Je présenterai d'abord, brièvement, les grandes lignes du budget du programme 334, « Livres et industries culturelles ». Dans un contexte budgétaire contraint, ce programme connaît une légère diminution – de 2 % – de ses crédits de paiements, mais l'essentiel des actions est préservé et la majeure partie des subventions sont reconduites. Cet effort doit être salué.
Le programme 334 comprend deux actions. La première, Livre et lecture, vise à favoriser le développement de la création littéraire par l'entremise du Centre national du livre (CNL), dont le budget s'élèvera à 36,4 millions d'euros en 2013, et à encourager la pratique de la lecture. Dans ce domaine, l'État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote, par l'intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la Bibliothèque publique d'information (BPI). Les crédits de la BnF sont consacrés d'une part à la rénovation du quadrilatère Richelieu, dont le coût ne cesse de croître en raison de travaux imprévus, d'autre part à la numérisation des oeuvres détenues dans ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre ; en juillet 2012, la bibliothèque numérique Gallica contenait 1,8 million d'ouvrages. La subvention de la BPI pour charges de service public est stable.
La seconde action de ce programme, Industries culturelles, finance les politiques transversales en faveur du cinéma, du jeu vidéo et de la musique enregistrée, ainsi que la lutte contre le piratage des oeuvres culturelles en ligne, par l'intermédiaire d'une autorité publique indépendante, HADOPI. La forte diminution des crédits de paiements – en baisse de 15,3 % – tient à réduction de la subvention versée à HADOPI ; elle ne saurait occulter la reconduction des crédits en faveur de la musique enregistrée, du jeu vidéo et du cinéma.
J'ai souhaité consacrer la seconde partie de mon rapport au soutien à la chaîne du livre et à l'accès à la lecture. Le soutien à la chaîne du livre se caractérise par un ambitieux plan de soutien à la librairie, dont je me félicite. Nous savons, depuis que s'est tenue la commission élargie, qu'il ne s'agit pas d'un effet d'annonce : des engagements ministériels ont été pris et ce plan est financé. Il cible les aides vers les deux domaines dans lesquels les demandes sont les plus importantes : les besoins ponctuels de trésorerie des libraires et la transmission des fonds de commerce. Ainsi les librairies rencontrant des difficultés pour accéder au crédit bancaire pourront-elles disposer d'un fonds d'avances en trésorerie par le biais de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). D'autre part, le fonds de soutien à la transmission des commerces créé en 2008 et géré par l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) sera renforcé, car de nombreux libraires partiront en retraite. Cela permettra notamment que les librairies du réseau Chapitre puissent, en certains lieux, trouver des repreneurs.
J'en viens à l'accès à la lecture, sujet sur lequel j'ai choisi d'insister. En cette année où la lutte contre l'illettrisme, qui touche 3,1 millions de nos compatriotes – sachant que près de 10 % des jeunes ont des difficultés de lecture, et que 2 % ne savent pas lire –, a été érigée en grande cause nationale, il m'a semblé important de rappeler combien le développement de la lecture publique participe de l'insertion sociale et de la prévention de la précarité.
Bien que les politiques de lecture publique relèvent majoritairement des collectivités territoriales et principalement des communes, l'État conserve un rôle d'impulsion dynamique et d'accompagnement dans ce domaine. Il s'est attaché à nouer un partenariat avec les collectivités territoriales et les associations. Ce dialogue fructueux s'est traduit en particulier par un dispositif qui rencontre un vif succès : les contrats territoire-lecture. En 2013, 1,3 million d'euros ont été mobilisés à cet effet par le biais des directions régionales des affaires culturelles (DRAC). À titre d'exemple, dans le Pas-de-Calais, 61 millions ont été budgétés en 2013. Dans ce département durement frappé par la précarité, les acteurs de la vie politique et culturelle ont bien compris l'intérêt de la lecture pour lutter contre l'exclusion. Ces partenariats entre l'État et les collectivités territoriales permettent de mobiliser tous les acteurs de la lecture sur un territoire.
L'État soutient également les associations qui, telles, ATD Quart Monde et ses bibliothèques de rue, ou Lis avec moi et ses activités de lecture à voix haute, s'investissent pour donner le goût de la lecture à des publics défavorisés, empêchés ou souffrant de handicap – notamment de cécité. Je me réjouis que, malgré la contrainte budgétaire, les subventions à ces associations, qui font des miracles avec peu de moyens, aient été reconduites ; elles sont cruciales pour elles.
Le réseau des bibliothèques municipales et départementales demeure le levier principal du développement de la lecture publique. Avec 7 100 bibliothèques et 9 200 points d'accès au livre, soit 16 300 établissements de lecture publique, la France peut s'enorgueillir d'un maillage dense et actif, ce qui participe de l'exception culturelle. Selon les données d'activité des bibliothèques municipales recensées en 2011, 55 millions de Français peuvent accéder à un établissement de lecture publique ; 83 % ont accès à une bibliothèque et 17 % à un point d'accès au livre. Entre 2008 et 2012, 623 nouveaux établissements ont été mis en service. Une réserve cependant : le maillage est insatisfaisant dans les départements d'outre-mer.
Mais ce formidable service public culturel de proximité doit évoluer pour s'adapter aux usages. Pour répondre aux attentes, les bibliothèques ne doivent plus être seulement des lieux de savoir et d'études mais aussi des lieux de vie. Pour qu'elles deviennent plus attrayantes et plus accessibles, une mutation, sinon une révolution culturelle, sera nécessaire dans ces établissements. Selon une étude réalisée par le conseil général du Val d'Oise, pour qu'une bibliothèque crée son public, plusieurs critères doivent être remplis : une localisation attractive, un agencement convivial des espaces et une bonne amplitude des horaires d'ouverture ; il importe aussi de diversifier l'offre documentaire au-delà des livres. Un nouveau métier s'offre aux bibliothécaires : la médiation. À l'heure de l'Internet, les informations sont facilement accessibles, mais encore faut-il savoir où les chercher, comment les canaliser et comment se les approprier. C'est là que le bibliothécaire a toute sa place. Cela signifie aussi que la qualification du personnel doit être renforcée. Dans le Pas-de-Calais, la formation a été étendue aux bénévoles, très actifs dans le fonctionnement des petites bibliothèques en zones rurales.
Les bibliothèques sont aussi le lieu de l'apprentissage de la citoyenneté car elles peuvent aider à la formation, à la recherche de l'emploi, à l'insertion des populations précaires. La BPI en est l'exemple le plus abouti. Salle d'études et bibliothèque encyclopédique, elle offre aussi des ateliers d'autoformation : apprentissage des langues ou du code de la route, ateliers d'initiation à l'Internet pour les personnes âgées, rencontres avec des associations d'étrangers ou de personnes sans domicile fixe pour les aider à rechercher un emploi…
Enfin, les bibliothèques doivent relever doublement le défi du numérique en s'informatisant et en proposant des services et des collections de documents numériques. La possibilité de s'inscrire en ligne et d'effectuer les opérations de réservation et de renouvellement d'ouvrages à distance doit progresser. La bibliothèque de demain devra offrir l'accès à des collections numérisées d'imprimés, de manuscrits, de documents iconographiques et l'accès à la presse en ligne et aux livres numériques. La lecture doit être accessible en tous lieux du territoire, à tous publics, sans appréhension, avec envie et plaisir.
En conclusion, je vous invite, chers collègues, à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 334 « Livres et industries culturelles ».