Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 6 novembre 2013 à 21h35
Commission élargie : agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Comme l'a souligné d'entrée M. Charles de Courson, nous devons à la PAC l'essentiel des aides et du soutien apportés à l'agriculture ; il y a donc un lien entre la négociation que nous avons conduite pour la réformer et l'élaboration de ce budget.

La PAC se compose de deux piliers : en 2013, le premier représentait un peu plus de 8 milliards d'euros et le second 1,2 milliard, soit un total de 9,3 milliards d'euros ; en 2014, le premier sera doté de 7,7 milliards d'euros et le second de 1,4 milliard, soit 9,1 milliards d'euros en tout. Le gain réalisé par le biais du budget européen se concentre donc sur le second pilier et il s'élève à 150 millions d'euros par rapport à 2013, année de fin de programmation où la dotation était déjà forte.

À partir de cette maquette budgétaire, la négociation sur la PAC a conduit à opérer des choix, comme le verdissement de 30 % des aides selon les trois critères de rotation des cultures, de permanence des prairies et de taux des surfaces d'intérêt écologique ; en outre, les aides historiques des droits à paiement unique (DPU) deviendront des droits à paiement de base (DPB), qui convergeront vers un montant moyen par hectare, dans tous les États membres. En France, ces aides se situaient entre 400 et 450 euros pour les régions au plafond et 150 euros pour celles qui percevaient les DPU les plus faibles ; l'effort de convergence atteindra 70 % et emportera un effet de transfert des régions qui touchaient le plus vers celles qui étaient les moins dotées.

Nous avons également décidé de majorer de 20 % – le Président de la République a annoncé qu'une première revalorisation de 10 % aurait lieu en 20l6 – les aides du premier pilier pour les 52 premiers hectares, afin de démontrer notre volonté de conserver une agriculture reposant sur des chefs d'exploitation. Je précise qu'une majoration de 10 % des aides du premier pilier représente 770 millions d'euros.

Une deuxième évolution concerne les aides couplées. Versées non pas à l'hectare mais en fonction du cheptel – sous forme de primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes, de primes ovines et caprines et d'aides à la production laitière en montagne –, ces aides se montaient jusqu'ici, au total, à 10 % des 8 milliards d'euros du premier pilier. Or la négociation que nous avons menée nous a permis de porter cette proportion à 13 % – et même à 15 % si l'on inclut dans ce calcul les aides à la production de protéines fourragères. Les 3 % d'aides couplées supplémentaires dont nous disposerons désormais nous permettront de faire financer par la PAC la prime nationale à la vache allaitante. Cette évolution, qui explique en partie la baisse de notre budget national, ne changera rien pour nos agriculteurs puisqu'elle sera immédiatement compensée par les aides européennes. Ainsi, alors que cette prime nationale nous coûtait jusqu'ici environ 165 millions d'euros, ce sont 100 millions d'euros de crédits de paiement qui, dès 2014, seront financés sur le budget de l'Union. Ce changement relève à la fois d'un choix national et d'un choix européen : en effet, si la Commission européenne a accepté une augmentation du taux de couplage des aides pour les animaux, en contrepartie elle ne souhaite plus accorder de dérogation sur les aides nationales. Quant aux 2 % d'aide supplémentaire en faveur des protéagineux, ils n'auront pas d'incidence sur notre budget national.

En ce qui concerne le deuxième pilier, on peut véritablement parler de changement puisque, comme je l'ai dit, la France se voit allouer 150 millions d'euros de plus par an : comme le budget européen était mieux doté qu'antérieurement, nous avons essayé de rééquilibrer les financements entre États membres et Union dans le cadre de la négociation que nous avons menée. Ainsi, si le financement de ce deuxième pilier – qui comprend notamment les ICHN, les mesures en faveur de l'installation des jeunes et les plans de modernisation – était assuré jusqu'ici pour moitié par l'Europe et pour moitié par la France, nous avons fait passer le taux de financement européen à 70 ou 80 %, selon les cas. Parallèlement, la part nationale du cofinancement de ces dispositifs est donc tombée de 50 % à 20 %. Mais encore une fois, si le budget national est moins sollicité, cela ne change rien pour les agriculteurs. Il importe de le comprendre car notre objectif consiste bien à continuer de les soutenir et même à renforcer ce soutien. J'ajoute que, si la France a obtenu 150 millions d'euros de plus par an sur le deuxième pilier, ce chiffre est calculé sur la base du volume budgétaire de 2013 – soit le plus élevé puisque nous nous trouvons en fin de cycle. En d'autres termes, rapportée aux volumes budgétaires des années précédentes, cette augmentation est nettement supérieure. Cette évolution nous permettra de financer des mesures agro-environnementales, d'augmenter de 15 % l'ICHN et donc de soutenir l'élevage.

Quant à la possibilité d'ouvrir le bénéfice du CICE aux coopératives, elle est actuellement négociée auprès de la Commission européenne, non pas par le ministère de l'agriculture, mais par celui du budget. Cette négociation n'est pas simple car les coopératives n'étant pas assujetties à l'impôt sur les sociétés, leur accorder un crédit d'impôt reviendrait à les subventionner. La discussion n'ayant guère avancé pour le moment, nous réfléchissons à d'autres scénarios possibles, dans l'hypothèse où nous n'obtiendrions pas gain de cause à Bruxelles.

En ce qui concerne la création du Fonds stratégique pour la forêt et le bois, le ministère de l'agriculture aurait lui aussi préféré la création d'un compte d'affectation spéciale, mais il lui aura fallu se plier aux recommandations insistantes du ministère de l'économie et des finances. La mesure nous permet néanmoins de disposer d'une ligne budgétaire spécifique, alimentée par trois types de ressources : le budget traditionnel de la forêt, les « centimes forestiers » prélevés par les chambres d'agriculture – dont le produit s'élève à 3,7 millions d'euros – et le produit de la taxe sur le défrichement. À ce sujet, nous vous proposerons dans le cadre du projet de loi d'avenir pour l'agriculture de rendre obligatoire la compensation des défrichements – soit sous forme de reboisement, soit sous forme financière. Le Fonds stratégique sera donc doté d'environ 20 millions d'euros la première année et, au fur et à mesure qu'augmenteront les recettes issues de la taxe sur le défrichement, ce montant devrait être progressivement porté à 30 millions d'euros. Enfin, la forêt constituant un véritable puits de carbone, nous espérons pouvoir alimenter le fonds du produit de la taxe carbone – une fois que celui-ci aura atteint un niveau significatif.

En matière de sécurité sanitaire, l'an dernier déjà, nous avions divisé par deux les objectifs de réduction des effectifs d'agents chargés du contrôle sanitaire et vétérinaire qui avaient été fixés. Cette année, compte tenu des enjeux, nous mettons purement et simplement un terme à cette réduction et j'espère que nous parviendrons à maintenir ces effectifs stables l'an prochain.

L'Agence européenne a clairement conclu à la possibilité d'abandonner les tests ESB – décision qu'ont déjà mise en oeuvre dix-sept États membres, à l'exception notable de l'Allemagne. L'avis complémentaire que nous avons pour notre part demandé à l'ANSÉS était partagé entre pour et contre. C'est pourquoi je poursuis actuellement les discussions sur ce sujet. Je considère pour ma part que l'ESB ne constitue plus un problème de santé publique, compte tenu de nos vérifications épidémiologiques et des tests réalisés à l'abattoir, mais je prendrai toutes les précautions nécessaires pour que nous ne prenions de décision qu'une fois que nous en aurons parfaitement mesuré toutes les conséquences. Il est vrai que la suppression de ces tests nous rapporterait dix millions d'euros supplémentaires. Mais la question est trop sensible et la charge symbolique trop forte pour que nous nous arrêtions à cette seule considération.

Nous aurons effectivement à discuter de la question des conflits d'intérêts lors de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, et nous avons besoin de clarifier les relations entre l'ANSÉS et le ministère. Il faut un évaluateur, la décision devant continuer d'appartenir au politique. Je considère néanmoins que le système actuel fonctionne bien. Souvenez-vous d'ailleurs de la manière dont les choses s'étaient passées lorsque, à mon arrivée, j'avais décidé, à des fins de protection des abeilles, d'interdire l'usage de l'insecticide Cruiser utilisé pour l'enrobage des semences : les rapports alors établis par l'ANSÉS sur le sujet avaient été élaborés dans une totale indépendance.

Abstraction faite de la baisse des aides compensée par la PAC que je viens d'évoquer, la diminution des crédits observée par Mme Marie-Lou Marcel au sein de notre budget s'explique notamment par une baisse de 30 millions d'euros au titre des exonérations de charges pour l'embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE) : cette diminution ne correspond cependant pas à une remise en cause du dispositif, mais au fait que le remboursement par l'État à la Mutualité sociale agricole (MSA) des exonérations de cotisations sociales est décalé d'un trimestre. Vous constaterez également que nous réalisons une économie de 10 millions d'euros en fonctionnement, soit 6 millions pour notre ministère et 4 millions pour les opérateurs. Cette économie de crédits est rendue possible par une diminution de nos effectifs et par la rigueur avec laquelle nous gérons notre budget.

Madame Marie-Lou Marcel, l'audit communautaire sur la majoration des ICHN a permis de constater que les aides actuelles aux ovins et aux caprins n'étaient nullement remises en cause. Il conviendra simplement, comme toujours, de revoir les conditions d'éligibilité à ces compensations et de justifier en termes de coûts et de charges les handicaps à compenser.

Pour répondre à André Chassaigne, la création du Fonds stratégique pour la forêt et le bois a été motivée par notre volonté de disposer demain d'un outil que nous pourrons abonder en recourant à des ressources nouvelles – des ressources qui restent hypothétiques aujourd'hui et à la nature desquelles il nous faudra réfléchir. Actuellement, le prix de la tonne de CO2 n'est que de quatre euros, soit un montant extrêmement faible, mais si ce marché venait à être restructuré, sans doute pourrait-on songer à diriger une partie de ces recettes vers la filière bois.

Comme vous l'avez relevé, monsieur Chassaigne, nous apportons un soutien supplémentaire de 30 millions d'euros à l'ONF, dont la situation s'est améliorée depuis l'an dernier. Et si l'office n'est pas encore sorti d'affaire, le chiffre des ventes de bois a cependant augmenté en volume. Il nous faut donc continuer à assurer la transition. Arnaud Montebourg et moi-même avons d'ailleurs présenté il y a un mois un grand plan bois. Ayant réfléchi aux débouchés qui pouvaient s'ouvrir à ce matériau et aux combats à mener en sa faveur dans la définition des normes de construction, nous vous proposerons des dispositions sur le sujet dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture. Nous avons également réfléchi aux moyens de favoriser la plantation en utilisant le Fonds stratégique et prévoyons l'instauration d'un nouveau système de compte « SIFA » qui permettra aux propriétaires de forêts qui souhaitent vendre leurs arbres de bénéficier des mêmes avantages fiscaux que s'ils les gardaient sur pied. Il nous faut en effet passer d'une logique patrimoniale à une logique économique. La Banque publique d'investissement apportera quant à elle un soutien aux scieries et nous essayons avec Arnaud Montebourg d'abaisser de 1 à 0,5 mégawatt le seuil à partir duquel on a accès au tarif préférentiel pour la cogénération, de sorte que les petites scieries puissent utiliser leurs coproduits. En effet, à l'heure actuelle, lorsque la France exporte des billes de bois, nous perdons non seulement la valeur ajoutée issue de leur transformation, mais aussi celle qui pourrait résulter de l'utilisation des coproduits, tels que les sciures.

Nous avons intérêt à faire baisser le déficit de six milliards d'euros de la balance commerciale de la filière bois et à faire de notre belle forêt française un atout à la fois pour la biodiversité et les activités de loisir et pour l'économie de notre pays.

M. le président François Brottes Chacun se souvient qu'au début de ce siècle, le Fonds forestier national, qui était un compte d'affectation spéciale, a été supprimé sur la base d'arguments tout à fait identiques à ceux qui vous ont été opposés il y a peu. On observe donc une certaine constance en ce domaine.

La parole est maintenant aux orateurs des groupes.

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