Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 6 novembre 2013 à 21h35
Commission élargie : agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Madame Dubois, je m'abstiendrai pour ma part de me prononcer sur les motivations de la décision du tribunal de commerce de Quimper ; je me contenterai de constater, comme vous, que le groupe a été divisé.

Aujourd'hui, je m'attache à sauver la filière export. En effet, si elle devait connaître des difficultés majeures, 270 à 280 000 tonnes supplémentaires se retrouveraient sur le marché national, ce qui aurait un effet profondément déstabilisant pour tout le secteur. Ce combat concerne évidemment Doux mais aussi, par exemple, Tilly-Sabco.

Le redressement judiciaire de Doux était déjà en cours quand j'ai pris mes fonctions en mai 2012. Les choix stratégiques de l'entreprise l'avaient poussée à investir exclusivement au Brésil, délaissant les usines françaises. Faute d'investissements, l'outil de production en France s'est fortement dégradé, menant à la situation que nous connaissons.

Aujourd'hui, nous devons travailler pour éviter à Doux une liquidation judiciaire : nous devons l'aider à trouver des débouchés et à mobiliser des investissements. L'outil industriel Tilly-Sabco doit aussi être sauvé. Une fois ces étapes franchies, il nous faudra restructurer la filière afin qu'elle soit en mesure de reconquérir les marchés perdus – 40 % du poulet standard consommé en France est importé. La stratégie consiste à faire évoluer le modèle breton sans le casser. N'oublions pas que, si la Bretagne ne devait plus produire que du poulet dit « de qualité », à l'instar du Gers ou de la Sarthe, l'effet sur l'équilibre des prix et de la filière serait considérable ! J'ajoute que nous pouvons miser sur la demande du Moyen-Orient qui croît, entre autres raisons parce que les acteurs de ce marché ne souhaitent pas dépendre exclusivement du Brésil.

Madame Got, le Fonds stratégique de la forêt et du bois a été imaginé avec l'idée de mettre à profit, le moment venu, au profit de la forêt, un redressement des prix du marché des quotas de carbone que nous devons d'ores et déjà anticiper. Il nous faut prévoir ensemble une répartition de ces recettes – je suis ouvert aux propositions – car les évolutions peuvent être rapides. En tout état de cause, si la tonne de carbone passe de 4 à 15 ou 20 euros, la forêt devra en bénéficier. Au-delà de son rôle majeur dans la fixation du carbone, elle peut nous fournir le bois dont nous avons besoin – alors qu'aujourd'hui nous accroissons nos importations.

Monsieur Pierre Morel-A-L'Huissier, grâce à notre participation au budget européen, j'ai négocié un niveau de cofinancement européen de l'ICHN plus élevé qui nous permet de maintenir le niveau de l'aide apportée aux agriculteurs tout en réduisant le budget national. Les marges dégagées permettent même d'augmenter ces indemnités dans le cadre du plan consacré au soutien de l'élevage.

Monsieur Tardy, la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) doit faire l'objet d'une discussion, car il me semble impensable d'appliquer aux terres agricoles l'augmentation de 25 %. Quoi qu'il en soit, cette mesure sera reportée d'un an ; à terme, il faudra envisager une exonération. L'idée de Cécile Duflot – augmenter la TFNB de manière à récupérer les terres pour l'urbanisation – ne manquait pas d'intelligence ; mais pour les terres agricoles en culture, une telle augmentation serait inacceptable.

Les moyens affectés au dispositif de crise « Agriculteurs en difficulté » (Agridiff) augmentent légèrement ; ces politiques conservent les mêmes objectifs.

La création du Fonds stratégique pour la forêt et le bois permettra de nous doter d'une structure nationale qui coordonnera les plans forestiers régionaux. Nous débattons de ces changements avec les chambres de l'agriculture ; quant aux professionnels de la forêt, ils soutiennent tout à fait cette nouvelle organisation. Lorsque Arnaud Montebourg et moi-même avons présenté le plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois et le volet forestier de la loi d'avenir pour l'agriculture, ceux-ci ont donné satisfaction à tous – sauf aux associations communales de chasse agréées (ACCA). Certes, ces changements amènent à remettre en cause les PPRDF, et il faudra gérer la transition en concertation avec les chambres d'agriculture ; mais il est légitime de laisser la gestion de la forêt aux professions forestières.

Madame Bonneton, les crédits de la recherche restent stables. Le budget prévoit la création de 150 postes dans l'enseignement agricole – dont 20 dans l'enseignement supérieur – et de 30 postes d'auxiliaires de vie scolaire.

Les objectifs du plan Écophyto – réduire de 50 % l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici à 2018 – semblent difficiles à atteindre lorsqu'on sait qu'en 2012, la consommation en avait au contraire augmenté de 2 %. En revanche, même si l'on ne parvient pas à remplir cet engagement, un mouvement à la baisse doit absolument être engagé. Grâce au réseau Écophyto, les molécules les plus dangereuses ont d'ores et déjà été abandonnées à près de 85 % – une étape majeure. Il faut poursuivre cet effort. Seule la diffusion des bonnes pratiques – qui permettent dès aujourd'hui à certains de réduire de 30 % leur recours aux phytosanitaires – nous fera réussir ce pari. Nous devons changer les conditions et le modèle même de production, car il est impossible d'exiger une réduction massive de consommation de phytosanitaires au sein d'un modèle conçu pour les utiliser. Au lieu d'en blâmer les agriculteurs, il faut les aider à faire évoluer leurs pratiques ; cela prendra du temps, mais nous permettra au bout du compte d'entrer dans la logique de l'agro-écologie. Grâce à l'élargissement de l'assiette de la redevance pour pollutions diffuses, les crédits affectés au plan Écophyto – 41 millions d'euros – sont en hausse.

Monsieur de Courson, lorsque la méthanisation représente un prolongement de l'activité agricole, elle devrait bénéficier de l'exonération de la taxe foncière sur le bâti. Le débat budgétaire sur ce point doit encore avoir lieu, mais si l'on crée un plafond, seuls les plus gros méthaniseurs risquent de profiter de l'exonération, les plus petits restant taxés. On peut également envisager de raisonner à partir d'un pourcentage de la valeur ajoutée. En tout état de cause, la méthanisation qui utilise la matière organique liée à la production animale doit être considérée comme un prolongement de l'activité agricole.

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