Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 5 novembre 2013 à 21h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Madame la ministre, j'ai du mal à vous suivre. Il y a maintenant plus de quatre mois, vous avez annoncé dans un communiqué de presse la suppression de l'HADOPI et le transfert de la riposte graduée au CSA. Or nous débattons du budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » prévoyant l'attribution de 6 millions d'euros à l'HADOPI.

J'ai conscience du succès impressionnant de la série The Walking Dead, où de nombreux zombies parcourent les rues, mais croyez-vous vraiment que notre République a besoin d'institutions mortes-vivantes pour bien fonctionner ? Je ne le pense pas. D'ailleurs, la baisse de 25 % du budget de l'HADOPI montre bien que vous partagez mon avis.

Cela n'est pas sérieux. Le mécanisme de riposte graduée a eu amplement le temps de démontrer son inefficacité. Cette Haute autorité a même abandonné d'elle-même une partie de ses missions, annonçant que la définition et la labellisation de « logiciels de sécurisation » étaient trop compliquées pour elle – « compliqué » signifiant en fait « impossible technologiquement ».

Elle s'est en revanche autosaisie d'une mission sur la légalisation du partage non marchand. J'ai eu beau chercher, je ne suis pas parvenue à trouver un rapport avec ses missions officielles. Il ne s'agit pas de l'observation de l'utilisation des oeuvres, ni de la lutte contre le piratage, ni de la régulation des mesures techniques de protection des oeuvres. Imaginez ce qui se passerait si demain d'autres autorités administratives indépendantes décidaient de s'attribuer des missions hors du cadre légal qui les a créées !

La seule réussite d'HADOPI, c'est d'avoir éloigné les internautes des systèmes d'échanges pair-à-pair. Ce sont pourtant les systèmes qui étaient les moins susceptibles de provoquer des engorgements des réseaux qui constituent internet. Ils ont été remplacés, entre autres, par le streaming, le téléchargement direct et les seedbox. Ces systèmes sont pourtant bien plus profitables à des organisations peu regardantes sur la légalité de leurs activités, et qui en retirent de grands bénéfices. La HADOPI a également étudié la possibilité de surveiller ces échanges, alors qu'il est évident que leur pénalisation provoquerait une nouvelle mutation technologique.

Au motif de mieux financer les acteurs culturels de notre pays, la France finance le développement de logiciels de surveillance des réseaux. L'actualité nous démontre quotidiennement la nocivité de ces technologies. Nous recommandons donc de distribuer le budget de la HADOPI aux artistes. Les mécanismes de redistribution ne manquent pas, et nous sommes persuadés que les créateurs accueilleront avec plaisir ces 6 millions d'euros.

Enfin, nous avons voté aujourd'hui le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, à la suite du scandale Cahuzac – révélé par la presse en ligne. Or le taux de TVA de cette dernière est resté à 19,6 % tandis que celui de la presse papier est maintenu à 2,1 %. Comment expliquez-vous une telle différence de traitement ?

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