J'ai passé dix ans à essayer de trouver une solution, mais aussi dix ans à interroger les clients – car cette question me taraudait moi aussi. Comment pouvaient-ils se comporter ainsi ? Étaient-ils en manque, frustrés ? Trois minutes peuvent-elles remplacer des heures d'amour ou un manque affectif ? Je ne le crois pas. La prostitution n'empêchera donc jamais le viol. Au contraire, elle affirme le droit de posséder une femme – et donc de « se servir » gratuitement lorsqu'on n'a pas d'argent. Certains clients arrivaient en me disant qu'ils avaient 10 euros – autant dire rien. Pourtant, ils se donnaient le droit de coucher avec moi pour cette somme. S'ils ne les avaient pas eus, peut-être auraient-ils agressé une jeune fille dans la rue. En ce sens, la prostitution accentue le risque de viol. Je ne pense pas qu'elle puisse le limiter : un homme qui a une pulsion ne va pas appeler une prostituée ; aucun client ne m'a jamais fait part d'un désir de violer. Pour moi, les agresseurs et les violeurs ne sont pas des clients de la prostitution. Ce n'est donc pas son existence qui peut réduire ce risque.
Quant à ceux qui souffrent d'un prétendu besoin affectif, c'est qu'ils n'ont pas envie de s'embêter avec une femme chez eux : ils préfèrent « acheter » une nana qui va soi-disant satisfaire leurs pulsions sexuelles.
La prostitution n'est ni indispensable ni nécessaire. Sa disparition ne fera que remettre les choses à leur place : le client qui a l'impression d'y trouver une solution à son problème sexuel apprendra à vivre autrement. Encore une fois, la prostitution ne réduit pas le nombre de viols : mettre une fille dans chaque rue n'empêchera jamais celui qui veut violer de passer à l'acte.