Intervention de Irène Aboudaram

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Irène Aboudaram, coordinatrice du Funambus à Nantes :

À Nantes, où nous travaillons depuis 2000 auprès de personnes qui se prostituent, nous avons vu varier le profil de la file active, notamment avec l'arrivée de femmes originaires du Nigéria. Si, au regard de la loi, ces femmes sont en effet victimes de la traite, au sens où on les a aidées à passer les frontières puis procuré un hébergement, j'aimerais néanmoins nuancer vos propos, monsieur le président. Même si cela vous heurte, un parcours migratoire peut procéder d'un choix, celui de vivre en Europe, dans un pays offrant de meilleures perspectives que le Nigéria.

Il existe une multitude de parcours. Certaines femmes à qui l'on a promis un emploi de garde d'enfants ou un travail dans la restauration ainsi que des papiers se font complètement avoir et sont en effet victimes de la traite. Mais d'autres ont décidé librement de contracter une dette élevée pour venir en France, en disposant de certaines informations même s'il est probable qu'elles ne mesuraient pas totalement les implications d'un tel choix. Une fois en France, certaines ne parviennent pas à s'accommoder du travail dans la rue ; elles souffrent du froid, de la clandestinité, de la peur de la police, des discriminations et du manque d'accès aux soins. Ces femmes ont besoin d'aide pour s'en sortir et votre proposition de loi leur apportera peut-être quelques réponses. D'autres, en revanche, s'accommodent de la situation, parce qu'elles ont réalisé leur projet qui était d'émigrer en Europe. Ce n'est ni un jugement ni de l'idéologie, mais un constat de terrain.

J'ai conscience que cela ne répond pas à votre question, mais il me semble que les représentants des forces de l'ordre que vous avez auditionnés hier ont expliqué que la pénalisation des clients ne les aiderait pas forcément à mieux combattre la traite. Je vous renvoie d'ailleurs à la loi pour la sécurité intérieure dont on avait dit qu'elle permettrait à la police d'approcher les victimes, ce qui ne s'est pas avéré dans les faits. Ce n'est jamais la police qui arrive à faire avouer aux victimes des réseaux qu'elles sont exploitées, mais les acteurs de terrain, au terme d'un long et patient travail d'approche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion