Intervention de Philippe Boulette Scola

Réunion du 6 novembre 2013 à 9h45
Commission des affaires économiques

Philippe Boulette Scola :

Au sujet de la recyclabilité des matières premières, il est possible de récupérer ces matières à la source après consommation car il existe une filière dédiée. Pour les bouteilles en plastique en PET ou les bouchons, cela est très facile. Pour les pièces automobiles, les pièces d'électro-ménager, la difficulté provient du mélange des matières qu'il faut alors trier au moment du recyclage. La situation va s'améliorer car aujourd'hui, certains produits sont fabriqués avec une seule matière issue de nouvelles molécules alors qu'avant il s'agissait de mélanges de matières. C'est en ce sens que la chimie a une influence très positive sur la recyclabilité des plastiques.

De même, Écodesign Center, à Lyon, s'attache à l'écoconception du produit, c'est-à-dire l'identification de la matière à utiliser dans une optique de recyclabilité. L'objectif est de produire des produits aussi performants techniquement que qualitativement. Des centres de formation et des équipes dédiées incitent les ingénieurs à prendre en compte cet aspect de recyclabilité dans tous les secteurs industriels.

L'image de la plasturgie et sa stratégie de communication sont également fondamentales. Bien souvent, ses méfaits sont davantage connus que ses bienfaits. Ceux-ci sont pourtant nombreux en matière de santé plus performante et économe grâce aux composants termo-plastiques de plus en plus intelligents. Cette intelligence plastique vient aussi du recyclage des matières ou de leur mariage à des composants variés, biodégradables ou biosourcés.

Mais au fond, c'est la formation des jeunes à l'industrie plasturgique qui fait défaut. Cette situation est paradoxale car nous sommes un secteur innovant, performant malgré une complexité des process, qui embauche avec une rémunération plutôt intéressante, tourné vers des produits de qualité, et pourtant, nous ne trouvons pas de main-d'oeuvre. À Oyonnax, les jeunes apprentis, notamment aiguillés par Pôle emploi, sont candidats mais ne restent pas.

Le problème majeur réside dans le manque de passerelles entre le monde pédagogique et le monde industriel. J'ai participé il y a cinq ans à l'élaboration du référentiel bac professionnel, et je me suis rendu compte que nos mondes étaient à l'opposé les uns des autres. Les entreprises de la plasturgie sont prêtes à faire des efforts d'investissement dans des plateformes automatisées, à condition que les besoins de formation du secteur soient compris. Cela est valable pour n'importe quelle filière industrielle en France. En Allemagne, tous les jeunes connaissent une formation générale à l'industrie avant de se spécialiser. En France, il existe un tabou qui fait que l'industrie est rabaissée au plan pédagogique, et attaquée sur les thèmes de la précarité ou du chômage. Cette désaffection des jeunes pour l'industrie et la plasturgie est d'autant plus dommage qu'elle entraîne une baisse des effectifs des entreprises qui ne trouvent pas de main-d'oeuvre. Pourtant, le secteur de la plasturgie bénéficie d'une croissance annuelle de 5 à 7 % et d'un avenir croissant pour les débouchés liés à la vie quotidienne comme la santé et le BTP. Il est donc nécessaire que les hommes politiques et les industriels travaillent ensemble pour construire un avenir pour nos jeunes.

Enfin, une autre difficulté est que l'industrie en général et la plasturgie en particulier sont un secteur très capitalistique. Il faut aujourd'hui beaucoup d'argent pour se lancer dans la filière. Lorsque j'ai commencé, en 1990, je disposais d'un budget de 50 000 francs. Je vous défie de créer votre entreprise industrielle avec seulement 10 000 euros aujourd'hui. Aucun banquier ne vous suit, vous n'êtes même pas pris au sérieux ! C'est pourquoi les outils comme Oséo ou BPI sont indispensables aux PME qui s'internationalisent. Mais ils sont encore insuffisants. L'internationalisation est ce qui permet notamment à ma société de se développer, sur des marchés extérieurs. Mais pour cela, il faut aujourd'hui des moyens colossaux, du temps et des structures adéquates, ce qui exclut de fait nombre d'entreprises de la filière, dont l'effectif moyen est de 36 salariés. Et pourtant, il est souvent nécessaire de se rapprocher de la filiale étrangère d'une société pour parvenir à convaincre la maison-mère en France. Ce paradoxe illustre malheureusement un mal bien français très handicapant pour nos PME.

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