Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 8 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le budget dédié à la politique des territoires présente l’indéniable avantage de vouloir « soutenir le développement durable des territoires dans une perspective de développement solidaire et équilibré ». Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif largement partagé par l’ensemble de nos compatriotes. Cette ambition est aussi très largement portée par les élus de proximité qui participent à la conduite des affaires de la nation dans un contexte budgétaire particulièrement contraint et dont nous ne cesserons de dire les profondes inquiétudes qu’il suscite.

Madame la ministre, cette pression budgétaire dont nous connaissons parfaitement les origines, ne saurait vous être imputée puisque nous avons aujourd’hui la très nette confirmation qu’elle n’est rien d’autre que la résultante de dix années d’une politique publique qui a péché par absence de clairvoyance et qui a cruellement manqué d’attention à l’égard de certains territoires défavorisés, voire carrément déshérités.

Toutefois, et pour entrer dans le coeur du sujet, nous espérions ardemment que, fort de ce constat, le gouvernement que nous soutenons aurait accepté de revisiter certains concepts, notamment la notion de développement solidaire et équitable. Or l’analyse détaillée des propositions de répartition de crédits laisse à penser que les mesures correctives susceptibles de rompre avec les déséquilibres tant décriés ne sont pas encore à l’ordre du jour.

Sans chercher à remettre en cause les priorités arrêtées par le Président de la République, à savoir la sécurité, la jeunesse et la justice, notre groupe demeure persuadé que d’autres choix étaient possibles car il s’agit bien de démontrer que la République est encore capable d’apporter à chacun de ses territoires les éléments budgétaires propres à lui garantir un développement durable dans un environnement national harmonieux. On ne peut donc que regretter la persistance de certains déficits chroniques, qui ont pour corollaire un déséquilibre permanent entre les territoires. En effet, comment pourrait-il en être autrement lorsque la lecture de ce budget laisse entrevoir le maintien à niveau constant des crédits de certains programmes, tandis que d’autres voient chuter lourdement leurs dotations.

Cela étant, comment ne pas saluer l’annonce de la création d’un commissariat général à l’égalité des territoires, qui, de notre point de vue, constitue une traduction tangible de la volonté de favoriser leur développement équilibré et durable, mais sans en même temps mettre en exergue la faiblesse, voire la quasi-absence de concertation avec les élus locaux, que n’ont eu de cesse de déplorer les députés de notre groupe ?

Mais, me direz-vous, madame la ministre, nous allons devoir composer avec les moyens alloués. C’est ainsi que ce budget qui baisse de 7 %, soit d’environ 20 millions d’euros, vient confirmer, à votre corps défendant, la logique de dépérissement de certaines collectivités territoriales, logique qui s’appuie essentiellement sur deux principes largement éprouvés : d’une part, les multiples transferts de compétence non compensés par les moyens idoines, et, d’autre part, la mise en concurrence des territoires, déjà enclenchée par le gouvernement précédent. Dès lors, il nous est difficile de voir où se situe le « développement équilibré et solidaire » promis par cette mission.

Par ailleurs, nous regrettons que les pôles de compétitivité drainent à nouveau des sommes aussi importantes. Autant ce choix nous paraît louable a priori, autant ses effets semblent contrarier la lutte contre l’exclusion et la fracture entre territoires. Il n’aura en effet échappé à personne que la quête systématique de l’attractivité et de la compétitivité soumet les territoires à une rude concurrence, les obligeant à mener bataille au lieu de favoriser des logiques de coopération.

Malgré la stagnation du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », nous tenons tout de même à saluer les efforts consentis au titre du Plan France Très Haut Débit, qui permettront, je l’espère, d’endiguer le risque d’exclusion numérique dont pâtissent indéniablement l’ensemble des territoires des outre-mer. Cette exclusion serait particulièrement incompréhensible en Guyane, d’où sont lancés les satellites permettant au monde entier de bénéficier des dernières avancées en matière de communication. Les citoyens français de Guyane n’ont pour l’instant accès qu’à un réseau obsolète, qui plus est à des tarifs prohibitifs.

A contrario, le programme « Interventions territoriales de l’État » est en chute de 11 %. Pourtant ce poste soutient le plan de gestion des risques de contamination des sols par le chlordécone tant en Martinique qu’en Guadeloupe, et finance également le plan de lutte contre les algues vertes en Bretagne et le programme exceptionnel d’investissement en faveur de la Corse. Certains de ces projets obtiennent de bons résultats que nous saluons. Mais si les algues vertes semblent reculer en Bretagne, tel n’est pas le cas des pollutions au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, où il faudra donc accentuer les efforts. Dans le même registre, quid de l’adduction en eau potable de certains villages de Guyane où les habitants consomment des produits contaminés lourdement par le méthyl-mercure engendré par les sites d’orpaillage clandestin, ce qui entraîne malformations de naissance et comportements à tendance suicidaire chez nos compatriotes amérindiens ?

Au final, nous ne pouvons que constater et regretter le recul forcé des ambitions de l’État. C’est pourquoi si, à titre personnel, je soutiens globalement le projet de loi de finances pour 2014, je m’abstiendrai lors du vote du budget de cette mission tandis que les autres députés du groupe GDR y seront globalement défavorables.

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