Je centrerai mon intervention sur la question particulière du VIH sida, certes particulière, mais qui rejoint des problématiques plus générales de santé publique.
Act Up s'est mobilisé depuis une dizaine d'années aux côtés des travailleurs et travailleuses du sexe dans une optique de santé publique. Nous nous sommes notamment immédiatement opposés à la création du délit de racolage public. Comme le soulignait Maîtresse Gilda, la mesure de pénalisation des clients qui figure dans la proposition de loi de Mme Maud Olivier aura de toute évidence, sur le terrain, exactement les mêmes effets, à savoir une précarisation accrue des travailleuses du sexe, stigmatisées et obligées de se faire invisibles. Pour nous, une grande partie de ce texte va à l'encontre des grands principes qui ont fait leurs preuves en trente ans de lutte contre l'épidémie du sida, à commencer par la prise en compte de la parole à la première personne, ce qui est, par exemple, totalement incompatible avec le projet affiché d'astreindre les personnes à sortir de la prostitution pour bénéficier de droits, dont celui à un titre de séjour.
La prévention est incompatible avec toute forme de répression, qu'il s'agisse d'une répression directe des prostituées, au travers du délit de racolage, ou d'une répression indirecte, via la pénalisation des clients.
Sur le terrain, les conséquences seront exactement les mêmes. Il se trouve que je suis aujourd'hui la seule représentante d'une structure de lutte contre le sida. Mes propos ne font pas que reprendre le point de vue d'Act Up. Ils ont été corroborés par de très nombreux avis, rapports ou expertises, de niveau national ou international : l'avis du Conseil national du sida de 2010 ; le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), dont le clan abolitionniste se prévaut, mais qui renvoie pourtant fréquemment à l'avis du Conseil national du sida et au rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui préconise également l'arrêt de toute répression pesant sur les acteurs des prestations sexuelles tarifées, prostituées comme clients ; enfin, le récent rapport Morlat, un rapport d'experts sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH.
Malheureusement, l'aspect « santé publique » a été quelque peu éludé lors de la préparation et de l'élaboration de cette proposition de loi. Notre audition d'aujourd'hui est donc particulièrement opportune. La prostitution est aussi une question de santé publique, et la santé publique doit être au centre des réflexions.