Je m'appelle Rozenn Hicher et j'ai vingt-deux ans de prostitution. Maman de six enfants, je me suis prostituée volontairement : je veux dire par là que je n'ai jamais été sous l'emprise de qui que ce soit ou de quoi que ce soit, hormis de l'argent. Au bout de vingt-deux années j'ai réussi à m'en sortir mais j'ai mis dix ans à trouver une porte de sortie. Pour en sortir, il faut savoir pourquoi on y est, comment on y est arrivé et comment faire pour s'en sortir. C'est le message qu'il me semble important de vous faire passer : c'est difficile de s'en sortir une fois qu'on est dedans. L'argent « rentre » tous les jours, et les sommes peuvent être importantes. Cela nous rassure d'une certaine façon, l'argent étant la priorité dans la prostitution. Comment faire ensuite pour vivre pendant un mois avec ce qu'on gagnait en une journée ? C'est traumatisant pour les femmes prostituées : elles ne voient pas comment elles pourraient y arriver sans la prostitution. La prostitution est une violence énorme, et l'argent tiré de la prostitution est marqué par cette violence extrême : toutes ces liquidités, on les prend, on les jette, on ne les respecte pas et on ne peut pas les respecter.
J'ai aujourd'hui cinquante-sept ans et je ne peux rien faire pour changer mon passé. En revanche, je peux lutter pour que cela n'arrive pas à d'autres, à toutes ces jeunes filles mises en esclavage sur le trottoir dans le monde, et d'abord dans mon pays.