Intervention de Manuel Valls

Réunion du 5 novembre 2013 à 16h20
Commission élargie : immigration, asile et intégration

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Monsieur le rapporteur spécial, un rapport sur l'accueil des primo-arrivants m'a été remis le 10 octobre dernier ; il pose un diagnostic très étayé, mais les propositions qu'il formule nécessitent d'être encore expertisées car leur application emporterait des conséquences importantes en termes d'organisation et de financement. Je partage le constat qui y est fait selon lequel le dispositif actuel du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) reste trop standardisé pour répondre à l'évolution des besoins des primo-arrivants. Il ne permet pas de lever les principaux obstacles rencontrés par ceux-ci, à savoir l'absence de maîtrise de la langue et l'inadaptation à l'emploi ; la notion de contrat n'est pas assimilée et le suivi décline fortement après trois ou quatre mois alors que ce sont les cinq premières années qui sont déterminantes dans le parcours d'insertion. Le rapport préconise une approche plus personnalisée de la situation de chaque nouvel arrivant grâce à une évaluation initiale plus approfondie, puis, sur cette base, suggère d'accorder une priorité à la maîtrise de la langue française, en élevant le niveau requis, ainsi qu'à la rénovation des outils d'accompagnement à l'emploi.

Je souhaite développer une nouvelle politique de l'accueil autour des orientations suivantes, actuellement en cours d'élaboration : préparer au mieux l'arrivée en France ; réaffirmer la responsabilité régalienne de l'État en matière d'apprentissage des valeurs et de la langue ; refonder notre partenariat avec les acteurs locaux pour permettre aux primo-arrivants d'accéder plus rapidement aux dispositifs de droit commun, au sein desquels leurs besoins particuliers devront être prise en compte ; abandonner la notion de contrat pour privilégier l'idée d'un parcours dont chacun sera acteur et responsable, à charge bien sûr pour l'État de satisfaire aux exigences relevant de sa responsabilité ; enfin, veiller à bien articuler le parcours d'insertion avec les conditions de délivrance des titres – notamment dans la perspective de la création d'un titre pluriannuel.

La maîtrise de la langue française est l'une des conditions d'une bonne insertion et nous devons, je le répète, relever le niveau exigé. La réforme de la politique d'accueil offre un levier pour parvenir à une meilleure adéquation entre la formation et les besoins des migrants – en particulier en matière d'emploi –, pour simplifier et rendre plus transparents les mécanismes d'appel à projet, pour diversifier et coordonner l'offre de formation au niveau local ; elle représentera également l'occasion de mettre à plat les différents dispositifs de labellisation, pour les rendre eux aussi plus simples et plus efficaces.

Enfin, je souhaite recentrer les interventions du ministère de l'intérieur à partir de l'idée que l'insertion se joue au cours des cinq années suivant l'arrivée en France. La tâche de l'administration doit donc être de les accompagner tout au long de cette période.

La France se prépare au déploiement du fonds « Asile et immigration » depuis novembre 2011 ; nous avons surtout cherché à résoudre les difficultés rencontrées par les porteurs de projets – notamment associatifs – dans l'utilisation des crédits du fonds européen pour l'intégration (FEI). À partir de 2014, la mise en place d'un fonds unique couvrant les thématiques de l'asile, de l'accueil, de l'intégration et du retour permettra d'optimiser cette utilisation, grâce à la présence d'une seule autorité garante de la cohérence entre les priorités décidées et les réponses apportées. Les organismes associatifs pourront avoir accès plus simplement à l'argent européen, ce qui permettra de financer des projets de trois ans – et non plus simplement de douze mois ; le plafond de cofinancement du fonds européen sera relevé de 50 à 75 %, ce taux passant même de 75 à 90 % pour les projets relevant de priorités spécifiques, comme ceux à destination des publics vulnérables ; enfin, les règles de gestion seront assouplies grâce à l'application de notions de forfait et de coût unitaire, se substituant à une exigence de justification exhaustive des dépenses..

Malgré l'augmentation significative du nombre de places dans les CADA, les crédits consacrés à l'ATA et à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile connaissent un accroissement important ; ainsi, les dépenses liées à l'ATA ont triplé entre 2008 et 2012, passant de 47,5 millions à 150 millions d'euros, et celles allouées à l'hébergement d'urgence ont progressé dans le même temps de 57 millions à 135 millions d'euros. Mes services ont diligenté dès la fin de 2012 une mission d'inspection de ces dépenses, dont le rapport, remis en avril dernier, a été suivi d'un travail de croisement des fichiers afin d'identifier les versements indus ; ceux-ci s'élevaient à 6,9 millions d'euros au 30 mai 2013, soit environ 12 millions d'euros en année pleine, et concernaient 7,2 % des bénéficiaires. Ce n'est pas le Gouvernement actuel qui est responsable de cette situation ! Pour garantir le bénéfice de l'ATA à ceux à qui il revient, nous souhaitons en confier la gestion à un opérateur plus impliqué dans les questions d'asile – l'OFII est sans doute le plus apte à l'assurer –, mais la transition ne pourra s'opérer dans de bonnes conditions qu'au 1er janvier 2015, Pôle Emploi continuant jusque là d'assumer cette mission.

La contribution de la France au budget de Frontex transite par notre contribution au budget général de l'Union européenne ; les crédits de cette agence installée à Varsovie s'élèvent à 85 millions d'euros en 2013 et j'ai demandé, avec plusieurs de mes homologues européens, que soient annulées les amputations décidées sur ce montant. Des opérations maritimes coordonnées par Frontex permettraient d'éviter des drames comme celui de Lampedusa mais, au cours des deux dernières années, Frontex a déjà contribué à sauver 16 000 vies en mer Méditerranée. Afin de prolonger jusqu'en novembre 2013 l'opération Hermès qu'elle supervise au large des îles de Lampedusa et de la Sardaigne, 2 millions d'euros ont été débloqués et Mme Cecilia Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, demandera aux États membres de lui accorder une rallonge financière. D'autre part, le conseil des ministres Justice et Affaires intérieures (JAI) a décidé de créer une task force de l'Union sur la situation en Méditerranée, composée des États membres de Frontex, d'Europol, du bureau européen d'appui en matière d'asile, de l'Agence des droits fondamentaux et de l'Agence européenne de sûreté maritime. Ce groupe s'est réuni pour la première fois le 24 octobre et le conseil JAI des 5 et 6 décembre prendra des décisions opérationnelles à partir de ses propositions. La Commission européenne a proposé le déploiement d'une opération Frontex de recherche et de secours en mer Méditerranée ; néanmoins, la mission première de Frontex consiste à surveiller les frontières et les États membres de l'agence ont mis en garde contre toute erreur de communication à propos d'une opération de sauvetage qui pourrait être utilisée comme argument « publicitaire » par les passeurs et de ce fait créer un appel d'air pour l'immigration clandestine. Le succès de l'action dans ce domaine reposera largement sur des dispositifs de coopération comme ceux déployés par l'Espagne avec le Sénégal, la Mauritanie ou le Maroc, et il est essentiel d'en développer avec la Libye et avec la Tunisie en particulier.

En 2012, une démarche interministérielle a été entamée sous la conduite du ministère de la justice pour préciser les mécanismes de prise en charge des mineurs étrangers isolés ; un travail important, conduit en association avec l'Assemblée des départements de France (ADF) – les présidents des conseils généraux estimant subir un poids croissant en la matière – a abouti le 31 mai dernier à la signature d'un protocole national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation de ces mineurs, protocole qui organise la prise d'une décision sur la minorité d'un jeune dont les déclarations suscitent le doute. Du personnel qualifié mènera des entretiens et l'on pourra vérifier les documents d'état civil étrangers produits sur le fondement de l'article 47 du code civil. Le ministère de l'intérieur apportera aux départements et à l'autorité judiciaire son expertise en matière de détection de la fraude documentaire et les conclusions de cette investigation seront adressées au président du conseil général et au procureur de la République concernés. Dans ce cadre, un test osseux pourra être pratiqué, mais uniquement en dernier recours et dans le cadre d'un processus garantissant le respect des droits de la personne.

Je précise que l'État fournit au département une aide quotidienne de 200 euros pendant cinq jours, délai nécessaire à la détermination de l'âge du jeune concerné.

Monsieur Jean-Pierre Dufau, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et moi-même avons pris des initiatives pour fluidifier le traitement des demandes de visa, en nous inspirant du rapport que MM. Bernard Fitoussi et François Barry Delongchamps nous ont remis l'an dernier. Notre politique de délivrance de visas s'articule autour de trois axes. Elle vise d'abord à simplifier la procédure pour certains publics cibles : des instructions conjointes viennent d'être adressées à l'ensemble du réseau pour que le taux de délivrance des visas de circulation et leur durée de validité soient augmentés, afin de faciliter les déplacements des hommes et des femmes d'affaires, des universitaires, des scientifiques, des chercheurs, des artistes et des touristes ayant la France pour destination privilégiée ou récurrente ; au niveau européen, des propositions seront formulées dans le cadre du projet de révision du code communautaire des visas, élaboré sous la conduite de la Commission européenne. La France veillera à assurer une meilleure coordination consulaire au niveau local et à renforcer l'application harmonisée de la politique commune des visas.

En second lieu, nous entendons poursuivre l'amélioration des conditions d'accueil des demandeurs de visa : sur ce point, les postes du réseau ont reçu des instructions conjointes fixant les principes généraux et les critères objectifs de notre politique d'accueil, en vue d'assurer un service quotidien de qualité, des conditions matérielles dignes et des délais d'attente resserrés. Parallèlement, le processus d'externalisation se poursuit avec l'ouverture de centres, l'emménagement dans de nouveaux locaux dans certains pays et l'intégration à des centres délocalisés dans les pays les plus vastes.

Enfin, la refonte du système d'information doit permettre d'importants gains de productivité et une fluidification des procédures de traitement des demandes, au profit des agents comme des demandeurs. Plusieurs orientations se dégagent des études menées à cette fin : constitution d'un portail d'information unique sur Internet, ouverture de téléprocédures, création d'une base centrale partagée permettant le travail en réseau de l'ensemble des services, dématérialisation des dossiers, déploiement d'un outil de collecte biométrique unifié et simplifié et renforcement de la sécurité informatique. Ce projet devrait aboutir d'ici à 2017 sous réserve que nous disposions des 15 millions d'euros nécessaires.

La Commission européenne veille à la fois à la non-discrimination des populations d'origine rom et à leur intégration, et, contrairement à ce qu'on a pu lire ici ou là, elle n'a, sur le premier point, aucun reproche à adresser à la France ; s'agissant de l'intégration, elle a mis en place un cadre institutionnel : le réseau des points de contact, dont l'une des missions consiste à évaluer les politiques nationales d'inclusion. La France lui transmettra très prochainement une nouvelle stratégie marquant une évolution forte, dans la ligne de la circulaire du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites. La Commission mobilise également le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE), même si la politique d'inclusion reste de la seule compétence des États-membres. La France pourrait sans doute mieux utiliser ces fonds, mais le problème majeur réside dans les faibles capacités d'intégration sociale de ces populations par leurs pays d'origine, comme l'admet le Premier ministre roumain, M. Victor Ponta.

J'assume la baisse de l'aide au retour, car elle engendrait des éloignements artificiels ; depuis la réforme du 1er février 2013, les retours aidés – qui s'élevaient à 15 000 en 2012 – ont diminué de plus de 50 %, ce taux atteignant 80 % pour les Roumains et les Bulgares, preuve de l'existence du circuit que dénonçaient les autorités roumaines, les associations et les ONG européennes ; nous constatons une baisse du nombre de Roms venant de ces pays en France. Nous réaliserons un bilan complet de cette réforme en février 2014.

Madame Marie-Anne Chapdelaine, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et moi-même nous sommes engagés à améliorer l'accueil des étudiants étrangers ; ceux-ci sont utiles au rayonnement de la France. L'immigration se trouve souvent diabolisée alors qu'organisée et régulée, elle peut constituer un vecteur de l'attractivité de notre pays. Le nombre d'étudiants étrangers doublera d'ici à 2020 dans le monde : la France doit tenir son rang à cet égard si elle veut compter demain. Longtemps premier pays non anglophone d'accueil des étudiants étrangers, elle se trouve maintenant dépassée par l'Allemagne et le nombre d'étudiants accueillis s'est contracté – de 10 % – pour la première fois en 2012. Il faut voir dans cette baisse brutale et inédite un effet de la circulaire du 31 mai 2011 – dite circulaire Guéant – qui a donné l'impression que la France ne souhaitait plus recevoir d'étudiants étrangers. Dès ma prise de fonctions, nous avons abrogé cette circulaire et nous avons ouvert 22 guichets uniques entre les universités et les préfectures en 2013 ; cet effort doit être poursuivi en 2014, cette mutualisation devant devenir la norme. La délivrance du titre de séjour pluriannuel pour les étudiants en master et en doctorat est maintenant la règle, les conditions du passage du statut d'étudiant à celui de salarié ont été simplifiées et le montant de la taxe sera abaissé le 1er janvier prochain. Cependant, vous avez raison : il faut aller plus loin : le titre de séjour pluriannuel pourrait être généralisé dès la licence ; un titre unique destiné aux chercheurs internationaux ou aux étudiants étrangers trouvant en France un emploi très qualifié pourrait être créé ; le changement de statut pourrait encore être simplifié pour les étudiants de niveau master trouvant un emploi qualifié, correctement rémunéré et en lien avec leur formation, et, dans le cadre de la réforme de l'OFII, la visite médicale pourrait être simplifiée. Enfin, nous devrions motiver les refus de visas étudiants – sans alourdir la charge des consulats – et nous pencher sur les questions de l'accès des étudiants étrangers aux bourses, de l'opportunité de faire davantage contribuer certains étudiants étrangers à leurs frais universitaires et de l'évaluation du rôle de Campus France. Un débat sans vote a eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat sur ce sujet de l'accueil des étudiants étrangers en France, et il en ressort que les positions sont plus consensuelles qu'on ne le pense ; le Gouvernement s'engage en tout cas à restaurer la place de la France dans l'accueil des étudiants étrangers.

Depuis 2007, le nombre des demandes d'asile augmente en moyenne de 10 % chaque année et devrait atteindre 68 000 à la fin de 2013 ; pour 80 %, ces demandes se concluront par une décision de rejet de l'OFPRA et de la CNDA. Notre système d'asile ne se trouve pas au bord de l'implosion, il implose ! Les délais d'instruction s'allongent, les demandeurs d'asile se concentrent dans certaines régions comme Rhône-Alpes et la Lorraine mais arrivent aussi dans des villes comme Dijon, Rennes ou Roanne qui ignoraient jusqu'ici ce genre de phénomène et les déboutés non éloignés saturent les hébergements et occupent l'espace public au prix de conditions de vie insupportables. Dans un contexte de crise sociale et économique, cette présence tend à rompre les équilibres entre les populations. Ce n'est pas seulement notre politique de l'asile qui part à la dérive, c'est aussi notre politique de droit au séjour qui est mise à mal. M. le président de la Commission des lois a raison d'insister pour que nous tenions ces politiques séparées mais, si nous pouvons tous nous rassembler autour du principe, partagé au sein de l'Union européenne, qui fait de l'asile un droit fondamental à préserver, nous devons prendre conscience que les déboutés du droit d'asile entrent dans le champ des politiques migratoires et que les questions de délais et d'accueil revêtent de ce fait une importance essentielle.

En dépit des efforts considérables consentis par ce gouvernement et par le précédent pour accroître le nombre de places d'hébergement et l'effectif de l'OFPRA, le temps est venu de refonder l'ensemble du système en nous montrant ambitieux et courageux mais aussi en recherchant un consensus. Cette question de l'asile ne doit pas être un sujet d'affrontement politique ! J'ai donc lancé en juillet dernier une concertation que j'ai voulue la plus large possible, puisqu'elle associe les collectivités territoriales, l'Association des maires de France (AMF), l'ADF, les villes de Rennes, Besançon, Nancy et Mulhouse, les administrations, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la CNDA et toutes les associations travaillant dans ce champ de l'asile ; j'espère que cette méthode se révélera fructueuse. Dans le même souci d'aboutir à une réforme consensuelle, j'ai demandé à Mme Valérie Létard, sénatrice UDI du Nord, et à M. Jean-Louis Touraine, député SRC du Rhône, d'être les médiateurs de cette concertation et de me transmettre des propositions. La première étape de cette concertation a été consacrée au diagnostic, la deuxième aux pistes de réforme par thème et la dernière, en cours, porte sur l'élaboration de scénarios de réforme globale.

Cette concertation est sur le point de s'achever et les deux parlementaires – très impliqués dans leur mission et conscients des enjeux qu'elle recouvre – me remettront leur rapport avant la fin du mois de novembre. Il nous appartiendra ensuite de fixer le calendrier politique et législatif de la réforme et nous aurons alors l'occasion d'en reparler avec tous ceux d'entre vous que le sujet intéresse. À ce stade, aucun scénario de réforme ne peut être dessiné avec certitude dans la mesure où les différentes hypothèses possibles restent encore en discussion dans les ateliers. Cela étant, les cinq points essentiels autour desquels s'articulera le scénario définitif ont d'ores et déjà été identifiés par Mme Valérie Létard et par M. Jean-Louis Touraine.

Le premier consiste en une réduction significative des délais de traitement des dossiers, qui s'élèvent aujourd'hui à dix-sept mois en moyenne et que nous souhaiterions ramener à neuf mois en 2015. Cela suppose que nous simplifiions les pratiques en vigueur ainsi que la répartition des tâches entre acteurs publics et associatifs, par une mutualisation des structures existantes afin de réduire le nombre des intervenants.

Le deuxième consiste en la détermination, dès l'arrivée d'un demandeur d'asile, de la recevabilité ou non de sa demande. Cette étape, indispensable pour éviter tout engorgement des files d'attente, suppose un traitement réellement accéléré des demandes manifestement infondées.

Le troisième, en un pilotage directif des hébergements, favorisant un certain équilibre entre les territoires. Les filières et trafics se nourrissent en effet de l'extrême permissivité de notre système : lorsque les taxis d'un pays organisent l'acheminement systématique de demandeurs d'une nationalité donnée vers une grande ville française de la région Rhône-Alpes, c'est bien à une filière que l'on a affaire. Et c'est bien la ville de Lyon qui, en l'occurrence, en est la première victime. La conseillère fédérale suisse, que j'ai eu l'occasion de rencontrer ce matin, m'a décrit le système en vigueur dans son pays : déterminé par votation, le délai de traitement des dossiers est actuellement fixé à quarante-huit heures. Ce système est le fruit d'un partenariat très étroit entre la Confédération helvétique et des pays européens tels que le Kosovo, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. Sans doute nous faudrait-il examiner de plus près ce dispositif. En attendant, nous devrons faire en sorte que les demandeurs d'asile soient dirigés vers des centres d'hébergement en fonction des places disponibles et, dans la mesure du possible, qu'ils soient sanctionnés en cas de refus de s'y rendre.

Quatrième objectif : une territorialisation accrue de toute la procédure, car l'efficacité passe par la prise en compte des réalités locales. Si les préfets sont les premiers concernés par la mise en oeuvre de cette idée, les collectivités locales devraient également être associées le plus en amont possible à la détermination de schémas régionaux d'hébergement. Cela nécessitera que tous accomplissent un véritable effort de solidarité.

Enfin, il convient de créer des lieux dédiés à l'assignation à résidence et d'éloigner les déboutés du droit d'asile. Ces derniers représentant 80 % des demandeurs, aucune réforme du système actuel ne sera viable s'ils continuent d'engorger nos centres d'hébergement. Rappelons à cet égard que 50 % des places d'hébergement d'urgence sont actuellement occupées par des étrangers en situation irrégulière.

Le Gouvernement se prononcera rapidement sur ces cinq propositions, qui ne sont pas exclusives d'autres.

En tout état de cause, il ne nous paraît pas optimal de réformer le droit d'asile par voie d'ordonnance. Certes, il nous faudra transposer rapidement la directive européenne sur l'asile mais, à l'exception de cette exigence, il me semblerait contradictoire de charger deux parlementaires d'une mission sur un sujet pour ensuite dérober celui-ci au débat parlementaire. Il m'importe donc que le Parlement s'en saisisse afin d'aboutir, j'y insiste, à la solution la plus consensuelle possible.

Enfin, dès sa nomination comme directeur général de l'OFPRA en décembre dernier, j'ai demandé à M. Pascal Brice de réorganiser sans attendre l'office afin de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile. Ainsi le contrat d'objectifs et de performance que j'ai conclu à l'été 2013 avec l'établissement public prévoit de ramener ce délai, en moyenne, de six à trois mois d'ici à 2015, dans le cadre d'un délai global de traitement des dossiers par l'OFPRA et par la CNDA ramené à neuf mois. Cette réorganisation s'appuie sur une concertation menée au début de l'année 2013 par la direction de l'office auprès des officiers de protection et de leurs syndicats, concertation qui a abouti à un plan de réforme mis en application depuis l'été et qui produira ses pleins effets dès le début de l'année 2014. Cette évolution repose sur un traitement des dossiers plus adapté à la réalité différenciée des besoins de protection des demandeurs ; sur une polyvalence accrue des officiers de protection, leur permettant de traiter des demandes provenant d'un nombre plus important de pays ; sur le développement d'outils d'instruction harmonisés ; sur le renforcement du contrôle de la qualité des décisions prises, notamment grâce à l'appui fourni par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés ; et enfin, sur le renforcement de la protection des femmes victimes de violence, des mineurs, des personnes persécutées pour leur orientation sexuelle ainsi que des personnes originaires de territoires en situation de conflit généralisé, tels que les Syriens. C'est dans le cadre de cette réorganisation que l'OFPRA a institué en 2013 des missions de traitement de la demande d'asile en région, à Lyon et à Metz, afin de répondre à des situations locales d'urgence dans des délais de traitement de deux mois. À cette réorganisation en cours s'ajoute le recrutement de dix agents supplémentaires en 2013 et de dix autres encore en 2014. L'OFPRA sera ainsi en mesure d'exercer plus efficacement ses missions dans le cadre d'un droit d'asile réformé.

Si telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter, je ne doute pas que les porte-parole des groupes et d'autres orateurs comptent eux aussi m'interroger sur ces sujets complexes, dont le traitement politique mérite d'être revu. Vous aurez compris ma détermination à mener ces réformes. J'ignore s'il existe des politiques de gauche ou de droite sur de tels sujets. Je sais en tout cas que la politique que je mène est profondément républicaine et fidèle aux valeurs de la France.

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