Intervention de Rozenn Hicher

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Rozenn Hicher :

Je suis tombée dans la prostitution en mars 1988, après un lourd passé de violences familiales et conjugales. J'ai été abusé par un oncle à treize ans et par un ami de mon père à seize ans. Puis j'ai été mariée deux fois à des hommes extrêmement violents, dont l'un a provoqué ma chute dans la prostitution.

Moi aussi j'ai revendiqué ma liberté de faire ce que je voulais de mon corps, de ma vie, mais la réalité c'est qu'il n'y a pas de liberté : une fois qu'on est entré dans la prostitution on ne peut plus en sortir. Mais il faut bien qu'on se raconte qu'on a librement choisi, autrement on s'effondre. C'est ce qui m'est arrivé quand j'ai pris conscience de ce qui n'allait pas : j'ai fait un burn out et j'ai fait preuve d'un déchaînement de violence contre ma propriétaire. C'est là où je me suis dit qu'il fallait que j'arrête avant de tuer quelqu'un. Tant qu'on est dans la prostitution, on n'a pas d'autre solution que de se raconter qu'on l'a choisie.

En réalité on n'a pas choisi ce que Laurence a décrit tout à l'heure et que j'ai moi aussi vécu : toutes ces déviances sexuelles, c'est ça, le quotidien de la prostitution. Chaque client incruste un peu plus le traumatisme en nous. Je voulais vous raconter une anecdote pour vous expliquer pourquoi je tiens à ce que le client soit pénalisé. Parce que je lui refusais une pénétration sans préservatif, un client m'a menacée d'appeler la police ! C'est lui qui avait le droit d'appeler la police, moi j'avais seulement le droit de me taire.

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