Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 5 novembre 2013 à 21h00
Commission élargie

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Vous avez souligné, monsieur Beffara, que le budget de la communication participait à l'effort de redressement des comptes publics. Je tiens néanmoins à souligner que certaines baisses ont un caractère purement facial puisqu'elles traduisent des transferts de crédits ou la fin de certains projets.

S'agissant de France Télévisions, nous voulons garantir l'indépendance de son financement en faisant reposer celui-ci sur des ressources propres plutôt que sur des subventions publiques. C'est la raison pour laquelle la baisse de 140 millions d'euros de la subvention de l'État est compensée par une hausse de la redevance, à hauteur de 134 millions d'euros. Il est beaucoup plus sain de financer l'audiovisuel public par la redevance, qui est une ressource moderne, dynamique, socialement juste et indépendante des aléas budgétaires.

En ce qui concerne l'identité des chaînes, J'ai tenu à préserver, dans le cadre des négociations autour de l'avenant au COM, la variété de l'offre de chaînes de France Télévisions, un des atouts de l'entreprise. J'ai confié à Anne Brucy, directrice régionale de France 3 Nord-Pas-de-Calais et ancienne directrice du réseau France bleu, le soin de réfléchir à l'avenir de France 3. Cette mission se mettra en place très prochainement et devrait achever ses travaux en mai 2014. Elle aura notamment à réfléchir sur la préservation de l'identité régionale de la chaîne.

S'agissant des missions de service public de France Télévisions, ma position n'a pas varié et elle est très claire : l'effort de 1,7 % sur trois ans demandé à l'entreprise devra être réalisé via une réorganisation en profondeur de l'entreprise et non au prix d'une remise en cause des missions fondamentales du service public de l'audiovisuel. C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous avons maintenu le taux de 20 % de soutien à la création audiovisuelle ou de 3,5 % de soutien au cinéma.

L'accord salarial signé en mai 2013 au sein de l'entreprise était attendu depuis longtemps par des salariés jusqu'alors soumis à cinq statuts différents. Ces salariés relèveront désormais d'un statut unique, qui devrait faciliter le travail en équipes et permettre de réaliser des économies. En outre, cette nouvelle convention collective prend en compte l'évolution des métiers. Elle permettra enfin d'homogénéiser les évolutions salariales et d'harmoniser les temps de travail. Une telle évolution était souhaitable dans l'intérêt des salariés comme de l'entreprise et c'est la raison pour laquelle j'avais encouragé l'entreprise à avancer dans la voie du dialogue social.

S'agissant du dégel de la dotation budgétaire de 31 millions d'euros, nous y travaillons, monsieur Travert, et j'espère pouvoir vous l'annoncer très prochainement. Ce dégel est évidemment une condition sine qua non de la signature de l'avenant au COM.

Vous vous êtes inquiété, monsieur Salles, des difficultés engendrées par l'arrêt progressif du moratoire sur les aides postales et de la situation difficile des diffuseurs de presse. L'année dernière déjà, j'avais veillé à ce que ces derniers, qui avaient souffert de difficultés d'une gravité particulière, notamment du fait des grèves, bénéficient d'une aide exceptionnelle. Cette aide est maintenue cette année à hauteur de 4 millions d'euros. Il faut souligner la nécessité impérieuse d'augmenter la rémunération des diffuseurs de niveau 3. Il est en effet inacceptable que ces diffuseurs soient parmi les moins rémunérés d'Europe alors que notre pays soutient fortement la diffusion de la presse dans son ensemble.

S'agissant du moratoire sur l'aide au transport postal, une médiation entre l'État, la presse et la Poste doit être mise en place d'ici à quelques jours. Plutôt que d'attendre 2015 et la fin du moratoire prévu par les « accords Schwartz », ce qui aurait entraîné une hausse brutale des tarifs postaux, j'ai préféré anticiper et ménager une transition en douceur en lissant la hausse sur deux ans. En tout état de cause, l'ensemble de la hausse n'est pas imputable à ce gouvernement. Pour la presse à faibles ressources publicitaires, la hausse sera de 4 % au lieu des 2,3 % prévus, soit une différence de 1,7 point. Pour la presse d'information politique et générale, elle sera de 8 % au lieu de 4,3 %, et pour la presse spécialisée elle sera de 11 % au lieu de 6 %.

C'est dans un objectif de transparence et de clarté que les crédits de l'aide postale ont été rapatriés au ministère des finances, et c'est la raison pour laquelle la mission de médiation impliquera les deux ministères. Je suis en outre tout à fait favorable à ce que la médiation se penche sur la question des modalités de calcul de l'aide au portage.

En gros, monsieur Salles, vous nous reprochez de ne pas avoir véritablement engagé la réforme des aides à la presse prévue dans le programme de François Hollande. Dois-je vous rappeler que j'ai réuni l'ensemble des acteurs de la presse dès mon arrivée au ministère de la culture, avant de charger un groupe d'experts, piloté par Roch-Olivier Maistre, de me faire des propositions dans ce domaine ? Ce groupe de travail préconisait notamment l'application d'un taux de TVA super-réduit à l'ensemble de la presse, sans opérer de distinction entre la presse d'information politique et générale et la presse spécialisée. Cette mesure, qui a l'avantage d'éviter l'usine à gaz, me semble pertinente pourvu qu'elle soit assortie d'exigences très fortes en matière de mutualisation, de modernisation, de rémunération du niveau trois ou d'avancées sociales au bénéfice des diffuseurs et des vendeurs colporteurs de presse.

Ce taux super-réduit devrait d'ailleurs profiter aussi à la presse en ligne. Notre pays étant déjà poursuivi par Bruxelles pour l'application d'un taux réduit de TVA au livre numérique, le Gouvernement a choisi la voie de la négociation, mais si la Commission ne bouge pas, nous irons plus loin en 2014.

Les soutiens versés par le fonds stratégique pour le développement de la presse ont été ciblés pour aller en priorité vers les actions en faveur de la modernisation de la presse et de la mutualisation des opérations.

Le modèle de la PQR est très différent de celui du reste de la presse, monsieur Salles. Cette presse est en particulier beaucoup plus portée et beaucoup moins postée. Elle bénéficie donc du maintien de l'aide au portage, dont les crédits s'élèvent à 36 millions d'euros. Même si nous souhaitons mieux orienter l'aide au portage qui, aujourd'hui, subventionne surtout le stock, nous avons fait le choix clair de la développer, à la condition qu'elle s'accompagne d'une mutualisation.

Le fonds d'aide au pluralisme a été maintenu à hauteur de 11 millions d'euros. Ce fonds relevant de l'exercice de prérogatives démocratiques, j'ai souhaité qu'il ne soit pas soumis au fonctionnement paritaire qui est de règle pour tous les autres dispositifs d'accompagnement de la presse.

Vous voyez que les efforts budgétaires s'accompagnent de choix stratégiques et industriels clairs en faveur de la poursuite de la restructuration industrielle de la distribution, de la modernisation, de l'innovation et de la mutualisation, et de la préservation du soutien au pluralisme de la presse. Tous ces choix constituent une réforme des aides à la presse, fondée sur plusieurs piliers : des mesures budgétaires, un très important volet fiscal et une réforme de la gouvernance. J'ai parlé du « malus », de la conditionnalité sociale, et j'ai évoqué le statut des vendeurs colporteurs de presse. Dans le secteur du photojournalisme, qui connaît une crise financière sans précédent, j'ai confié à Francis Brun-Buisson une mission de médiation entre les éditeurs de presse, les agences de presse et les photographes.

J'ai en outre donné aux collectivités locales la possibilité d'exonérer les marchands de journaux de la contribution économique territoriale. Quant à la loi Bichet, nous devons renforcer les pouvoirs de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) afin de résoudre la question du financement du « dernier kilomètre ».

J'en viens à la politique du livre. Le nouveau directeur du Centre national du livre a récemment pris ses fonctions. Dès aujourd'hui, le conseil d'administration a voté un prélèvement sur le fonds de roulement du CNL, qui va permettre le financement des 9 millions d'euros du plan en faveur de la librairie indépendante : 5 millions d'euros iront à l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) – pour aider les libraires en difficulté conjoncturelle –, les 4 autres millions d'euros transiteront par l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) – pour aider à la reprise des librairies. Dans ce dernier cas, certaines librairies Chapitre pourront être concernées, même si l'État n'a pas à assumer les responsabilités du fonds de pension américain qui gère le groupe Actissia. J'ai demandé à toutes les DRAC de suivre la situation des 57 librairies Chapitre afin de prévoir un accompagnement éventuel des repreneurs potentiels. En outre, le CNL apportera une aide directe aux librairies indépendantes de 2 millions d'euros, soit 8 % de l'ensemble du budget. Je vous rappelle enfin que les éditeurs se sont engagés à financer ce plan à hauteur de 7 millions d'euros.

En ce qui concerne la hausse du coût des travaux du quadrilatère Richelieu de la BNF, estimée à 3 %, le montant passant de 211 millions d'euros estimés à 217 millions d'euros actuellement, il est imputable à la découverte de plomb et d'amiante sur le chantier.

Je remercie Jean-Jacques Guillet d'avoir souligné le travail remarquable de Marie-Christine Saragosse à la tête de France Médias Monde. J'ai tenu à ce que la France honore ses engagements internationaux : aussi le budget de TV 5 augmente-t-il de 1,6 %, soit 1,2 million d'euros, et celui de France Médias Monde de 1,7 million d'euros. Cet effort marque l'attachement du Gouvernement pour RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya. France 24 va bénéficier d'une fréquence TNT en Île-de-France à certaines heures, l'appel d'offres devant être lancé ces tout prochains jours.

Patrick Bloche s'est demandé si l'Agence internationale d'images de télévision (AITV) ne devrait pas être logée à France Médias Monde. En tant que fournisseur d'images pour l'Agence française de coopération médias (CFI), l'AITV se trouve confrontée à deux difficultés : l'une sur le métier lui-même et l'autre sur l'orientation de CFI vers la formation des professionnels africains aux métiers de l'audiovisuel, bien plus que vers la fourniture aux pays africains d'images produites en France. Nous avons donc pris cette décision puisque l'AITV n'était pas au coeur des missions de France Télévisions ; reste que pour les 28 salariés de l'AITV, seuls des départs volontaires sont prévus pour une réorientation vers d'autres entités du groupe France Télévisions.

Le cas de l'INA n'est pas assimilable à celui du CNC dont le fonds de roulement doit assurer automatiquement le soutien des productions qui ont réalisé de nombreuses entrées. Pour l'INA, une réserve de trésorerie de 50 millions d'euros a été constituée en vue de la réalisation d'un projet immobilier auquel l'État devait contribuer à hauteur de 55 millions d'euros. La question à se poser est celle de la mise en sécurité des réserves de l'INA notamment face à certains risques naturels. De la même manière, pour le Louvre, il aurait fallu mobiliser les réserves de presque tous les musées d'Ile-de-France pour financer un projet de 400 millions d'euros destiné à parer à une menace d'inondation. J'ai réorienté le projet pour un budget bien plus réduit. Pour en revenir à l'INA, il n'est pas envisageable que l'État finance un projet immobilier dont on ignore la pertinence, cela à hauteur de 55 millions d'euros. Il est dès lors tout à fait possible d'effectuer un prélèvement de 20 millions d'euros sur le fonds de roulement, d'autant que les missions de l'INA ne seront en rien atteintes. Le fonctionnement de celui-ci ne sera absolument pas perturbé, car le budget ne diminue pas.

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