Intervention de Maîtresse Gilda

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Maîtresse Gilda, porte-parole du Syndicat du travail sexuel, STRASS :

Je voudrais compléter les propos de France Arnould sur la façon de déterminer qui est contrainte et qui est libre dans ce métier.

Selon moi, la question n'est absolument pas pertinente quand on évoque la pénalisation des clients des prostituées. Ce n'est pas en précarisant et en pénalisant les clients, donc en diminuant les ressources des personnes, qu'elles soient contraintes ou qu'elles soient libres, qu'on les aidera. C'est en leur donnant accès au droit pour qu'elles aient les moyens de se défendre.

Aujourd'hui, une grande partie des travailleuses du sexe, notamment les migrantes sans papiers, ne peuvent pas, n'osent pas, parce qu'elles ont peur, aller déposer plainte lorsqu'elles sont victimes d'agression, de vols ou en cas d'incidents ou d'abus policiers – dont nous avons régulièrement connaissance à la permanence du STRASS. Ces personnes-là ne savent pas qu'elles ont le droit de se défendre. Elles n'ont pas accès au droit. Ce n'est pas en pénalisant les clients, donc en aggravant la répression et en multipliant les interventions de la police sur les lieux de prostitution qu'on va les aider à se défendre contre les abus et les violences qu'elles subissent.

Je ne suis pas la seule à dire qu'en matière de prostitution, il faut se garder de tout amalgame. Dans le rapport de l'IGAS ou dans les recommandations du PNUD, on insiste sur le fait qu'il n'y a pas une prostitution, mais des prostitutions, et des réalités de terrain plurielles que les associations connaissent. On ne peut pas faire une politique fondée sur un seul aspect de la question, qu'il ne s'agit d'ailleurs pas de nier : de fait, l'exploitation et la traite existent.

Le droit français comporte des armes pour lutter contre la traite, contre l'exploitation et contre le travail forcé. Mais ces armes, on ne les utilise pas. Plus généralement, le droit commun n'est pas appliqué dès lors qu'il s'agit de travailleurs et de travailleuses du sexe. France Arnould revendiquait un cadre légal. Pour moi, le droit commun est le minimum requis. Il ne faut pas s'appuyer sur des dispositions légales qui excluent du droit commun les travailleurs et les travailleuses du sexe, mais au contraire faire en sorte que le droit commun les protège.

J'entends très peu les partisans de la pénalisation et les abolitionnistes s'offusquer du fait que les ordonnances de 1960 – qui définissent les fléaux sociaux à combattre – soient toujours en vigueur concernant les prostituées. Dans cette liste, on trouvait l'alcoolisme, la prostitution, l'homosexualité et la tuberculose. L'homosexualité a été retirée de ce texte il y a quelques années ; la tuberculose aussi, je suppose ; mais pas la prostitution. Nous sommes toujours frappés du sceau de l'infamie, un peu comme sous l'Ancien régime, où l'on flétrissait les prostituées en les marquant à l'épaule d'une fleur de lys. La loi renforce ce stigmate. Et je n'entends personne, à part Les Amis du Bus des Femmes et les associations comme la nôtre, réclamer l'abrogation de cette disposition des ordonnances de 1960.

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