Intervention de Philippe Martin

Réunion du 7 novembre 2013 à 15h00
Commission élargie : Écologie, développement et mobilité durables

Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Le périmètre budgétaire de mon ministère a souvent été réduit ces derniers temps aux 7 milliards d'euros de crédits de la mission « écologie ». Si ce chiffre n'est pas inexact, il conviendrait, afin d'être plus précis sur les moyens que le ministère est en mesure d'engager, d'y ajouter un budget annexe, trois comptes spéciaux et une part significative de ressources directement affectées à des opérateurs tels que l'ADEME, les agences de l'eau ou l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Au total, ce sont ainsi 17 milliards d'euros qui constituent les moyens d'action de mon ministère et des établissements qui sont placés sous sa tutelle. Si ces dotations sont indéniablement en baisse, celle-ci est limitée à 2 % par rapport à 2013. Encore me faut-il ajouter que cette diminution ne prend pas en compte les crédits prévus dans le deuxième volet du programme d'investissements d'avenir – le PIA2 – dans le cadre duquel 2,3 milliards d'euros seront directement consacrés à la transition écologique. C'est d'ailleurs le 9 juillet dernier que le Premier ministre a présenté ce PIA2 : pour la première fois, 50 % des investissements auront une vocation écologique et les projets seront jaugés à l'aune de l'écoconditionnalité, ce qui garantit le fléchage de ces crédits d'investissement en direction de la transition écologique.

Comme tous les autres, mon ministère réalisera des économies, contribuant ainsi à l'effort de rétablissement des comptes publics. M. Sermier évoquait tout à l'heure l'état catastrophique de nos finances publiques : je ne lui ferai pas l'affront de lui rappeler que, si tel est le cas, ce n'est probablement pas sans rapport avec les 600 milliards d'euros d'augmentation de la dette dont nous avons hérité lorsque nous sommes revenus aux affaires. Afin de contribuer à cet effort d'économie, nous avons donc défini les priorités de notre action, en mettant l'accent sur la biodiversité, la transition énergétique et la sécurité des biens et des personnes. De même, nous avons hiérarchisé les grands projets d'infrastructures en favorisant les transports du quotidien. Là encore, j'entendais tout à l'heure M. Mariton me parler de l'atterrissage du SNIT. Or nous pourrions demander à Philippe Duron de nous indiquer ce qu'il a trouvé à son arrivée – lui qui s'est occupé du programme « Mobilité 21 » : à savoir un SNIT fondé sur des projets pharaoniques, mais sans le moindre moyen de financement. Enfin, nous contribuons avec nos opérateurs à l'effort de stabilisation des emplois publics et de maîtrise des taxes affectées.

J'évoquais à l'instant les ressources des établissements publics placés sous ma tutelle : or le budget de l'AFITF aurait dû être abondé à compter du 1er janvier 2014 par les recettes de la taxe poids lourds, autrement appelée écotaxe. Vous pourrez revenir plus en détail sur cet aspect avec mon collègue Frédéric Cuvillier dans la seconde partie de cette réunion. Je tiens néanmoins à affirmer ici mes convictions de ministre de l'écologie sur ce sujet. J'estime tout d'abord que le Premier ministre a eu raison d'accorder la priorité à l'apaisement en suspendant le dispositif le temps de renouer les fils du dialogue. Qui pourrait reprocher à un gouvernement d'être à l'écoute de son pays et d'une région en crise de l'emploi ?

Ma deuxième conviction est que la taxe est un dispositif pertinent dans son principe. D'ailleurs, s'il était présent, le président Carrez approuverait sans doute cette affirmation, lui qui a à la fois voté la loi du 3 août 2009 instituant le principe de l'écotaxe, puis l'article 153 de la loi de finances pour 2009 qui en a défini les contours. Je rappelle ce principe : il consiste à faire financer l'entretien des infrastructures et le report modal par les usagers de la route, y compris les ressortissants d'autres pays. Il est appliqué avec succès ailleurs en Europe, et la France doit donc pouvoir y parvenir également, même si des adaptations sont nécessaires, qu'il faut examiner avec sang-froid et sans esprit de polémique. C'est, je pense, ce que nous pourrons faire bientôt.

Ma troisième conviction est qu'il ne faut pas se tromper de combat. La taxe poids lourd a constitué l'abcès de fixation d'une crise et d'un malaise bien plus profonds qui ne sont pas directement liés à son entrée en vigueur, puisque celle-ci n'est pas encore intervenue. Voilà pourquoi je considère que, pour la Bretagne comme pour le reste du pays, la transition écologique n'est pas un problème supplémentaire, mais au contraire une solution d'avenir.

J'en viens aux observations et aux questions des rapporteurs auxquelles je vais m'efforcer de répondre le plus précisément possible. Le cas échéant, dans les heures qui viennent, mes collaborateurs leur transmettront par écrit tout complément utile.

Geneviève Gaillard a évoqué la politique de l'eau et de la biodiversité. Le Premier ministre avait pris, sur la durée du budget triennal, un engagement consistant à maintenir les moyens du programme 113 – « Paysages, eau et biodiversité ». Il est tenu en 2014 comme en 2013, avec une dotation légèrement supérieure à 278 millions d'euros. Sans entrer dans le détail, je précise qu'une attention particulière sera portée au programme Natura 2000, dont les crédits augmentent de 10 %, soit un total de 32 millions d'euros, ainsi qu'à l'Agence des aires marines protégées, dont la subvention est portée à 23 millions d'euros.

En ce qui concerne la régulation budgétaire et la sincérité des prévisions, la question n'est pas propre au programme 113 ni même au ministère de l'écologie. Le Gouvernement prend tous les ans des mesures de gel et de surgel – dans ce domaine, le réchauffement climatique n'a, semble-t-il, pas de prise (Sourires) – afin d'absorber les aléas de gestion et, in fine, de respecter les plafonds de dépenses autorisées par le Parlement. L'année 2013 ayant été marquée dans tous les ministères par d'importantes mesures de régulation, il est de ma responsabilité, comme de celle de mes services, de les prendre en compte en préservant nos priorités. C'est en l'espèce ce que nous avons fait.

Si je regarde les engagements budgétaires triennaux 2013-2015 pour l'eau et la biodiversité, ma conviction est qu'ils sont destinés à nous faire passer à une autre conception de nos interventions. Avec le projet de loi pour la biodiversité, avec la création de l'Agence française de la biodiversité, nous ouvrons un nouveau chapitre de l'action publique en faveur du monde vivant.

Le projet de loi sur la biodiversité, dont je vous confirme qu'il sera présenté au début de l'année prochaine, comprendra six titres consacrés aux principes généraux de l'action publique, à la gouvernance nationale en matière de biodiversité, à la création de l'Agence, à l'instauration d'un régime d'accès aux ressources génétiques, aux moyens de protection des espaces naturels et des espèces sauvages et, enfin, aux paysages.

À propos de l'Agence, notre ambition est en quelque sorte de créer une ADEME de la biodiversité, capable de mettre à la disposition des porteurs de projets – collectivités, entreprises ou associations – non seulement des moyens financiers, mais aussi une ressource d'expertise. Je suis d'ailleurs d'accord avec M. Mariton quant à la nécessité pour le ministère de rester un lieu d'expertise.

Nous n'avons pas identifié de chevauchement potentiel entre les missions de l'Agence et celle du CEREMA, mais ce point mérite en effet notre vigilance. Je demanderai au préfigurateur de l'examiner en détail. De même, il faudra porter beaucoup d'attention au statut des personnels de l'environnement, en particulier contractuels, qui continuent d'être une priorité de l'agenda social de mon ministère.

La création de l'AFB doit être l'occasion de s'interroger sur les moyens globaux consacrés à cette politique. Nous les avons préservés depuis le début de la législature, mais nous savons que cela ne suffira pas. Nous avons en effet devant nous des chantiers colossaux pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, tant au plan national qu'au plan communautaire. Je songe en particulier à la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » et à la mise en place de la trame verte et bleue.

Geneviève Gaillard a d'ailleurs évoqué dans son propos les enjeux liés à la protection du milieu marin. L'idée de lui dédier la fiscalité de l'extraction des granulats est une idée intéressante. Je vous propose que nous puissions l'examiner dans le cadre de la mission sur les redevances du domaine public maritime, qui poursuit ses travaux en ce moment même. Sur les financements évoqués à Ajaccio lors du Congrès mondial des aires marines protégées, j'ai indiqué que 20 millions d'euros de projets du Fonds français pour l'environnement mondial et de l'Agence française de développement allaient être engagés sur le terrain. Une partie de ces moyens abondera la capitalisation de fonds en faveur des aires marines protégées dans les Caraïbes ou au large de la Mauritanie. Par ailleurs, j'ai aussi indiqué que nous souhaitions mettre en place, avec la Principauté de Monaco, un fonds fiduciaire pour financer sur le long terme le renforcement du réseau d'aires marines protégées en Méditerranée. Ce fonds aura vocation à attirer des financements additionnels, en provenance notamment du secteur privé et philanthropique. L'idée n'est donc pas de créer un réceptacle pour les financements publics existants, mais bien d'attirer de nouveaux financements pour les aires marines protégées.

Pour terminer sur ce thème, j'ai parfaitement conscience de la difficulté de porter un discours sur les moyens de la préservation de la biodiversité en période de rétablissement de l'équilibre des comptes publics. Certains ne manquent pas de s'interroger : pourquoi subventionner la protection des milieux et des espèces alors que la priorité unique devrait être le redressement de l'appareil productif et la consolidation budgétaire ? Cette présentation me semble erronée. La préservation de la biodiversité n'est pas une question de conservation au sens « muséal », mais un investissement dans des écosystèmes qui rendent gratuitement des services inestimables à l'humanité. J'ai l'habitude de dire que la nature est le bénévole de l'humanité ; n'attendons pas de l'avoir détruite pour en mesurer la valeur.

Hervé Mariton et Jacques Krabal m'ont interrogé sur le budget de la prévention des risques. Le programme 181 sera doté de 253 millions d'euros de crédits en 2014. La diminution par rapport à 2013 résulte essentiellement de la suppression de la subvention budgétaire à l'ADEME, à hauteur de 30 millions d'euros. J'y reviendrai dans un instant.

En ce qui concerne les risques technologiques, suite au plan de relance de 2013, l'État accompagne la montée en puissance des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), avec des autorisations d'engagement en hausse de 41 % – soit 187 millions d'euros – et des crédits de paiement en hausse de 12 % – soit 49 millions d'euros – en 2014. J'étais moi-même, mardi matin, à l'ouverture d'une journée de travail sur ce thème, organisée par AMARIS, l'Association nationale des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, présidée par votre collègue Yves Blein. Je sais quelle est l'attente des élus, des entreprises et des citoyens sur cette question.

Nous avons lancé une expérimentation sur huit PPRT qui concernent environ 2 000 logements. Il s'agit d'aider les riverains des sites à risque à réaliser des diagnostics et à sélectionner les travaux qu'ils devront réaliser pour protéger leur habitation contre le risque technologique. Des opérateurs seront sélectionnés et financés par l'État pour finaliser cet accompagnement. Dans un an, nous dresserons le bilan de cette expérimentation en vue d'une éventuelle généralisation du dispositif.

Les crédits de la gestion technique de l'après-mines, en particulier pour la mise en sécurité des sites, seront quant à eux strictement reconduits, à hauteur de 42 millions d'euros.

En 2014, nous consacrerons près de 38 millions d'euros à la prévention des risques naturels et hydrauliques, en complément des interventions du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier. J'en profite pour répondre à M. Mariton que nous veillons toujours à ce que ce fonds ait toujours les capacités de faire face à ses missions. Il s'agit d'une dotation légèrement inférieure à celle de l'an dernier, mais cette évolution résulte avant tout d'un effet de périmètre : certaines dépenses prises en charge par le budget de l'État seront désormais assumées par le Fonds Barnier, sans diminution de l'effort global. Cela concerne les travaux de prévention et de protection contre les inondations et certaines dépenses d'études ou de travaux relatives à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels.

Par ailleurs, nous augmentons les crédits des équipes chargées de la prévision des crues, de la sécurité des ouvrages hydrauliques et des dispositifs de collecte de données, de prévision, de vigilance et d'alerte. Cela permettra notamment de mettre en oeuvre dans de bonnes conditions l'axe 2 du Plan national relatif aux submersions rapides.

J'en viens à la question sensible des moyens affectés à la sûreté nucléaire. Les crédits du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection inscrits au programme 181 de mon budget – et qui sont notamment consacrés à l'ASN – seront en légère augmentation, avec une dotation de 59 millions d'euros. Le collège de l'Autorité a d'ailleurs rendu sur le budget 2014 un avis dont le premier considérant mérite d'être cité : « L'ASN est particulièrement sensible aux efforts budgétaires du Gouvernement, dans un contexte contraint, pour maintenir ses moyens en matière d'emplois, de crédits de fonctionnement et de capacité d'expertise. »

Certes, nous pouvons encore faire des progrès en matière de lisibilité de la maquette budgétaire, comme certains d'entre vous l'ont souligné. Je tenais à vous dire que j'étais disposé à porter un projet de simplification de cette maquette dans le cadre de la préparation du budget triennal 2015-2017.

S'agissant du financement des commissions locales d'information (CLI), je ne suis pas non plus opposé à ce que le financement complémentaire spécifique prévu par le code de l'environnement soit mis en oeuvre, au terme d'un examen approfondi de leurs besoins et de leurs missions.

En ce qui concerne les moyens octroyés à l'IRSN, auquel nous demandons un effort de 20 millions d'euros en 2014, je veux être clair et précis : la lettre plafond que m'a adressée le Premier ministre prévoit le strict maintien des moyens budgétaires consacrés à la sûreté nucléaire. L'effort demandé à l'IRSN concernera donc exclusivement des activités qui n'affectent en rien le domaine crucial de la sûreté. Il sera réalisé par un prélèvement sur le fonds de roulement, des économies de constatation liées à l'achèvement de certains programmes de travaux ou à l'évolution du régime fiscal de l'Institut, et enfin par des gains de productivité. J'ajoute que le nouveau programme d'investissements d'avenir apportera par ailleurs des financements complémentaires à l'appui des projets de recherche de l'IRSN.

Dès lors, les propos laissant entendre que l'État joue avec la sûreté nucléaire sont au mieux inexacts, au pire, irresponsables. La sûreté nucléaire est et restera une priorité du Gouvernement, qui veille au respect scrupuleux des préconisations de l'ASN par les exploitants. Le projet de loi de programmation sur la transition énergétique sera d'ailleurs l'occasion de renforcer le contrôle, en dotant l'ASN de pouvoirs de sanction supplémentaires, en légiférant sur l'encadrement de la sous-traitance – car celle-ci peut atteindre aujourd'hui jusqu'à neuf niveaux –, et en augmentant le nombre de revues par les pairs.

Des améliorations sont toujours possibles, et certains d'entre vous ont évoqué une nouvelle augmentation de la fiscalité sur les installations nucléaires de base. Monsieur Krabal, vous proposez par ailleurs que le financement de la sûreté nucléaire apparaisse clairement sur la facture d'électricité. Ce point est en cours d'expertise par mes services et je suis prêt à explorer toutes les pistes, avec vous et avec Bernard Cazeneuve. Mais je souhaite aussi que, sur ces sujets, l'esprit de transparence s'allie à celui de responsabilité pour animer nos débats.

Les crédits du budget général ne sont pas le meilleur indicateur, ou du moins pas le seul, pour mesurer l'effort de l'État en faveur de la transition énergétique. Les moyens de cette transition sont avant tout extrabudgétaires et transitent, si j'ose dire, par la CSPE, qui finance le développement des énergies renouvelables, mais aussi la péréquation territoriale et les tarifs sociaux. Qu'on en juge : alors que les crédits du programme directement liés à la transition énergétique représentent 43 millions d'euros, les charges de CSPE représentent, elles, près de 5 milliards d'euros en 2012 !

Je vous informe au passage que nous allons publier dans les jours qui viennent, avec effet rétroactif au 1er novembre, le décret sur les conditions d'accès aux tarifs sociaux. Il reprend l'objectif que nous avions fixé : 4 millions de foyers et 8 millions de personnes concernés.

Le programme 174 est majoritairement consacré à la gestion économique et sociale de l'après-mines, dont les crédits – 554 millions d'euros en 2014 – connaissent une diminution continue liée en grande partie à la démographie des ayants droit. Les autres crédits du programme sont stables, qu'il s'agisse de la politique de l'énergie – 6 millions d'euros – ou de la lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l'air – 35 millions d'euros –, l'augmentation de 18 % ayant été consolidée en 2014.

Au sujet de la qualité de l'air, je répondrai à M. Krabal que plusieurs mesures ont été prises au niveau national – comme les arrêtés ministériels renforçant la réglementation des émissions des installations de combustion ou les arrêtés de cadrage du retrofit – ou vont l'être – tel l'arrêté renforçant les mesures d'urgence en cas de pic de pollution. Le rapport des inspections générales va par ailleurs éclairer nos décisions sur l'identification des véhicules en fonction de leurs émissions polluantes.

Au niveau local, l'élaboration des plans de protection de l'atmosphère (PPA) avance bien : neuf sur trente-six sont déjà approuvés, et ils seront plus de vingt dans ce cas à la fin de l'année.

Le budget des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air est reconduit en 2014 à l'euro près – soit 19 millions d'euros. Je sais que des interrogations demeurent quant au périmètre de leurs missions ou leurs modalités de financement, et je suis ouvert à ce que nous en débattions dans le cadre de la préparation du projet de loi de transition énergétique.

L'ADEME est elle aussi, et à juste titre, l'objet de toutes les attentions. J'ai obtenu, dès mon arrivée au ministère, que ses capacités d'engagement soient maintenues à l'identique de l'année 2013, soit 590 millions d'euros. J'ai demandé aux responsables de l'Agence que ce maintien permette de sanctuariser les interventions du Fonds chaleur et du plan déchets.

Les crédits de paiement diminueront de 81 millions d'euros en 2014 et les experts de la matière budgétaire, qui sont nombreux ici, ne manqueront pas de souligner l'écart entre leur évolution et celle des autorisations d'engagement. Cet écart, je tiens à le préciser, est néanmoins soutenable dans la mesure où l'ADEME a pu constituer, au cours des dernières années, un fonds de roulement relativement important, puisqu'il s'élève à 344 millions d'euros.

Je ne prétends pas pour autant que la situation puisse être jugée idéale. Je suis parfaitement en ligne avec l'analyse de Marc Goua : avec une dotation de 220 millions d'euros, l'objectif assigné au Fonds chaleur demeure hors de portée. Il faudrait plus que doubler les crédits qui lui sont alloués pour économiser les 5,5 millions de tonnes équivalent-pétrole que nous visons à l'horizon 2020. C'est pourquoi je souhaite que le Fonds chaleur soit un des bénéficiaires prioritaires des moyens nouveaux qui seront consacrés à la transition énergétique dans les années à venir.

Plusieurs rapporteurs ont évoqué l'hypothèse d'une prolongation de la durée de vie des centrales, dont Marie-Noëlle Battistel, qui s'est interrogée sur l'impact d'une telle décision sur EDF. Je rappelle que, dans ce domaine, les décisions sont de nature politique autant qu'économique ou technique, et que les comptes d'EDF ne sont donc pas le critère ultime sur lequel doit se fonder la politique énergétique de la France. Les décisions à venir seront prises en tenant compte des avis de l'ASN, qui ne s'est pas encore prononcée sur les conséquences d'une éventuelle prolongation en termes de sûreté. Aucune décision n'a donc encore été prise, contrairement à ce que j'ai pu lire. Enfin, le traitement comptable d'une éventuelle prolongation relève en premier lieu de la responsabilité de l'entreprise EDF. Les ordres de grandeur que vous avez évoqués ne me surprennent pas, mais ils sont à considérer avec beaucoup de précautions. La matière est complexe, et les résultats dépendent aussi des coûts d'EDF et de sa situation comptable globale.

Le Gouvernement, dans un esprit de responsabilité, s'est engagé à ce que le déficit de compensation des charges de service public de l'électricité, qui avait été accumulé au cours des dernières années à l'égard d'EDF soit intégralement remboursé d'ici à 2018. Il s'est également engagé, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, à ce que la CSPE prenne désormais en charge les coûts de portage liés à ce déficit. Je confirme que ces engagements seront tenus.

S'agissant de l'élargissement de l'assiette de la CSPE à d'autres énergies, cette question a été discutée dans le cadre du Débat national sur la transition énergétique et elle n'a pas fait consensus. La CSPE est construite selon le principe que les consommateurs d'électricité contribuent aux charges de service public de l'électricité. Ce système garantit que les factures d'électricité reflètent de façon lisible l'ensemble des coûts du système électrique et envoie aux consommateurs un signal sur la nécessité d'économiser l'électricité et de tendre vers davantage d'efficacité énergétique.

Un élargissement de l'assiette supposerait un changement de logique : il s'agirait alors de faire financer l'ensemble des coûts de la transition énergétique par l'ensemble des consommations d'énergie. Les charges financées par la CSPE auraient alors vocation à inclure, non seulement le développement des renouvelables électriques, mais aussi celui des renouvelables thermiques. Inversement, certaines charges spécifiques à l'électricité, comme la péréquation tarifaire électrique, devraient rester financées par le seul consommateur d'électricité. Cet élargissement limiterait certes le poids de la CSPE dans la facture des consommateurs d'électricité, mais il induirait des transferts importants sur les autres énergies, potentiellement au détriment des ménages ruraux qui utilisent davantage leur véhicule ou se chauffent au fioul, ou des ménages modestes.

Nous examinons donc ce point avec la plus grande vigilance dans le cadre de la préparation du projet de loi de transition énergétique.

Marie-Noëlle Battistel m'a interrogé sur l'impact pour les consommateurs de la troisième période des certificats d'économies d'énergie. Son évaluation fait encore l'objet de travaux et de discussions techniques, mais, selon les premières analyses, le coût de production des certificats en troisième période devrait être sensiblement identique à celui de la deuxième période. Malgré l'accroissement de l'effort demandé pour atteindre nos objectifs européens, l'impact des CEE sur la facture des consommateurs serait donc modéré et, en tout état de cause, plus que compensé par les gains de pouvoir d'achat résultant des économies d'énergie réalisées. En fin de compte, le consommateur serait donc gagnant.

Marie-Noëlle Battistel, Marc Goua et Hervé Mariton m'ont questionné sur la mise en cohérence des aides à la rénovation énergétique, notamment sur le Fonds national de garantie de la rénovation thermique. Nous oeuvrons à cette mise en cohérence : par exemple, pour la troisième période, les exigences du dispositif des CEE seront alignées sur celles du CIDD et de l'éco-PTZ. Au-delà de l'alignement des critères de performance énergétique, qui est déjà quasiment la règle, cela se traduira par la suppression des exigences sur la certification des produits et la généralisation d'une exigence sur la qualification des professionnels.

Le Fonds national de garantie de la rénovation thermique a été annoncé par le Président de la République lors de la conférence environnementale, et le Premier ministre signera dans les prochains jours la lettre de mission demandant à la Caisse des dépôts d'étudier sa mise en oeuvre opérationnelle. Le but est que, grâce à la garantie de la Caisse des dépôts, les prêts pour la rénovation soient moins risqués, moins chers pour les ménages et mieux distribués par les banques. Nous travaillons aussi à mieux articuler ce fonds avec les dispositifs existants, notamment les CEE. Les fournisseurs d'énergie pourraient ainsi contribuer à l'alimentation de ce fonds en contrepartie d'une fraction de leurs obligations d'économies d'énergie.

Sur la méthode de renouvellement des concessions hydroélectriques, je veux dire à Marc Goua, mais aussi à Marie-Noëlle Battistel et à Éric Straumann que, à la suite de leur excellent rapport, j'ai écrit au Premier ministre pour lui demander la création d'un groupe de travail interministériel sur ce dossier. Deux sujets me semblent prioritaires : la politique en faveur des énergo-intensifs et l'association des collectivités locales à l'exploitation de l'énergie hydraulique. Cette association est, à mes yeux, la condition du développement de cette énergie dans les territoires. Nous nous appuierons évidemment sur les travaux réalisés au nom de la commission des affaires économiques, comme je m'y étais engagé le 17 septembre devant cette même commission.

Geneviève Gaillard m'a interrogé sur l'IGN. La dotation du programme 159 augmente légèrement en 2014 pour atteindre 97 millions d'euros. Le défi auquel doit faire face l'IGN, c'est l'évolution de son modèle économique. Aujourd'hui, Google, Microsoft, Nokia, Apple produisent et diffusent massivement de l'information géographique de base. Cette évolution inéluctable explique en partie l'érosion des recettes commerciales de l'IGN et doit l'inciter à se repositionner pour être à nouveau à l'offensive. Nous y travaillons et finalisons en ce moment le nouveau contrat d'objectif de l'Institut. L'enjeu principal est d'en faire l'opérateur de référence auprès de l'ensemble des acteurs publics et de passer d'un positionnement centré sur la production et la diffusion de données à un positionnement de fournisseur de services de haute qualité.

Enfin, l'IGN sera bien évidemment mobilisé sur la transition écologique. Ainsi, l'Institut travaille actuellement à enrichir le référentiel à grande échelle de données d'occupation du sol plus détaillées. Il s'emploie aussi à la production d'une cartographie des forêts et d'autres occupations anciennes des sols de la France métropolitaine. Ces éléments nous seront très précieux, notamment pour identifier les continuités écologiques.

Hervé Mariton et Jean-Marie Sermier sont revenus sur l'évolution des effectifs et des moyens de fonctionnement des services centraux et déconcentrés du ministère. Mais ce dernier pratique la confusion dans les transferts de charges, si bien que nous ne nous accordons pas toujours sur les chiffres. Ainsi, les 4 700 emplois de Voies navigables de France en 2013 et les 3 200 emplois du CEREMA en 2014 relèvent toujours des missions du ministère. Ce qui a disparu, en revanche, ce sont les 6 350 emplois supprimés entre 2008 et 2012 en application de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Mais vous avez omis d'en faire mention, monsieur Sermier, ainsi que des 400 millions d'euros de crédits supprimés dans mon ministère par les deux lois de finances pour 2011 et 2012.

S'agissant des effectifs, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie contribue, comme beaucoup d'autres ministères, à l'objectif de stabilisation des emplois publics. Le choix a été fait, au début du triennal, d'alléger la contrainte pesant sur le ministère et de mettre les opérateurs davantage à contribution que par le passé. Cela se traduit, en 2014, par 522 suppressions d'emplois au ministère, soit une diminution de 1,5 %, à rapporter à un objectif transversal de 2,5 % fixé par la lettre de cadrage du Premier ministre. Chez les opérateurs, 550 emplois sont supprimés, soit une baisse de 2,1 %, et 100 au titre du budget de l'aviation civile, soit une baisse de 0,9 %.

Mon ministère a démontré au cours de ces dernières années sa capacité à se réformer. Les vagues successives de décentralisation, la création du grand ministère, la conduite de réformes d'ampleur dans le cadre de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État ou de la RGPP ont profondément bouleversé nos structures et nos missions. Je souhaite désormais stabiliser cette organisation afin de préserver l'outil précieux qu'est ce grand ministère technique et d'intervention. Avec de grandes lois sur la biodiversité ou sur la transition énergétique, nous devons préserver, au sein de l'État, une capacité d'expertise de haut niveau capable de mettre en oeuvre les réformes dont le pays a besoin. En complément des hauts standards de protection des milieux, des biens, des personnes que nous mettons en oeuvre, nous devons maintenir sur le terrain les effectifs indispensables pour les contrôler et les faire respecter. C'est avec cette conviction que j'aborderai la négociation du prochain budget triennal 2015-2017.

Le ministère veille à maîtriser ses dépenses de fonctionnement dont chacun m'accordera qu'elles sont budgétées au plus juste. L'année 2014 sera marquée par le regroupement des services centraux du ministère sur deux sites au lieu de cinq à la Défense. Je tiens à ce que cette opération se déroule dans les meilleures conditions pour les agents et permette de dégager des économies. En termes de loyer, elles sont évaluées à une dizaine de millions d'euros en 2015 ; sur la durée, elles pourraient atteindre 20 millions. Je proposerai que ces économies soient en partie réinvesties dans l'amélioration des conditions de travail des personnels.

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