Intervention de Rozenn Hicher

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Rozenn Hicher :

Je vous l'ai dit, j'ai mis dix ans à m'en sortir. Il a fallu que je trouve les moyens de vivre, mais surtout d'apprendre à vivre avec ce que je touchais. J'ai la chance d'avoir un ex-mari qui me verse une pension compensatoire, et d'être atteinte d'une maladie orpheline qui me permet de toucher une pension d'invalidité. Mais la première étape a consisté à mettre en place ces moyens me permettant de vivre à peu près décemment pendant un mois, et à réorganiser mon cerveau pour être capable de me dire : « Je touche cet argent-là le 1er ou le 5 du mois, et je dois vivre trente jours avec ». Cette réorganisation de ma vie a été compliquée – et pourtant, j'ai beaucoup de chance. Car que dire de toutes les femmes dans mon cas qui sont contraintes de vivre avec le RSA ou le peu de moyens qu'on veut bien leur donner ? Aujourd'hui, je vis difficilement : j'ai encore beaucoup de mal à gérer mon budget.

Les femmes qui sont soi-disant volontaires pour se prostituer ont sans doute du mal à se mettre en tête qu'il faut réapprendre à vivre avec les moyens qui sont donnés, et « rentrer dans le cadre ». Cela n'a rien d'évident. La prostitution se vit tous les jours, et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On n'a pas d'argent dans son porte-monnaie : on va dehors, et l'on peut tomber sur un client. Si on a peur du client, on n'a pas peur de manquer : on sait qu'il y aura toujours de l'argent qui va rentrer. C'est ainsi que j'ai vécu pendant vingt-deux ans. Réapprendre à vivre autrement a donc été une vraie gymnastique cérébrale. Je peux vous assurer que cela n'a pas été facile.

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