Je saisis cette occasion pour confronter une nouvelle fois les engagements pris par François Hollande dans les mois précédant son arrivée aux responsabilités à la réalité de la politique menée par son gouvernement.
En janvier 2012, M. Hollande déclarait : « Le budget de la culture sera sanctuarisé pour tout le quinquennat. » Cet engagement est piétiné pour la deuxième année consécutive : le budget du ministère de la culture, qui a déjà diminué de 2 % en 2013, doit à nouveau baisser de 2 % en 2014. Quant aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ils baisseront de 16,4 %. Cela pose un grave problème de crédibilité de la parole présidentielle.
L'État se désengage et se défausse sur ses opérateurs, par le prélèvement sur la trésorerie des grands musées et institutions culturelles, par la ponction des fonds de roulement du CNC ou de l'INA. Il y a plus inquiétant encore : les budgets sont coupés, les projets abandonnés avant même la définition de projets alternatifs.
Faute d'une stratégie claire, la critique et l'abandon des actions engagées par Nicolas Sarkozy ont d'abord tenu lieu de seule politique. Après avoir abandonné le Centre national de la musique ; après avoir revu à la baisse les pouvoirs de sanction de la HADOPI pourtant saluée pour son action pédagogique dans la lutte contre le téléchargement illégal ; après, enfin, être revenu sur la réforme de l'audiovisuel de 2009, nous attendons toujours la moindre présentation d'une politique alternative.
Mais cette année vous ne pourrez plus vous cacher derrière votre slogan marketing de l'acte II de l'exception culturelle. Pendant un an, vous avez prétexté l'attente des conclusions de la mission Lescure pour remettre à plus tard la moindre décision. Six mois après la sortie du rapport, quelles suites y ont été données ? Sur les 500 pages du rapport, seule une ligne a été mise en oeuvre : la suppression de la sanction consistant à couper l'accès à internet dans le cadre de la réponse graduée. Pour le reste, nous avons assisté au lancement d'une multitude de missions – certes intéressantes –, nouveau prétexte pour reporter toute décision.
Dans cette saignée budgétaire, l'audiovisuel public fait particulièrement figure de variable d'ajustement. Prenons le cas de France Télévisions : par la réforme de 2009, nous avions permis aux Français d'avoir accès à un service public de meilleure qualité grâce à la suppression de la publicité en soirée tout en compensant budgétairement le manque à gagner, et nous avions préconisé un grand plan de réforme qui aurait dû permettre, à terme, des économies substantielles qui aujourd'hui font défaut. Faute d'avoir eu le courage de continuer dans le sens de la réforme, vous êtes grandement responsables de la situation dans laquelle se retrouve l'entreprise.
Pis : depuis que François Hollande est Président de la République, vous avez divisé chaque année par deux la subvention de l'État à France Télévisions – elle est passée de 452 millions d'euros en 2012, à 256 millions en 2013, et ne devrait plus atteindre que 114 millions en 2014. Comment pouvez-vous dès lors, sans coup férir, demander des comptes à France Télévisions sur ses difficultés financières ? Même si l'on peut comprendre la nécessité de demander à chaque opérateur public de contribuer à l'effort global de redressement des comptes, ce qui est choquant, voire scandaleux, c'est que ces coupes sont réalisées sans stratégie avec des conséquences gravissimes à moyen et long terme sur la qualité des missions de service public.
S'ajoute la mise en place, à travers la loi sur l'indépendance de l'audiovisuel, d'une double gouvernance nécessairement contre-productive. Cette loi confie au CSA le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, créant de fait un mélange des genres qui n'existe dans aucun autre secteur. Le fait que la semaine dernière le CSA ait annoncé la convocation, tous les quinze jours, de représentants de France télévisions pour leur demander des comptes sur le fonctionnement de la société illustre à quel point le régulateur est aussi dans un rôle de tutelle qui se superpose à celui de l'État. C'est l'inefficacité assurée.
Le cas de l'INA est lui aussi frappant. En ponctionnant son fonds de roulement de près de 20 millions d'euros, c'est un établissement public qui a su remplir ses COM et prendre le virage du numérique que vous punissez. Vous mettez fin brutalement à un projet préparé par Emmanuel Hoog et parachevé par Mathieu Gallet et son équipe, un projet qui aurait permis à l'INA d'assurer l'avenir de ses missions de service public et de s'assurer de nouveaux débouchés, un projet qui présentait toutes les garanties sur le plan économique et urbanistique. Comment pouvez-vous balayer d'un revers de main un si beau projet, pertinent pour l'ensemble des activités de l'INA ? Votre décision de mettre fin à cet investissement d'avenir – et Gilles Carrez ainsi que tous les députés du groupe UMP partagent mon incompréhension – est une décision politique à courte vue qui hypothèque l'avenir. Je vous demande solennellement de revenir dessus.
Pourrions-nous auditionner le président de l'INA pour qu'il nous fasse part de ce beau projet immobilier – que certains collègues ne connaissent peut-être pas –, afin que nous jugions de son éventuelle pertinence ?
Ces coupes aveugles, on les retrouve dans le secteur des industries culturelles, particulièrement mises au défi par la transition numérique. HADOPI est sans surprise la première victime de cette politique. Alors que son action a été saluée, l'acharnement dont vous faites preuve contre cette institution, revenant sur ses pouvoirs, sabrant son budget, qui baisse de 28 %, mettant en péril la conduite de ses missions, enfin la désavouant publiquement, envoie un signal déplorable dans la lutte contre le téléchargement illégal et le développement de l'offre légale.
Quant à la musique, après l'abandon du projet de Centre national de la musique, c'est le parent pauvre de votre ministère.
Je note enfin que, dans un contexte de mutation numérique, vous faites le choix de baisser de manière sensible les aides à la presse. Après avoir, l'an passé, sacrifié les aides au portage, vous vous attaquez cette année aux aides au postage, ne prenant la peine de justifier vos coupes que par l'annonce du lancement d'une réflexion sur la complémentarité des modes de diffusion. Ce n'est pas en mettant fin à la dynamique des états généraux de la presse que vous préparerez l'avenir de ce secteur en pleine mutation.
En définitive, ce budget confirme les craintes que laissait présager celui de l'an passé : nulle sanctuarisation de la culture comme promis, mais des coupes budgétaires n'obéissant à aucune stratégie, qui nient le rôle même de la culture comme investissement d'avenir – sur lequel pourtant, madame la ministre, vous insistez régulièrement. Ici encore, la parole du Gouvernement n'est pas suivie d'actes. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre les crédits de cette mission.