Intervention de Jean-Marie Carpentier

Réunion du 30 octobre 2013 à 16h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Jean-Marie Carpentier, directeur du service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins, TRACFIN :

La saisie des avoirs criminels par l'AGRASC est indispensable sachant qu'elle n'est pas possible sans une condamnation. Sinon, l'Agence gère les biens saisis. Il ne faut toutefois pas tout en attendre. Depuis vingt ans que je travaille dans le domaine financier, j'ai perdu beaucoup d'illusions. Certains délinquants, malgré des années passées en prison et la saisie de tous leurs biens, pourront à leur sortie vivre beaucoup mieux que nous tous réunis, et sans le moindre problème. Je rappelle tout de même que certaines personnes faillies ont pu, pendant vingt ans, continuer à habiter un hôtel particulier. La saisie d'une Lamborghini peut faire très mal, mais il y a fort à parier qu'il y en a cinq autres au garage. Pardonnez-moi d'être rabat-joie, mais c'est la réalité. Sous cet angle, rien ne vaut la sévérité des sanctions encourues et prononcées. Mes amis américains et anglais sont d'ailleurs un peu revenus du « tout saisie » car, à partir d'un certain niveau de délinquance, vingt-cinq ans de prison sont plus dissuasifs qu'une saisie qui restera largement illusoire. Et je parle de sanctions effectives car, malgré le respect que j'ai pour la justice de mon pays, je ne peux m'empêcher de mettre en balance les années d'enquête, les difficultés auxquelles se heurtent les équipes de police et la sanction finale. On ne peut s'empêcher de penser : tout ça pour ça !

Je conclurai en insistant sur la diversité et l'extraordinaire porosité des réseaux. Il y a les archétypes – autoentreprenariat et gang organisé violent – mais, entre les deux, il est extraordinairement difficile de procéder à des qualifications, par exemple de savoir si une petite annonce sur Internet relève de la prostitution – qui n'est pas illégale – ou de l'autoentreprenariat, voire de la « franchise ». Il y a des jeunes et jolies filles – et des garçons aussi –, qui sont embrigadées dans un schéma, qui n'est pas une organisation au sens strict. Dans ce cas de figure, vous avez toujours quelqu'un qui est capable de se mettre en contact avec elles pour leur proposer des clients, voire les rappeler à l'ordre en cas de baisse du chiffre d'affaires. Au plan financier, on peut repérer la prostituée, mais il est très compliqué de remonter le réseau. Il y a des progrès à faire et sans doute des instruments nouveaux à trouver.

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