Intervention de Tim Leicester

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Tim Leicester, coordinateur du Lotus Bus à Paris :

Nous partageons tous le même objectif : faire en sorte qu'il y ait le moins possible de personnes obligées de se prostituer et que celles qui le font le fassent dans les meilleures conditions sanitaires.

À cet égard, la proposition consistant à remettre aux personnes identifiées par des associations agréées comme des victimes de la traite des titres de séjour de six mois assortis de l'allocation temporaire d'attente (ATA), à condition qu'elles arrêtent la prostitution, ne me paraît pas pertinente. Il est certes important de placer la victime au coeur de l'action contre la traite mais, en subordonnant l'octroi de ces droits administratifs et sociaux à l'arrêt de la prostitution, on risque de faire perdre à cette mesure toute son efficacité.

Il est en effet irréaliste de penser que des personnes qui, du fait de leur parcours migratoire, ont de très lourdes dettes ou des familles qui dépendent de l'argent qu'elles leur envoient vont sacrifier leurs revenus pour toucher les quelque 300 euros mensuels de l'ATA. Obligées de continuer à se prostituer, elles risquent, si elles sont prises sur le fait, de se voir retirer leur titre de séjour, ce qui compromettra leur projet de réinsertion. Certaines préfectures utilisent déjà les titres de séjour comme un moyen de pression, subordonnant leur délivrance à l'arrêt de la prostitution alors même que celle-ci n'est pas illégale.

D'autre part, la police et de la gendarmerie ont les plus grandes difficultés à impliquer les victimes dans les procédures engagées en vue de démanteler les réseaux de traite ou de proxénétisme. Ces victimes sont considérées comme des témoins indispensables, mais il est fait peu de cas de leur situation personnelle et de leur besoin de protection, ce qui ne les incite pas à témoigner. Il est donc nécessaire de tout faire pour les mettre en confiance, pour les rapprocher des associations et leur offrir un meilleur accès aux soins et aux droits fondamentaux, afin qu'elles soient en mesure de porter plainte lorsqu'elles sont victimes de violences. En pénalisant les clients, on va au contraire les replonger dans la clandestinité et renforcer leur invisibilité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion