Le CFCV anime la permanence téléphonique Viol Femmes Information – 0800 05 95 95 – depuis maintenant 29 ans. Plus de 45 600 victimes ont appelé cette permanence après un viol ou une agression sexuelle. Beaucoup nous ont rapporté les mots prononcés par leurs agresseurs pour les humilier : presque toutes ont été traitées de « putes » ou de « salopes ».
Plusieurs études internationales établissent que la majorité des femmes et des hommes prostitués ont été victimes de maltraitance et d'agressions sexuelles dans leur enfance ou leur jeunesse. Une étude menée auprès de 150 femmes ayant pris contact avec notre permanence et s'étant trouvées à un moment de leur parcours en situation de prostitution a montré que près de 70 % avaient été violées lorsqu'elles étaient enfants et que 60 % avaient été « mises sur le trottoir » par leurs parents – ou l'un de leurs parents. Trop de pères qui violent leur petite fille, non contents de cette exaction, sont, hélas, prêts à en faire profiter un voisin ou un ami contre un petit bénéfice : 30 % des femmes de cette étude ont dit avoir vécu cela.
Le viol se retrouve dans toutes les violences faites aux femmes – violences conjugales, mariages forcés, mutilations sexuelles et prostitution. Sans compter que l'on pourrait considérer comme un viol tout acte sexuel imposé à une personne qui ne le désire pas, même s'il a lieu contre de l'argent. Il arrive très fréquemment que des personnes prostituées soient violées au sens propre, ce qu'on leur fait allant au-delà du « contrat ». Elles sont aussi très souvent victimes de coups et blessures et le nombre de meurtres est beaucoup plus élevé parmi les prostituées que dans la population féminine en général.
La prostitution fait fi du désir de la personne prostituée. C'est comme si payer l'acte sexuel faisait oublier que celui-ci suppose deux désirs qui se rencontrent. Il est grave de laisser ainsi penser que payer autorise à passer outre le désir de l'autre.
Étant également depuis plus de trente ans médecin dans un centre de protection maternelle et infantile (PMI) en Seine-Saint-Denis, chargée de la planification familiale, j'ai constaté, lors de mes déplacements sur le terrain, que beaucoup de collégiens et de lycéens pensent encore aujourd'hui qu'il n'est pas important que la fille ait envie ou non du rapport sexuel. Autoriser la prostitution revient à leur donner raison sur un plan symbolique. J'ai constaté que les nombreux mineurs emprisonnés pour agression sexuelle que j'ai rencontrés, dans le cadre du programme de prévention des agressions sexuelles à l'encontre des enfants que je conduis également, avaient de telles idées dans la tête. Le premier endroit où ils les ont apprises, c'est souvent, hélas, dans leur chair, puisque beaucoup ont été eux-mêmes victimes d'agressions sexuelles dans leur enfance. Mais de telles idées ont pu aussi leur être inculquées sur des radios comme Skyrock ou Fun Radio. Lorsqu'on leur explique qu'une fille n'aime pas être pénétrée par plusieurs garçons « par tous les trous en même temps », ils répondent que si et qu'ils l'ont d'ailleurs entendu prôner sur Fun Radio – ce que je peux confirmer pour avoir écouté sur cette radio diverses émissions sur la sexualité destinées aux jeunes. Interdire par la loi l'achat d'une relation sexuelle aurait une puissante portée éducative.