Intervention de Michel Pouzol

Réunion du 6 novembre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol :

Le basculement en cours de l'imprimé vers le numérique et la crise larvée que connaît le secteur depuis plusieurs décennies obligent à optimiser les aides de l'État, à l'heure où de plus en plus de lecteurs, saisis par la culture de l'immédiateté, se détournent de la presse traditionnelle, qu'elle soit nationale ou régionale. Le « monde ancien de la presse papier », selon la formule issue du rapport sur les aides à la presse rendu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 par notre collègue Michel Françaix, subit une mutation profonde et qui perdure. La mission à laquelle notre collègue a participé a dressé un bilan clair de la situation économique du secteur et proposé une évolution des aides d'État dont il bénéficie. Le PLF pour 2014 tient compte de certaines de ses préconisations afin de garantir aux acteurs de la presse le soutien de l'État, qui doit permettre de conforter son pluralisme, de contribuer au développement de sa diffusion et d'encourager la modernisation de ses entreprises.

Nous l'avions constaté l'an dernier : toute tentative de réforme de ces aides, notamment de celles qui touchent à la distribution, se heurte à bien des conservatismes et nourrit un climat anxiogène pour un secteur fragilisé jusque dans son modèle. L'une des préconisations de la mission était de soutenir la profession par un régime uniforme de TVA au taux de 2,1 % et d'aligner le régime de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée. Le PLF pour 2014 maintient le taux « super-réduit » de TVA dont bénéficie l'ensemble de la presse. Par ailleurs, afin de remédier à une situation paradoxale, le Gouvernement s'est engagé à ramener à 2,1 % en 2014 le taux de TVA appliqué à la presse en ligne, qui s'élève actuellement à 19,6 %. La ministre prouve ainsi sa détermination à soutenir activement un métier en pleine évolution.

L'État continuera également d'accompagner la restructuration de Presstalis, qui aurait sans doute cessé son activité sans son intervention. La médiation qui a été menée et l'accord qui en a découlé l'année dernière ont évité une catastrophe à la filière et préservé les 30 000 marchands de journaux, essentiels au système de vente traditionnel au numéro, qui dépendent de la distribution par Presstalis. Le pluralisme reste donc garanti, de même que la liberté de la presse écrite distribuée sur notre territoire. Toutefois, comme dans tout le secteur de la distribution, la vigilance reste de mise : les équilibres sont fragiles et les dispositifs doivent être clarifiés.

Le rapport de la mission coordonnée par Roch-Olivier Maistre suggérait également de réformer le fonds stratégique pour le développement de la presse, chargé d'attribuer les aides aux investissements, afin de favoriser les projets d'avenir, l'innovation et la mutualisation. De fait, les différentes sections du fonds seront fusionnées. L'idée est de réunir plusieurs types d'aides, aujourd'hui éparses, pour en faire le principal levier d'aide à la transformation des éditeurs de presse.

J'appelle particulièrement votre attention sur la rémunération des kiosquiers et marchands de journaux, très pénalisés par la baisse des ventes et qui peinent à maintenir leur activité à l'ère du tout numérique. En 2012, 1 182 points de vente – maisons de la presse, kiosques, espaces dédiés à la presse dans les commerces – ont disparu, et les neuf premiers mois de 2013 n'ont pas été plus reluisants. Certes, le solde des fermetures et des ouvertures aboutit à une ouverture nette de 234 points de vente, ce qui laisse entrevoir une inversion de la tendance ; mais, en réalité, les points de vente spécialisés ferment et le phénomène s'aggrave. Ainsi, depuis le début de l'année, 81 librairies-papeteries incluant des espaces presse ont fermé, et les enseignes de presse ont perdu 56 points de vente. Le découragement de la profession, l'une des moins rentables du commerce de détail, appelle des mesures d'urgence. Afin de la soutenir, 4 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances ; c'est une nouvelle encourageante, même s'il faudra réfléchir à des sources de financement plus pérennes.

L'année 2013 est par ailleurs marquée par la renégociation du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFP. Il s'agit en particulier de clarifier les relations financières entre l'État et l'Agence, en distinguant, dans le soutien public qui lui est apporté, les abonnements proprement dits de la compensation des missions d'intérêt général que la loi « Warsmann » lui a confiées. Nous attendons donc avec impatience les conclusions du rapport de la mission parlementaire confiée à Michel Françaix en septembre dernier et chargée de proposer un nouveau modèle qui permette à l'AFP de garantir son indépendance éditoriale et de trouver des sources de financement durables.

Nous ne pouvons que nous réjouir d'un budget qui donne toute sa chance au numérique, qui préserve la diffusion de la presse écrite par tous les canaux, encourage l'innovation et la mutualisation, instaure des outils de gestion, améliore la transparence et le contrôle. Il faudra réfléchir plus avant à l'avenir de notre presse, sans idées préconçues ni tabou : c'est le chantier qui nous attend pour les années à venir. Pour l'heure, le groupe SRC votera naturellement ces crédits.

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