonctionnaires de 0,06 point, qui fait suite à l'actuelle réforme des retraites, a été prise en compte dans l'équilibre du CAS « Pensions » pour 2014. D'ici 2017, il est prévu que le taux de cotisation salariale augmente de 0,3 point, comme pour le régime des salariés de droit privé. Notons que les économies générées par la réforme de 2010, estimées à 1,32 milliard d'euros en 2014, seront considérables.

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » – qui regroupe des crédits concourant à financer des régimes spéciaux de retraite structurellement déficitaires ou des dispositifs de cessation d'activité – s'élèvent à 6,53 milliards d'euros pour 2014, un montant équivalent à celui de la loi de finances pour 2013. Notons que l'inflation, surestimée à 1,75 %, s'est en réalité élevée à 0,8 % seulement, ce qui représente une économie de 400 millions d'euros.

La mission comporte trois programmes de volume inégal. Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » – essentiellement constitué des subventions d'équilibre aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP – est doté de 4,1 milliards d'euros, montant pour le moins considérable. Comme l'an dernier, lors de la présentation de cette mission en tant que rapporteur spécial, je reprends le rapport de la Cour des comptes de septembre 2012 sur les réformes des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, qui déplore que les différentes réformes de ces régimes se caractérisent davantage par leur aspect symbolique – quelle qu'en soit l'importance pour l'avenir – que par leur contribution à l'équilibre des finances publiques. Espérons qu'il n'en sera pas de même pour les réformes à venir.

Le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » – qui retrace principalement la subvention d'équilibre de l'État pour les charges de retraite – est doté de 829 millions d'euros pour 2014, montant en baisse de 1,2 % par rapport à 2013. Il convient de noter que l'Établissement national des invalides de la marine – ENIM – a fait l'objet d'une profonde réorganisation qui a conduit à une réelle maîtrise des frais de gestion.

Enfin, le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », qui bénéficie de 1 514 millions d'euros, regroupe les participations de l'État à différents régimes de retraite en voie d'extinction. La plus importante d'entre elles s'adresse à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), ce régime se caractérisant par un déséquilibre extrême entre cotisants et pensionnés. Les autres régimes concernés sont ceux de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), de l'imprimerie nationale, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et de télévision française (ORTF).

Dans son rapport de l'an dernier relatif aux deux réformes de la RATP et de la SNCF, la Cour des comptes affirmait que l'impact des mesures de compensation accordées à la suite de l'augmentation de la durée de cotisation sur la structure d'emploi de ces entreprises amenait à anticiper un bilan financier global négatif pour la présente décennie et très légèrement positif pour les vingt ans à venir. En effet, ces mesures se sont traduites par une accélération très forte des carrières et des fins de carrière. Comment se fait-il que le contribuable dont l'âge de départ et la durée de cotisation ont été augmentés sans compensations subventionne des régimes de retraite pour lesquels des efforts moins importants ont été demandés ? On pouvait penser que, à la SNCF, la pénibilité du travail justifiait de telles compensations ; or l'espérance de vie des cheminots est identique, sinon supérieure, à celle de la population générale.

Les taux de contribution de l'État employeur n'ont pas augmenté cette année, pour la première fois depuis 2006. Comment expliquer cette stabilité, alors que les dépenses de pensions civiles et militaires continuent de progresser ?

Qu'en est-il du projet d'infliger des pénalités aux ministères qui ne verseraient pas à temps leurs subventions, comme cela se pratique dans le secteur privé vis-à-vis des employeurs retardataires ?

La mission « Régimes sociaux et de retraite » n'intègre pas l'ensemble des crédits engagés par l'État pour le financement des régimes de retraite, ignorant ceux de l'Opéra ou de la Comédie française. Pourquoi le périmètre de la mission ne représente-t-il pas l'ensemble des régimes spéciaux ?

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la fonction publique. Les crédits du programme 148 « Fonction publique » – 200,85 millions d'euros en autorisation d'engagement et 206,29 millions en crédits de paiement –, destinés à la formation des fonctionnaires et à l'action sociale interministérielle, correspondent aux priorités définies par les pouvoirs publics, participant d'une politique de gestion active de la fonction publique dans un contexte budgétaire contraint.

Tous les acteurs sociaux se sont félicités de la qualité du dialogue désormais établi avec le ministère. Mais la politique conduite au sein des trois fonctions publiques ne saurait se réduire à des considérations strictement financières ; aussi faut-il se pencher sur le problème des discriminations. L'État et la fonction publique se doivent d'être exemplaires ; or, d'après le baromètre 2013 sur la perception des discriminations dans le travail, établi par le Défenseur des droits, 29 % des agents de la fonction publique déclarent en avoir été victimes. Les motifs de discriminations invoqués par les agents interrogés sont le sexe – 26 % –, la grossesse et la maternité – 24 % –, l'âge – 20 % –, l'état de santé et le handicap – 15 % –, l'origine ethnique – 14 % – et l'activité syndicale – 11 %. Ces chiffres, relativement stables année après année, ne peuvent que nous interpeller. L'enjeu apparaît d'autant plus essentiel qu'il met en lumière les défis que, à l'instar de la société française, la fonction publique doit relever : le renouvellement des rapports et des conditions de travail, l'égalité professionnelle entre les sexes et l'intégration de la diversité.

Dans l'avis que je soumettrai à l'approbation de la commission des lois, je me suis attaché à établir un premier bilan. Celui-ci met en lumière la mobilisation dont les personnes publiques ont fait preuve en 2013, notamment dans l'application des dispositions de la loi du 12 mars 2012 en matière de nominations équilibrées entre les sexes. Les engagements prometteurs – tels que le protocole d'accord du 8 mars 2013 relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique – doivent également être salués. En 2000, onze ambassadeurs sur 152 – soit 7 % seulement – étaient des femmes ; en 2013, sur les treize conseillers des affaires étrangères promus ministres plénipotentiaires, six – soit 40 % – sont des femmes. Passer de 7 % à 40 % représente un beau succès, dont je félicite le Gouvernement. Néanmoins, il me semble que nous pourrions amplifier cet effort en envisageant la mise en place de nouveaux instruments et de nouvelles politiques. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur plusieurs propositions, dont certaines ont déjà été formulées dans l'avis budgétaire de la commission des lois relatif aux crédits du projet de loi de finances pour 2013.

Pour commencer, il est indispensable d'instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique, car nous manquons d'un audit de la situation.

Une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires devrait être consacrée à l'apprentissage de la gestion des situations de discrimination dans les trois versants de la fonction publique.

Il faut instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant, une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés, sur le modèle de ce qui existe dans de nombreuses grandes entreprises.

Prévoir une procédure d'action de groupe pour la réparation des préjudices causés par des faits de discrimination au bénéfice des agents de la fonction publique serait également un progrès. En effet, à parcours égal, la différence de rémunération entre un homme et une femme en fin de carrière atteint 18,6 %.

Chaque année, l'Assemblée nationale et le Sénat doivent recevoir le bilan détaillé de la mise en oeuvre du dispositif de nomination d'un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l'encadrement supérieur des collectivités publiques.

Les hauts responsables du Conseil d'État m'ont suggéré d'instaurer le droit de saisir cette institution à la demande du Premier ministre afin d'obtenir un avis sur la possibilité, pour le juge administratif, en dehors de toute disposition législative expresse, de prononcer l'annulation des nominations qui ne respecteraient pas l'objectif d'une représentation équilibrée de chaque sexe. Cette proposition me semble indispensable, et j'en ai fait part à Mme la ministre des droits des femmes. Dans les cas où le Conseil d'État ne rendrait pas d'avis favorable, il faudrait modifier la loi.

Enfin, la lutte contre les discriminations doit être consacrée comme l'un des thèmes à aborder systématiquement au cours des concertations annuelles entre le Gouvernement et les organisations représentatives.

De grands efforts ont été accomplis ; mais nous devons en faire bien d'autres. Il est notamment indispensable d'atteindre d'abord le seuil des 40 % des femmes, puis la véritable parité, dans la haute fonction publique. Malgré les progrès réalisés, beaucoup d'obstacles restent à franchir avant d'arriver à cette égalité qui représente le fondement même de l'action politique que la gauche mène au sein du Gouvernement.

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