Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 novembre 2013 à 9h35
Commission élargie : santé

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Le budget de la mission « Santé » s'élève à 1,3 milliard d'euros, ce qui est modeste en regard du budget de l'assurance maladie. Cette mission regroupe deux programmes : le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », et le programme 183, « Protection maladie », essentiellement consacré à l'aide médicale d'État, l'AME.

Cette mission n'échappe pas à l'effort demandé à l'ensemble du budget de l'État, même si le montant de ses crédits reste stable par rapport au PLF 2013 qui prévoyait une diminution de 6 %.

La prévention reste bien une priorité de mon ministère, monsieur Goasguen, et cette politique est appelée à monter en puissance dans les années qui viennent. Mais il serait non seulement irréaliste, mais aussi irresponsable d'imaginer qu'on pourrait en l'espace d'un budget transformer notre système de soins, essentiellement curatif. D'ores et déjà cependant, la réforme engagée des agences sanitaires est une première étape vers l'intégration des missions de prévention.

Dans ce domaine, notre priorité est d'améliorer le pilotage du réseau des agences sanitaires, de déployer des politiques fondées sur les connaissances scientifiques disponibles, de réduire la vulnérabilité de la population face à des événements sanitaires graves menaçant la collectivité, enfin d'assurer un bon niveau de formation des professionnels de santé.

Je n'ai absolument pas renoncé à la réforme annoncée des opérateurs de l'État. À partir des rapports qui m'ont été remis en juillet, nous allons engager la réorganisation des agences et des mécanismes de vigilance dans le cadre de la future loi relative à la stratégie nationale de santé qui doit être votée en 2014.

Les agences contribuent à l'effort budgétaire dans des mesures variables. Ainsi, l'agence l'ANSM voit ses moyens préservés pour tenir compte des enjeux de sécurisation du médicament.

Vous avez souligné, madame la rapporteure pour avis, l'importance du rôle de L'InVS en matière de veille sanitaire, même si le travail de l'Institut est moins connu que ce lui des autres agences sanitaires. L'InVS joue en particulier un rôle majeur dans le suivi des cas de coronavirus.

Les crises sanitaires auxquelles nous avons été confrontés ont mis en évidence les fragilités de notre dispositif de veille sanitaire. Nous comptons y remédier à partir des conclusions du rapport Grall et des travaux des professeurs Dominique Costagliola et Bernard Bégaud. Une réorganisation, qui sera précédée d'une large concertation, doit donc permettre une plus forte implication des citoyens, notamment par l'amélioration du dispositif régional de recueil de signaux et d'alertes. Le rapport de Jean-Yves Grall suggère d'opérer des regroupements fonctionnels et de rapprocher les multiples dispositifs régionaux existants des agences régionales de santé. Cette piste est stimulante, à la condition de tenir compte des spécificités de chaque vigilance et des activités cliniques et de recherche des professionnels concernés.

Je suis aussi attachée à l'indépendance de l'expertise via notamment une séparation fonctionnelle claire entre l'expertise et la décision. Les agences régionales de santé devront donc disposer d'outils leur permettant d'exercer au mieux leurs responsabilités en matière de veille et de sécurité sanitaire.

Ensuite, nous devons faire en sorte que l'évaluation des risques soit plus proactive via la mise en place d'une nouvelle gouvernance de la gestion des risques et des crises, ce qui suppose la réorganisation des opérateurs autour d'agences pivots. Nous étudions actuellement les options envisageables.

Il conviendra d'impliquer l'ensemble des professionnels de santé dans la mise en place de ce dispositif de vigilance. Le réseau Sentinelles accomplit une mission très utile, qui doit être mieux identifiée et valorisée, notamment par les agences régionales de santé.

Vous m'avez interrogée sur l'AME, monsieur Goasguen, sujet qui semble particulièrement vous préoccuper. Contrairement à ce que vous avez déclaré à la presse, les informations que vous avez demandées au ministère vous ont été transmises en temps et en heure, le 23 septembre et le 10 octobre. Libre à vous de demander des précisions supplémentaires, mais prétendre comme vous l'avez fait que le ministère ne vous avait transmis aucune information est pour le moins préoccupant : cela signifie, soit que l'Assemblée ne vous a pas transmis votre courrier, ce qui semble peu probable, soit que vous n'avez pas pris le temps nécessaire pour décrypter les documents que le ministère vous a envoyés. De la même façon, vous dites que vous n'avez pas recueilli d'informations satisfaisantes quand, conformément à vos prérogatives, vous êtes venu les chercher au ministère, alors qu'il a été répondu aux questions que vous avez posées.

Je veux rappeler que la vocation de l'AME n'est pas seulement humanitaire : cette aide est surtout d'un instrument de santé publique. Cet enjeu de santé publique a été souligné par tous les rapports consacrés à ce dispositif, notamment le rapport d'information de l'Assemblée nationale consacré en 2011 à l'évaluation de l'aide médicale de l'État dont vous êtes le coauteur, avec M. Sirugue, ou encore le rapport conjoint des inspections générales des finances et des affaires sociales. Ce dernier rapport jugeait contre-productive au regard des enjeux de santé publique la mise en place d'un droit de timbre, qui a pourtant été instauré par le gouvernement précédent.

Et voici ce que l'on peut lire dans le rapport que vous avez cosigné : « S'agissant d'un sujet comme celui de l'AME, parvenir à un constat commun était important. Les rapporteurs souhaitent donc souligner à ce stade que le principe même de l'AME doit être préservé. (…) Les rapporteurs soulignent que des considérations humanitaires comme des impératifs de politique de santé publique imposent le maintien de l'accès aux soins à ces personnes et que les coûts correspondants, bien qu'en hausse, ne suffisent pas à motiver une suppression dont les conséquences sanitaires et financières pourraient être contre-productives. ». Cette dernière préoccupation est partagée par l'ensemble des acteurs du système sanitaire, professionnels de santé ou associations humanitaires : plus les soins sont tardifs, plus les pathologies s'aggravent et présentent des risques d'épidémie, et c'est précisément ce qui fait de l'AME un enjeu de santé publique.

Il y a bien un contrôle de cette dépense, qui porte sur l'effectivité des droits et la réalité des soins. Cent soixante équivalents temps plein à la sécurité sociale sont dévolus à cette tâche et la réorganisation engagée des caisses primaires de l'assurance maladie doit permettre de renforcer les procédures de contrôle. En 2013, quarante et une fraudes de patients ont été détectées, pour un montant de 120 000 euros, et neuf omnipraticiens ont été identifiés comme ayant réalisé un nombre excessif d'ordonnances.

Quant à l'hôpital de Mayotte, il n'entre pas dans le champ de votre mission, puisqu'il ne relève pas du PLF. Cela dit, il n'y a pas d'aide médicale d'État à Mayotte et il n'y a pas de projet d'extension de l'AME à Mayotte.

Enfin, si le dispositif de l'AME fonctionne en Guyane comme en métropole, le droit de timbre n'a pas été mis en place dans les mêmes conditions, d'où un transfert sur des dépenses de soins courants.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. S'agissant de l'AME, la préoccupation de la commission des finances est strictement budgétaire – elle ne concerne pas le fond –, car notre mission est de concourir à la maîtrise des dépenses publiques. Le ministre du budget lui-même – par ailleurs chargé des comptes sociaux – partage cette préoccupation. Or, la question est redoutable : le projet de loi de finances prévoit d'affecter près de 590 millions d'euros à l'AME, mais le rapporteur spécial précise que les dépenses avoisineront 900 millions d'euros. Et à l'origine, alors que le projet de loi de finances pour 2002 prévoyait 80 millions d'euros à cet effet, le coût de l'AME a été de 450 millions d'euros en fin d'année !

Quels mécanismes proposez-vous pour mieux contrôler la dépense afin que nous ne nous retrouvions pas avec un dépassement de 300 millions d'euros ? Comment le ministre du budget va-t-il financer ce dépassement ?

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