Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 4 novembre 2013 à 15h00
Commission élargie : gestion des finances publiques et des ressources humaines

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'état, de la décentralisation et de la fonction publique :

Monsieur Tourret, la longue négociation en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes a abouti, le 8 mars dernier, à la signature – à l'unanimité des organisations syndicales – d'un deuxième accord. De grands progrès ont été accomplis : ainsi, nous avons réussi cette année à dépasser le pourcentage de nominations féminines fixé par la réforme Sauvadet. Cependant, beaucoup reste à faire, notamment en matière de différences de rémunération que vous avez évoquées. Nous avons également signé un accord sur l'amélioration de la qualité de vie au travail, qui aborde, entre autres, le problème du harcèlement. Ces deux accords devraient nous permettre de progresser beaucoup plus vite. Les pénalités prévues par la loi en cas de non-respect des quotas constituent toujours un échec ; aussi l'ensemble des ministres doivent-ils travailler à la constitution de viviers de recrutement qui devraient faciliter les nominations féminines.

La possibilité de saisir le Conseil d'État afin d'annuler une nomination en cas de non-respect des quotas – question que je porterai à l'arbitrage – me paraît difficile, mais non exclue. Il n'est pas certain que les organisations syndicales assument ce type de recours. Nous pourrions transmettre à la fois aux syndicats et aux parlementaires notre rapport annuel, d'ores et déjà arrêté, afin de partager les éléments d'analyse exposés lors du conseil commun de la fonction publique.

En revanche, le respect de l'autonomie des collectivités locales faisant désormais partie de la loi fondamentale, toutes les propositions doivent être soumises au collège des employeurs publics. Néanmoins, cette difficulté ne nous empêchera pas de prendre en compte votre recommandation.

S'agissant des nominations dans la haute fonction publique, le Président de la République et le Premier ministre ont formulé une exigence de féminisation ; le cap est ainsi maintenu.

Dans les collectivités publiques – comme dans le privé ou dans la fonction publique hospitalière –, beaucoup de femmes ne se sentent pas autorisées à entrer dans les carrières techniques. En conséquence, les postes les plus intéressants se retrouvent occupés à 99, voire à 100 % par des hommes. C'est au niveau de la formation et de l'apprentissage qu'il faut agir ; en effet, à l'échelle de l'État comme à celle des collectivités territoriales, la volonté de réformes se heurte au problème du respect du statut de la fonction publique, donc du principe de recrutement par concours ou par jury. Dans ce dernier cas – qui concerne les catégories C –, les jurys doivent considérer l'ensemble des candidatures ; mais le fait de bénéficier de l'apprentissage place bien souvent la personne en position privilégiée pour être embauchée. À l'inverse, si l'on n'est pas pris en apprentissage, on a peu de chances d'être recruté, et l'on subit ainsi une double peine. Cette situation – que déplorent les syndicats – constitue un problème majeur qu'il nous faudra régler. Nous avons commencé à y travailler avec l'Association des maires de France (AMF), et quelques collectivités se déclarent prêtes à faire l'expérimentation de l'apprentissage sans embauche assurée. En effet, il faut absolument sauvegarder le principe soit du jury, soit du concours pour tout recrutement dans la fonction publique. En revanche, nous avons réglé l'essentiel des questions relatives aux maîtres de stage.

Monsieur Terrasse, en matière de suppression des missions d'ingénierie publique – en particulier pour les permis de construire –, les transferts toucheront 5 000 agents du ministère de l'écologie, dont le pourcentage de féminisation mérite d'ailleurs d'être salué. Nous devons gérer ces sureffectifs avec les ministres concernés. Parmi les solutions possibles, on envisage des mutations vers d'autres services où des postes sont disponibles. Cette option pose cependant le problème de la gestion interministérielle des départements, tâche qui devrait revenir aux directions départementales interministérielles (DDI) ; mais ce type de lecture globale de la situation dans chaque territoire – que le rapport Pêcheur devrait nous aider à concevoir – fait encore défaut. Lors du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) de juillet 2013, le Premier ministre a proposé de doter les préfets de région d'un véritable rôle interministériel leur permettant notamment de réguler les effectifs des différents ministères. À côté de la mutation vers d'autres services, on peut imaginer le détachement dans la fonction publique territoriale, qui permettrait d'éviter les doublons. En effet, afin d'éviter à l'agent de perdre les avantages acquis durant sa carrière, l'État s'engage à compenser la différence d'indemnités, si celle-ci est en sa faveur, et de cotisations de pension. À condition de ne plus recruter, par la suite, de fonctionnaires chargés de ces questions, cette solution représente une voie d'extinction positive sous tous rapports, y compris du point de vue du budget de l'État.

S'agissant des retraites et du problème de la pénibilité, le Premier ministre a dès le départ choisi d'emprunter des chemins différents pour le privé et pour le public, car ce dernier présente déjà une partition en catégories actives – la police, la gendarmerie, les militaires, les agents de services hospitaliers, les éboueurs et les égoutiers – et les catégories sédentaires. La pénibilité y était donc dès l'origine prise en compte. Nous ne comptons pas y revenir ; en revanche, il nous faudra mener un travail avec les organisations syndicales, dans le cadre du dialogue social, pour affiner ces catégories. En effet, dans des secteurs considérés comme pénibles, certains agents ont la chance d'effectuer un travail administratif – fait qui nous est souvent reproché. Au contraire, certains personnels aujourd'hui inscrits dans la catégorie sédentaire, par exemple au sein des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui relèvent des conseils généraux, exercent en réalité des métiers aussi pénibles que ceux qui, dans le secteur privé, ouvriront désormais droit au compte pénibilité. Les recoupements entre les catégories active et sédentaire doivent nous conduire à documenter cette question très finement.

Grâce au renforcement du suivi des agents, nous avons tenu à construire une cartographie plus précise des professions pénibles qui ont fait fuir les femmes. Les horaires décalés, comme ceux des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) employés au sein des haltes-garderies, constituent un réel motif de pénibilité. Ces problèmes doivent être traités davantage en termes de prévention qu'en termes de droit à réparation immédiate. Comme dans le secteur privé, nous souffrons de la faiblesse de la médecine de prévention – particulièrement cruciale lorsqu'il s'agit de penser les reconversions. Nous devrons travailler avec Marisol Touraine à mettre en place des passerelles avec la médecine publique, y compris hospitalière, qui permettraient de développer ce domaine d'action.

Je vous fournirai les chiffres concernant les apprentis.

Le contrat d'objectifs et de performance de l'ENA signé en 2013 pour la période 2013-2015 prévoit d'accroître la féminisation des élèves grâce à des partenariats avec les instituts d'études politiques et les universités. Quant aux crédits de l'ENA, ils couvrent tant la scolarité des élèves français que l'accueil des élèves étrangers. Malgré les demandes de réduction des effectifs de ces derniers, nous tenons à maintenir, voire à développer cette action extérieure, car les personnes auxquelles nous offrons des stages ou des formations à l'ENA font aussi la force de la France. Nous avons récemment signé des accords avec l'Algérie et la Tunisie ; d'autres existent depuis longtemps avec le Maroc et plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, ainsi que la Palestine. Nous devrons également faciliter les déplacements internationaux de nos propres élèves.

Enfin, en matière d'action de groupe, les syndicats – comme tout un chacun – peuvent déjà saisir le juge ; mais, s'il faut travailler plus avant sur cette question, nous le ferons avec enthousiasme.

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