Intervention de Charles de Courson

Réunion du 6 novembre 2013 à 21h35
Commission élargie : agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

, rapporteur spécial pour les politiques de l'agriculture et pour le développement agricole et rural. L'ensemble des crédits alloués à l'agriculture dans le projet de loi de finances – y compris ceux de l'enseignement agricole – se montent à 4,9 milliards d'euros, mais ils ne constituent pas l'essentiel du financement dont bénéficie ce secteur. Il faut en effet y ajouter 9,3 milliards d'euros de crédits communautaires – 7,9 milliards au titre du « premier pilier » et 1,4 milliard au titre du deuxième – 2,8 milliards d'euros de dépenses fiscales, quelque 800 millions d'exonérations de charges sociales – dont 523 millions d'euros liés au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le reste provenant de la part agricole des allégements Fillon – et, enfin, les 13,3 milliards d'euros du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA). On arrive ainsi à un total légèrement supérieur à 31 milliards d'euros, auquel il faut donc rapporter ces 4,9 milliards.

Les crédits budgétaires de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » diminuent de 3 % environ, mais cette baisse se trouve compensée, au moins globalement, par une augmentation des cofinancements communautaires : c'est le cas, par exemple, pour les autorisations d'engagement et pour les crédits de paiement du programme « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » qui, dans ce budget, se contractent respectivement de 18 % et de 9 %. J'ajoute que, les fonds communautaires étant légèrement réduits, cette compensation résulte de redéploiements en leur sein. Mon rapport fera donc état de ces deux sources de financement afin que chacun puisse juger de l'évolution réelle des moyens alloués à l'agriculture.

Les dépenses fiscales diminueront de 300 millions d'euros entre 2013 et 2014, principalement en raison de la réduction du taux de la défiscalisation applicable aux biocarburants. Quant aux exonérations de charges, elles progressent du fait du CICE, qui devrait, au taux de 6 %, bénéficier pour 800 millions d'euros à l'agriculture. Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, que nous avons voté un amendement visant à faire entrer les coopératives dans le champ de ce crédit d'impôt, mais j'ai cru comprendre que M. le ministre n'était pas très optimiste sur l'issue des négociations ouvertes sur le sujet à Bruxelles. Il nous dira sans doute ce qu'il en est.

Monsieur le ministre, quel est l'état de vos réflexions sur la transcription nationale de l'accord européen et comment fonds communautaires et budget vont-ils évoluer ensemble au cours des trois à quatre années qui viennent ?

Les crédits consacrés à la forêt devraient permettre de solder les effets de la tempête Klaus, de janvier 2009, mais ce programme 149 porte surtout création d'un Fonds stratégique de la forêt et du bois – et non, hélas, d'un compte d'affectation spéciale comme vous le souhaitiez, monsieur le ministre ! – doté de 15 millions d'euros, auquel il convient d'ajouter le produit d'une indemnité de défrichement, évalué à 18 millions d'euros.

M. Éric Alauzet, rapporteur spécial pour la sécurité alimentaire. La sécurité alimentaire, objet du programme 206, est un élément essentiel de notre action en faveur de la santé publique, dans la mesure où cette mission de prévention peut être assurée.

Cette politique entre en résonance avec les inquiétudes croissantes de nos concitoyens : en effet, ceux-ci se soucient de plus en plus de l'impact que peut avoir l'alimentation sur leur santé et cette inquiétude se nourrit de questions multiples, portant sur la possibilité de fraudes, sur les effets de la mondialisation, sur la réalité de la traçabilité, sur la sincérité de l'étiquetage, sur l'utilisation de la chimie de synthèse… Et, comme sur d'autres sujets, une question les taraude : les responsables politiques disposent-ils des informations nécessaires et ont-ils réellement la volonté et les moyens d'agir ?

Le dispositif est organisé autour de deux structures majeures : l'évaluateur du risque – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSÉS) – et le gestionnaire du risque – la direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Il faut saluer la performance réalisée dans le cadre de cette mission au regard du faible coût du programme, qui ne représente que 0,13 % du budget de l'État. Pour l'année 2014, les crédits qui lui sont alloués diminuent une nouvelle fois – quoique seulement de 1,26 % – pour s'établir à 504 millions d'euros. Je dois cependant me réjouir de l'arrêt de la réduction des effectifs, avec l'abandon de la suppression de 60 équivalents temps plein (ETP) prévue dans la programmation triennale et avec l'annonce d'un renforcement de la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP).

Il était temps, car deux événements ont montré en 2013 que nous étions descendus en deçà du minimum indispensable. D'une part, l'absence de traduction de diagnostics d'anomalies dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires a empêché de suspendre la diffusion de substances non conformes dans les délais utiles. D'autre part, la crise de la viande de cheval a révélé au consommateur la consistance réelle des produits cuisinés à la viande ; même si nous avons appris ensuite que ces plats pouvaient être de meilleure qualité que ceux à base de minerai de boeuf, cette crise a mis en évidence le sous-effectif criant de la BNEVP et l'illusion qu'il y aurait à attendre des gains de productivité d'une fusion entre la DGAL et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Si la culture de la sécurité et celle de la lutte contre la fraude sont complémentaires, c'est bien que leur nature diffère ; des synergies sont possibles, mais une fusion ne peut être envisagée que si la preuve de son efficience est apportée. Elle participerait sinon de l'entropie générale, dans laquelle trop d'énergie se dissipe.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous garantir l'arrêt de la diminution des effectifs de la DGAL, non seulement pour 2014, mais aussi pour 2015 ? La réduction de ses moyens humains conduit en effet ce service à espacer ses contrôles pour se consacrer à l'analyse du risque.

Pourriez-vous aussi nous confirmer que l'effectif de la BNEVP sera bien renforcé, de façon à lui permettre de remplir convenablement ses missions ? Y aura-t-il bien doublement sur trois ans de cet effectif, actuellement de douze agents ?

Une réduction supplémentaire des actions consacrées à la lutte contre l'encéphalite spongiforme bovine (ESB) permettrait de disposer de 10 millions d'euros pour mener d'autres actions, mais les conditions scientifiques sont-elles réunies pour la rendre possible ?

L'ANSÉS semble éprouver des difficultés dans la gestion de ses personnels et de ses projets : comment pourrait-elle retrouver des marges de manoeuvre ? La réduction du nombre de ses études ne risque-t-elle pas de la conduire à abandonner des pistes correspondant à une forte demande sociale et de grand intérêt en termes de prévention des risques – je pense notamment à des études de référence et de longue durée sur la nocivité des OGM ?

Enfin, vous envisagez de transférer la délivrance des autorisations individuelles de mise sur le marché des produits phytosanitaires de la DGAL à l'ANSÉS. Se posera immanquablement à ce propos la question du maintien des garanties d'impartialité. N'existe-t-il pas un risque de conflit d'intérêts pour une structure qui assurerait à la fois l'évaluation et la gestion ? Comment justifiez-vous cette réforme ?

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