Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 8 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

La grande question latente de ce budget, monsieur le ministre, c’est l’architecture de l’administration préfectorale que vous projetez, singulièrement le remodelage des sous-préfectures. Ce débat, c’est vous-même qui l’avez ouvert, dès votre prise de fonction, en recevant les préfets place Beauvau le 5 juillet 2012 et en annonçant « un exercice largement inédit visant à redéfinir les missions et l’organisation des sous-préfectures ».

Vous avez par la suite lancé une mission de réflexion en octobre 2012 pour tenter d’étouffer un début de polémique, ou du moins d’inquiétude, sur ce sujet. Il faut cela dit avoir l’honnêteté de reconnaître que cette réflexion est ancienne, que c’est un débat qui a été ouvert avant vous.

Cette réflexion est légitime et nécessaire : légitime, parce que le paysage institutionnel de la France a changé ces trente dernières années sous l’effet de la décentralisation, et on doit en tenir compte ; nécessaire, parce que nous sommes d’accord avec vous sur le fait qu’il doit y avoir une réduction du format de nos administrations.

Cette réduction du format, vous la poursuivez scrupuleusement, en maintenant la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – tant pis au passage pour ceux qui ont cru en la promesse du candidat François Hollande, promesse no 10 pour ceux qui veulent s’y référer, de revenir sur ce dispositif ! Mais, en refusant de nous dévoiler vos plans sur la réorganisation des sous-préfectures, vous créez une situation parfois difficile, tendue, dans vos services et vous alimentez toutes les inquiétudes.

La situation est difficile parce que vous avez supprimé 450 postes en 2013 et que vous allez en supprimer 550 en 2014, 1 000 postes en deux ans dans le réseau des préfectures et des sous-préfectures alors que vous n’engrangez plus le bénéfice de la suppression de tâches, comme le transfert des carte grises des véhicules neufs. Cela bouleverse au quotidien l’organisation du travail de vos agents et il est urgent d’engager une réforme structurelle.

Or cette réforme reste dans vos cartons. Un rapport vous a été remis au printemps par MM. Rebière, Sapin et Berthier, mais il n’a toujours pas été rendu public. Vous n’osez probablement pas le publier parce que votre sens politique de ministre de l’intérieur, qui est forcément grand, vous permet d’anticiper que ce ne sera pas très populaire, mais avouez que cela à de quoi inquiéter. On parle toujours d’une cinquantaine de sous-préfectures qui auraient vocation à être supprimées sur les 238.

Il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, et j’imagine que les rapports hebdomadaires des préfets vous alertent, que les territoires ruraux commencent à découvrir les conséquences de votre redécoupage cantonal et que l’inquiétude commence à monter.

La suppression des cantons dans les territoires ruraux va faire disparaître une réalité plus profondément ancrée dans le coeur des Français que votre gouvernement n’a bien voulu l’admettre. Les habitants de ces territoires savent que la carte de nos services publics – les gendarmeries, les collèges, les maisons de retraite, La Poste –, est très largement calée sur celle des cantons. Or avec des codes postaux qui seront bouleversés, on va faire perdre encore un peu de leurs repères aux territoires ruraux et sans doute les délaisser un peu plus.

La réorganisation de l’administration préfectorale ne doit pas se faire, elle aussi, aux dépens des territoires ruraux ou périurbains, car c’est dans ces territoires, au contraire, que les élus locaux ont le plus besoin de la présence de l’État.

Lors de nos échanges en commission élargie, vous nous avez un peu rassurés en indiquant que vous partagiez cette analyse et que vous envisagiez aussi des suppressions de sous-préfectures dans les zones urbaines. Cela nous a un peu rassurés, mais pas totalement – les urbains notamment ont peut-être de quoi être inquiets.

L’expérimentation que vous demandez aux préfets d’Alsace et Lorraine sera forcément instructive, mais d’une valeur relative puisque ces régions sont très atypiques par le grand nombre d’arrondissements qu’elles comptent.

Pour vous excuser de nous cacher votre plan, vous nous avez dit en commission, avec cette forme de franchise, ce souci de vérité que nous vous connaissons, qu’il serait naïf d’ignorer l’impact des échéances électorales. C’est donc l’approche des municipales qui vous empêche de dévoiler cette carte. Elle doit vraiment faire peur !

Cette absence de projet nous faire craindre aussi un dépeçage continue de l’échelon départemental. Nous avons besoin de préfets de département forts, notamment pour accélérer les procédures administratives qui, conduites à l’échelon régional par les DREAL ou les DRAC par exemple, sont parfois un peu lentes. Le délai que vous donnez – 300 jours pour l’instruction d’un dossier d’ICPE – est assez inquiétant.

Les territoires ruraux ont besoin d’être rassurés, de savoir que l’État est à leurs côtés, de pouvoir compter sur la capacité d’anticipation des membres du corps préfectoral pour faire face aux difficultés économiques, je pense notamment à la Bretagne ces jours-ci. Or faute de transparence, en refusant de nous dévoiler votre plan, vous ajoutez à la perplexité et à l’inquiétude.

Pour cette raison, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

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