Le financement de l'aide aux victimes peut provenir, d'une part, d'une source européenne puisqu'il s'agit d'une criminalité transnationale. Nos collègues allemands et néerlandais découvrent dans leurs maisons de prostitution réglementaires les mêmes victimes que nous dans nos forêts ou nos hôtels, puisqu'elles n'accueillent pas de nationaux. Une approche bilatérale est plus raisonnable à mon sens car la mobilisation des capitaux dans un cadre multilatéral est extrêmement complexe. Je connais en Roumanie une expérience financée par l'Europe qui est modeste mais prometteuse, consistant à resocialiser des mineurs roms victimes ou auteurs dans des villages rom autres que les leurs. C'est un travail de très longue haleine et très coûteux. Sans doute faut-il mobiliser les crédits au profit de ceux qui sont les premières victimes de la traite, et les plus stigmatisés.
D'autre part, l'argent criminel peut aussi venir à la rescousse. Je ne désespère pas que TRACFIN se dote de radars plus perfectionnés. Nous observons que depuis qu'on s'intéresse de plus près à Western Union et aux changeurs manuels, qui constituaient le mode de transfert de fonds illicites le plus commode, nous retrouvons les passeurs de billets, et partant l'argent de l'économie souterraine. Je me souviens de la condamnation d'un proxénète bulgare. L'annonce d'une peine de quinze ans derrière les barreaux – il avait tout de même torturé certaines de ses victimes – l'a laissé de marbre tandis qu'à l'annonce de la confiscation de sa Maserati, il a manifesté tous les stigmates de la souffrance !
Plus généralement, il faut s'en prendre au talon d'Achille des trafiquants, c'est-à-dire à leur portefeuille car un proxénète éprouve rarement de la compassion. C'est ce que l'AGRASC a commencé à faire en puisant une partie de ses financements dans l'argent récupéré. De la sorte, on pourra espérer aller au-delà du constat désespérant de profits criminels en augmentation et de saisies qui stagnent.