Intervention de André Chassaigne

Réunion du 6 novembre 2013 à 21h35
Commission élargie : agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je ne reviendrai pas sur les arbitrages effectués dans le cadre de la future politique agricole commune, ni sur les principaux choix politiques nationaux que M. le ministre vient de nous rappeler, mais je note qu'à la veille de la discussion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'examen de cette mission budgétaire intervient à un moment charnière pour l'agriculture de notre pays.

Il nous faut tout d'abord regretter que les crédits de cette mission n'échappent pas aux figures imposées en matière de dépenses publiques, avec une baisse globale de 151 millions d'euros en crédits de paiement – soit près de 4,5 % – et de plus de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement. Mais il nous faut aussi souligner que certains arbitrages budgétaires dénotent une volonté de réorientation salutaire des priorités.

Il en est ainsi de la hausse substantielle des crédits de paiement concernant l'action 13 du programme 154 – « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles ». L'amélioration de la politique d'aide à l'installation doit effectivement constituer une priorité pour assurer la continuité d'une agriculture diversifiée, d'autant qu'elle conditionne les objectifs de maintien de l'emploi et de l'activité agricole sur l'ensemble des territoires. Je ne doute pas que ce geste significatif trouvera une confirmation dans la prochaine loi d'avenir. C'est un levier déterminant pour la réorientation des systèmes agricoles vers des modes plus durables.

Dans le même sens, après des années de disette, je note avec satisfaction la progression – bien que très légère – en crédits de paiement des actions 3, « Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires », et 6, « Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation », du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Après le scandale de l'affaire de la viande de cheval, il aurait été pour le moins incompréhensible de limiter encore les moyens de l'État en matière de protection sanitaire et de contrôle des denrées alimentaires. Nous restons toutefois très en deçà des besoins réels pour cette mission essentielle de protection et d'information des consommateurs comme des producteurs.

Nous le savons, le dumping sanitaire, social et environnemental sur les produits agricoles et alimentaires se poursuit. Il est entretenu par la grande distribution et ses stratégies de marges. Aussi, en appui des moyens supplémentaires qu'il est indispensable d'accorder aux services du contrôle sanitaire et de la répression des fraudes, il faut apporter des réponses législatives très fortes en matière de contrôle des importations, d'identification de l'origine et de qualité. Les difficultés à aboutir à la mise en place au niveau européen de l'indication du pays d'origine pour le seul secteur des viandes dans les produits transformés témoignent en effet de la très grande réticence des acteurs du commerce et de la distribution dans ce domaine. Ils savent très bien qu'un renforcement des règles en matière d'étiquetage et d'identification porterait directement atteinte à leurs stratégies de dumping et d'importation, pratiquées au détriment des producteurs, de l'information des consommateurs et de la qualité des produits.

Notre analyse des crédits de la mission n'est toutefois pas exempte de critiques. Celles-ci portent en particulier sur la poursuite du non-remplacement des personnels. Malgré l'augmentation de 222 équivalents temps plein travaillés au bénéfice de l'enseignement agricole relevant de la mission « Enseignement scolaire », ce sont en effet, au total, 228 équivalents temps plein travaillés qui sont supprimés dans l'ensemble de la mission.

Nous le disons chaque année : avec le non-remplacement de ces agents, c'est à la perte de tout contact direct avec les administrés, de toute relation humaine que l'on s'expose. La dématérialisation ne justifie pas tout. Les restructurations dégradent fortement les relations entre les partenaires de l'agriculture et les agriculteurs. Alors que les administrations dépendant de ce ministère comme les établissements publics rattachés sont déjà à bout de souffle, les réductions d'effectifs proposées ne feront qu'accentuer les difficultés actuelles.

Monsieur le ministre, les crédits de cette mission traduisent une ambition nouvelle pour certaines actions clés. Toutefois, ces premiers pas n'ont pas pour effet de desserrer l'étau de la contrainte exercée en matière de réduction des dépenses publiques, ni de compenser le dangereux affaiblissement des moyens humains, qui compromet la conduite optimale des politiques publiques agricoles. C'est évidemment regrettable.

Cela étant, dans la perspective d'avancées réelles introduites dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, et d'un véritable changement de cap budgétaire pour 2015, notre avis sur les crédits de cette mission pourrait être favorable – voire le sera.

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