Intervention de Corinne Bertoux

Réunion du 30 octobre 2013 à 16h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Corinne Bertoux, commissaire de police, chef de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains, OCRETH :

Il est extrêmement compliqué de vous fournir des chiffres. Ceux qui nous parviennent proviennent de sources judiciaires, ce qui constitue un biais en soi. Ils n'ont rien d'exhaustif puisqu'ils dépendent directement de notre capacité à démanteler les réseaux. En revanche, la force de l'Office vient de la centralisation qu'il opère au niveau national, facilitant ainsi l'identification des auteurs et des victimes.

Le point crucial, donc, c'est l'information. Ne pas avoir besoin d'une plainte pour agir, comme c'est le cas en France, est un atout puisque nous pouvons lancer une enquête sans intervention d'une victime. La constitution de fichiers pour les recenser serait illégale et le délit de racolage nous était bien utile pour collecter des renseignements. Loin de sanctionner les prostituées, il servait à éviter les troubles à l'ordre public, et les éventuelles gardes à vue et perquisitions qui s'en suivaient étaient pour nous de précieuses sources d'information. En outre, la discussion qui s'engageait permettait de connaître le parcours de celles à qui nous avions affaire et de rassembler les premiers éléments d'une enquête.

Comme l'a souligné M. Charpenel, le trafic d'êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle fait l'objet d'une prise en charge multidisciplinaire, y compris par la société civile au travers des associations qui aident les victimes. La triple source policière, judiciaire et civile permet d'établir des estimations, mais ce ne sont que des estimations. L'importance des trafics transnationaux et leur extrême mobilité empêchent d'être exhaustif.

En ce qui concerne les profits, et les saisies auxquelles ils donnent lieu, force est de constater que, de plus en plus, les auteurs restent sur le territoire français (30 % environ) mais que leurs biens sont à l'étranger, là où sont les chefs de réseau, c'est-à-dire dans des pays où il n'y a pas d'harmonisation possible, d'où la faiblesse du système : les saisies sont très peu nombreuses. Il nous arrive, bien sûr, de récupérer des espèces, des traces bancaires, mais nous faisons face à une anonymisation grandissante des flux financiers dont l'importance ressort de nos enquêtes judiciaires au long cours.

Alors, oui à la saisie, mais il faut avant tout harmoniser, y compris au niveau national. Ainsi, nous poursuivons beaucoup sous le chef de proxénétisme, très peu de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. Il faut que nous nous appropriions cette infraction pour mieux coopérer au niveau européen et lutter plus efficacement contre les têtes de réseau, notamment en confisquant leurs biens.

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