Intervention de Frédéric Reiss

Séance en hémicycle du 5 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Vous vous obstinez à ignorer l’analyse de la Cour de comptes, selon laquelle le ministère de l’éducation nationale « ne souffre pas d’un manque de moyens budgétaires ou d’un nombre trop faible d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ».

Après l’adoption précipitée de la loi de refondation de l’école, le Gouvernement nous présente sept programmes budgétaires, dont un nouveau de 150 millions d’euros pour les internats de la réussite, dont les objectifs sont pourtant identiques à ceux des internats d’excellence, abrogés précipitamment par l’actuelle majorité. Comprenne qui pourra !

Ce budget répond à certaines attentes : la scolarisation et l’accompagnement des élèves handicapés continuent à progresser, les efforts pour combattre le décrochage scolaire se poursuivent et les 10 millions d’euros consacrés au développement du numérique vont dans le sens de l’histoire. Nul doute, par ailleurs, que les ESPE veilleront à la formation des enseignants sur tous ces points.

Ce budget soulève aussi des questions. L’évolution du statut des enseignants n’aurait-elle pas dû être un préalable à la loi de refondation de l’école ? Une réforme d’ensemble des modalités de gestion et de revalorisation salariale des personnels est attendue dans les écoles, les collèges et les lycées. Au-delà des emplois aidés, les directeurs d’école attendent vos propositions sur la réforme de leur statut – la priorité au primaire passe aussi par là.

Monsieur le ministre, lors de la réunion de la commission élargie, je vous ai demandé quels enseignements vous aviez tirés de la hausse inédite du niveau constatée en maternelle entre 1997 et 2011. Aucune réponse de votre part. C’était pourtant la bonne nouvelle de la rentrée ! Probablement est-il difficile d’admettre pour votre majorité que tous les élèves, les forts et les moins bons, avaient progressé en quatorze années, et ce avant la « refondation ».

Comme l’ont signalé certains collègues, il serait précieux de connaître maintenant l’évolution de la proportion d’élèves maîtrisant le socle commun de connaissances et de compétences. Encore faut-il que les évaluations remontent au ministère…

En commission élargie, de nombreux collègues vous ont interrogé sur la réforme des rythmes scolaires, ce voyage en Absurdie, comme on a pu le lire dans la presse. Après des rapports sur le sujet ayant fait consensus, vous avez réussi à mécontenter parents, enseignants et élus locaux. Même des syndicats qui vous ont soutenu crient halte au feu. Leur revendication ? Que les enseignants puissent « faire classe », tout simplement.

Il y a en effet de quoi être inquiet : entre l’enseignement scolaire et les activités périscolaires, que vous semblez découvrir, il y a maintenant les activités extrascolaires, prescrites par le ministère de l’éducation nationale et mises en oeuvre par les collectivités locales qui doivent en subir la charge financière. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Où est l’intérêt de l’enfant ? Dans les quelque 4 000 communes ayant mis en oeuvre votre réforme, les familles sont déstabilisées. Les enfants, surtout ceux des maternelles, sont désorientés : ils ne font pas la différence entre le temps scolaire et extrascolaire et doivent quitter leur maîtresse pour partir avec des animateurs qu’ils ne connaissent pas. Les parents s’inquiètent légitimement de la sécurité des enfants confiés à des gens peu formés.

« Il n’y a pas de grande oeuvre qui soit dogmatique » a écrit Roland Barthes. Vous continuez à vivre dans votre bulle, ignorant la réalité quotidienne du terrain. Lorsque vous affirmez : « Moi, je suis responsable des trois heures de la matinée, du lire-écrire-compter, de la réforme des programmes, pas de ce qui se passe après le temps scolaire », c’est une attitude inacceptable, une attitude à la Ponce Pilate.

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