Je vais intervenir, à mon tour, sur les problèmes que connaissent les jeunes agriculteurs pour leur installation, sur les questions qui ont trait à l'enseignement agricole, sur la question des droits sociaux des agriculteurs et sur le fonctionnement des filières.
En ce qui concerne l'installation des jeunes agriculteurs, comme M. Hervé Gaymard l'a indiqué, ces derniers n'arrivent pas à accéder au foncier. Cette difficulté dans l'accession est liée à plusieurs causes :
– il n'y a pas assez de terres disponibles sur le marché ; à cause de la faiblesse des retraites, les exploitants ne vendent pas ;
– les jeunes manquent de ressources propres ; à part la DJA, c'est-à-dire la Dotation aux jeunes agriculteurs, ils ne disposent souvent d'aucun apport personnel ;
– les prêts bancaires à taux bonifiés accordés aux jeunes exploitants (sauf à La Réunion) sont pour ainsi dire inexistants ; cela veut dire que, si le candidat à l'installation n'a pas la garantie de ses proches, le projet qu'il développe, même avec l'aide de la DJA, risque fort de connaître un échec dans les cinq ans qui suivent l'installation ;
– enfin, il y a des problèmes d'indivision qui bloquent les successions.
Pour faire face à ces problèmes (indépendamment de la réponse aux indivisions sous la forme de société, proposition qui vient d'être mentionnée par M. Hervé Gaymard), le rapport a exploré trois grandes pistes :
– tout d'abord, il est possible d'améliorer l'accès au foncier en améliorant l'accès au crédit ; il faudrait que l'État fournisse des garanties réelles pour les prêts des candidats à l'installation ;
– dans le cadre du PIDIL (programme pour l'installation des jeunes en agriculture et de développement des initiatives locales), on peut aussi prévoir une garantie à l'agriculteur cédant s'il cède son bien immobilier à un jeune ;
– enfin, on peut faciliter le « passage de témoin » entre un agriculteur âgé et un plus jeune, en adaptant à l'agriculture, et spécialement à l'agriculture ultramarine, les contrats de génération : il conviendrait d'étendre l'âge d'accès à ces contrats à 35 ans dans l'agriculture ultramarine, ce qui est l'âge moyen d'installation outre-mer.
En second lieu, j'aborderai la question de l'enseignement technique agricole car M. Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, nous a incités à le faire, au cours de son audition devant la Délégation, le 14 mai 2013.
Le rapport préconise de retrouver une grande ambition pour les lycées professionnels agricoles (LPA). Ils doivent être des centres de référence et de structuration pour la ruralité.
Le rapport préconise aussi d'améliorer la « culture du terrain » dans les LPA, notamment avec l'accroissement des enseignements effectués au sein des fermes agricoles qui sont souvent associées à ces derniers.
Par ailleurs, il convient d'accroître les liens des lycées et des collèges avec le monde de la recherche et les réseaux RITA (Réseaux d'innovation et de transfert agricole).
Enfin, il est également nécessaire de créer des modules de formation sur les questions liées à l'installation dans les CFA et dans les centres de formation continue pour adultes (car ceux qui veulent accéder à l'installation ont souvent accompli d'autres cursus auparavant, de telle sorte qu'ils fréquentent les CFP).
En troisième lieu, le rapport s'est préoccupé de l'amélioration des droits sociaux des agriculteurs.
En ce domaine, il paraît nécessaire d'agir prioritairement sur les droits sociaux des salariés agricoles en prévoyant à leur intention un système obligatoire de retraite complémentaire.
À plus long terme, quand les finances publiques seront restaurées, on peut aussi envisager un alignement des retraites des exploitants agricoles – « retraites » s'entendant comme la somme des retraites de base et des retraites complémentaires, à carrière complète – sur le SMIC.
Enfin, en dernier lieu, le rapport a étudié les difficultés des filières agricoles. Globalement, celles-ci sont au nombre de trois :
– en dépit de leurs efforts pour promouvoir une agriculture fondée sur des pratiques écologiques, les filières manquent de produits phytosanitaires homologués ;
– les organisations professionnelles des filières de diversification et les coopératives manquent de trésorerie ;
– enfin, les filières exportatrices traditionnelles – compte tenu de la concurrence internationale et des surcoûts de production liés à la situation spécifique des régions ultrapériphériques – restent très dépendantes des crédits du POSEI (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité), c'est-à-dire, en fait, des crédits qui relèvent du « premier pilier » de la politique agricole commune (PAC).
Les réponses apportées par le rapport à ces trois types de difficultés sont les suivantes :
– s'agissant du fonctionnement des filières, il est tout à fait évident que l'aide du POSEI est incontournable ; il faut consolider ces crédits ; il faut bien veiller à éviter le « découplage » des crédits du POSEI avec ceux de la PAC ; et enfin, il faut compenser par des crédits nationaux les diminutions éventuelles concernant certaines filières ;
– il faut augmenter les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires utiles à l'agriculture ultramarine ;
– il faut aussi faire des efforts – efforts qui pourraient être éligibles au POSEI – en démarche qualité et en promotion des produits locaux.
Enfin, plus globalement, il convient d'améliorer la coordination en matière régionale.
On a vu précédemment que la CDCEA était un organisme qui apportait toute satisfaction. Il serait possible d'y adjoindre un comité départemental ou régional pour coordonner la politique locale en matière d'installation ; un comité régional qui exerce le suivi des crédits du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) – ces crédits devant être prochainement régionalisés – et un comité régional qui fédère les actions de communication et de promotion agricole.
Il ne s'agit pas de multiplier les comités à l'envie ; mais il paraît nécessaire d'assurer de la cohérence, à l'échelle des territoires, pour éviter les doublons et attribuer les aides de manière raisonnée, à un moment où les ressources financières sont rares et où leur allocation doit être effectuée de manière très fine.
En dernier lieu, M. Hervé Gaymard et moi-même tenons à souligner que, lors de l'institution de ces organismes régionaux, une attention très grande devra être apportée à la gouvernance. Il conviendra, en ce domaine, de favoriser les acteurs du monde agricole. Ils savent, en effet, ce qui est bon pour l'agriculture.
Nous tenons à réaffirmer également l'importance du poids de l'agriculture dans les économies locales. Ce poids doit être augmenté en maintenant les cultures traditionnelles et en renforçant le développement des filières de diversification et endogène. Cette ambition doit être partagée et portée par une volonté politique locale, nationale et communautaire.