Intervention de Marie-Lou Marcel

Réunion du 6 novembre 2013 à 21h35
Commission élargie : agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Lou Marcel :

, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture et l'alimentation. Le projet de budget pour 2014 est marqué par la poursuite de l'effort de redressement des comptes publics et de réduction des déficits. S'établissant à 2,74 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,94 milliards d'euros en crédits de paiement, les crédits de cette mission diminuent à périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Mais ces chiffres sont à examiner dans un cadre plus large ; en effet, le budget alloué à l'agriculture est essentiellement d'origine européenne, dans le cadre de la PAC dont la réforme est actuellement négociée pour entrer en vigueur au 1er janvier 2014 – au 1er janvier 2015 pour les paiements directs –, et qui préservera les intérêts de notre agriculture.

Notre pays a reçu 8 milliards d'euros au titre des aides directes du « premier pilier » de la PAC en 2013 et a perçu 7,7 milliards en moyenne annuelle entre 2007 et 2014. Il percevra en tout, chaque année, 9,1 milliards d'euros au cours de la période comprise entre 2014 et 2020. Si donc certaines lignes de la mission subissent une baisse de crédits, celle-ci est compensée par un relèvement des taux de cofinancement par l'Union européenne dans le cadre de la nouvelle PAC : c'est le cas du taux de cofinancement communautaire de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), qui passe de 55 % à 67,5 %, générant une économie de 69 millions d'euros pour le budget national, et de la part nationale de la prime au maintien de troupeau de vaches allaitantes – le transfert de cette dépense de 165 millions d'euros au budget de l'Union dès 2014 induira une économie de 165 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Au regard de ces éléments, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, l'ampleur réelle de la baisse du budget de la mission, même si ce doit être à niveau d'aides constant pour les agriculteurs puisqu'une partie de ces aides sera désormais financée par l'Union européenne.

Je tiens tout particulièrement à souligner l'évolution de deux programmes interministériels qui n'entrent pas dans le cadre de la mission mais qui y sont liés : le programme « Enseignement supérieur et recherche agricole » voit ses crédits augmenter de 1,29 % et le programme « Enseignement technique agricole » voit les siens croître de 1,5 %. Cela permettra le recrutement de 150 nouveaux enseignants, l'ouverture de 30 postes d'auxiliaires de vie scolaire et de 20 postes dans l'enseignement supérieur. Élue d'un territoire rural, je ne peux que me réjouir de la priorité donnée par le Gouvernement à cet enseignement d'excellence, très prisé par les jeunes.

Pourriez-vous nous donner des précisions sur la majoration des ICHN pour l'élevage ovin ? Elle se monterait à 10 % en montagne et à 30 % en piémont, et serait liée à l'estive des animaux au lieu de l'être au pâturage sur l'exploitation. J'ai été interpellée par des éleveurs aveyronnais qu'inquiète le risque de perdre une part importante de leur revenu, leurs troupeaux ne partant pas en estive : êtes-vous en mesure de les rassurer ?

Je serai bien sûr attentive aux solutions qui pourront être trouvées pour que les coopératives puissent bénéficier du CICE.

En complément de l'avis sur la mission, j'ai souhaité cette année dresser un bref état des lieux de la situation des abattoirs – que vous trouverez en annexe de mon rapport. Il est nécessaire d'assurer un maillage territorial formé d'abattoirs de proximité, car ce sont des outils indispensables au développement et à la promotion des circuits courts et des produits bénéficiant d'un signe officiel de qualité.

Lors des auditions que j'ai conduites avec les acteurs du secteur agricole, j'ai ressenti de leur part une forte attente à l'égard des pouvoirs publics. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le monde agricole et rural souffre : en témoignent le nombre de séparations et de divorces et l'augmentation constante des suicides. C'est pourquoi je salue votre souci de présenter un budget correspondant à leurs besoins. Ainsi, à côté de l'effort consenti en faveur de la formation des jeunes, j'aurais pu souligner ceux qui sont faits dans cette mission pour améliorer la performance économique et environnementale et pour conforter l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, ou encore souligner l'action conduite en faveur de l'Office national des forêts (ONF), qui a trop souffert dans un passé récent.

Ce sont autant de raisons pour lesquelles je ne peux que soutenir l'action du Gouvernement et la vôtre, monsieur le ministre.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la forêt. La forêt française est une force pour notre pays. La troisième d'Europe par sa superficie, elle présente une grande variété d'essences et bénéficie d'une qualité d'entretien remarquable.

Mais nos forêts sont de plus en plus sollicitées ; à leur fonction patrimoniale traditionnelle s'est ajoutée celle de prévenir le réchauffement climatique et ses conséquences désastreuses pour nos écosystèmes et nos modes de vie. Elles sont aussi une source de biodiversité précieuse, qu'il importe de préserver pour les générations futures. De plus, elles constituent un fournisseur essentiel de biomasse, de plus en plus utilisée à des fins de chauffage et dont les usages iront croissant dans les prochaines années.

La forêt assume également une fonction économique cruciale pour l'emploi et la croissance de notre pays, ainsi que pour la vie de nos territoires. De son entretien et de son exploitation dépend une filière industrielle entière. Mais, pendant longtemps, ce rôle de la forêt a moins retenu l'attention des pouvoirs publics que ses usages patrimoniaux et environnementaux.

Or la filière bois connaît aujourd'hui une situation particulièrement difficile : la dispersion des parcelles et l'insuffisance des investissements dans l'industrie de transformation engendrent une faible mobilisation de nos ressources en bois et un déficit croissant du solde extérieur de la filière, qui a atteint 6,9 milliards d'euros en 2012. Le bois est aujourd'hui le deuxième poste le plus déficitaire de notre commerce extérieur ; cette situation est préoccupante, et difficilement acceptable au vu de l'abondance et de la très grande qualité de notre patrimoine forestier.

Partant de ce constat, je tiens à saluer l'effort significatif dont témoigne le projet de budget qui nous est présenté. Malgré les fortes contraintes financières qui pèsent sur l'ensemble de l'action publique, le Gouvernement propose d'augmenter les crédits affectés au programme « Forêt », ce qui atteste qu'il a pris conscience du rôle essentiel que jouent nos forêts du point de vue écologique comme du point de vue économique.

L'ONF fait face à une conjoncture difficile, qui entraîne des suppressions de postes et une situation sociale tendue ; dans ce contexte, l'augmentation de 30 millions d'euros de sa dotation témoigne de l'engagement des pouvoirs publics en faveur de cette ressource indispensable qu'est la forêt.

Je me réjouis également de la création d'un nouvel instrument financier en faveur de l'exploitation économique de notre forêt : le Fonds stratégique de la forêt et du bois. Depuis la disparition du Fonds forestier national en 2000, la filière ne disposait plus d'un instrument unique canalisant le soutien public à l'exploitation forestière. Celui-ci aura toute sa place dans une démarche plus globale visant à favoriser l'exploitation raisonnée et durable de la forêt, en vue de sa valorisation économique.

Certes, des questions demeurent, mais le projet de budget apparaît globalement satisfaisant et j'inviterai mes collègues à l'adopter.

J'ai consacré la partie thématique de mon avis à l'état des exportations de matière première dans la filière bois, dont on mesure trop peu qu'elle pourrait devenir un fleuron de notre industrie, apte à contribuer à la réduction d'un déficit de notre commerce extérieur qui atteint des proportions préoccupantes. La situation, à cet égard, est étonnante : alors que nous disposons d'une matière première remarquable par sa qualité et son abondance, nous peinons à exploiter cette richesse ; en conséquence, nous l'exportons en quantité croissante. Cependant, le Gouvernement et les acteurs de la filière ont depuis l'an dernier pris ce problème à bras-le-corps et je ne saurais trop insister sur l'intérêt des initiatives et du programme lancés en vue de mener enfin une politique ambitieuse pour la forêt.

J'ai déjà salué la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois. Cependant, je m'interroge sur son abondement : la dotation qui lui est affectée pour l'année 2014 correspond pour un tiers à des redéploiements de crédits existants, renforcés par un apport de 3,7 millions d'euros provenant du budget général et par l'affectation du produit de la nouvelle indemnité de défrichement. Pensez-vous que ce montant sera suffisant pour assurer une bonne exploitation du bois français et sa transformation sur notre sol en produits à haute valeur ajoutée ? D'autre part, le choix d'alimenter ce fonds à partir d'une ligne budgétaire peut donner à craindre que l'effort consenti aujourd'hui ne soit réduit demain. N'aurait-il pas été plus judicieux d'ouvrir un compte d'affectation spéciale, qui aurait garanti plus sûrement la permanence de l'engagement de l'État en faveur de la filière de la forêt et du bois ? Pouvez-vous nous indiquer les raisons qui ont motivé votre choix ?

Enfin, mes auditions ont confirmé le constat selon lequel la France exporte une grande quantité de matière brute sans la transformer sur le territoire national, ce qui explique la dégradation du solde extérieur de la filière. Quelles sont vos conceptions en ce qui concerne cet enjeu ?

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