Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 6 novembre 2013 à 16:
Commission élargie : Économie, accords monétaires internationaux, prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif :

Les informations que nous a fournies l'actionnaire au sujet de La Redoute sont incomplètes. Nous lui avons donc demandé des précisions sur les offres de reprise et les projets industriels qui les accompagnent. Voilà trois ans que Kering – anciennement PPR – cherche un repreneur, et nous souhaitons savoir pourquoi la décision semble se précipiter aujourd'hui. Kering a investi pour faire évoluer La Redoute, non sans succès, même si l'entreprise continue à perdre de l'argent. Dans ces conditions, nous souhaiterions, comme Martine Aubry, que le groupe accompagne jusqu'au bout cet effort de modernisation et de mutation. Je tiendrai informée la représentation nationale, les élus territoriaux et les organisations syndicales des précisions que nous apportera l'actionnaire.

Nous sommes attentifs à l'avenir du CETI. L'un des trente-quatre plans industriels concerne les textiles techniques et intelligents, et le maintien de notre savoir-faire et de nos compétences nationales est l'une de nos priorités. Nous sommes disponibles pour chercher, avec la communauté urbaine Lille-Roubaix-Tourcoing, responsable de cet investissement, des solutions assurant l'avenir du CETI.

S'agissant des relations entre les grands donneurs d'ordre et les petites entreprises en sous-traitance, elles n'échappent pas toujours à la maltraitance… C'est pour cela qu'existe un médiateur, M. Pierre Pelouzet, qui intervient notamment dans les abus de captation de CICE par les grandes entreprises au détriment des petites.

Il est tout à fait incroyable que nos grandes entreprises du CAC 40 ne consacrent que 16 % de leurs achats à des PME françaises, quand ce taux est proche de 90 % au Japon et de 70 % en Allemagne. Nous leur avons donc demandé un effort patriotique pour soutenir les carnets de commandes de nos entreprises et défendre notre tissu productif.

L'euro est-il trop fort ? Le Président de la République a apporté une partie de la réponse en souhaitant, alors que l'euro était légèrement plus bas qu'aujourd'hui, que la Banque centrale européenne (BCE) mène une politique de change conforme aux besoins de nos économies. Nous avons besoin d'un euro plus faible. D'après les projections, une baisse de 10 % de notre monnaie permettrait de créer 150 000 emplois supplémentaires et de réduire d'un tiers les déficits actuels. À l'inverse, un renchérissement de 10 % de l'euro engloutirait tous les efforts consentis au titre du CICE.

Toutes les puissances qui utilisent l'arme monétaire se servent du taux de change pour améliorer leur compétitivité, et nous devons veiller à ce que la valeur de notre monnaie n'annihile pas les efforts que nous faisons pour améliorer la nôtre. Louis Gallois a déclaré hier qu'un pilotage politique de la monnaie était possible, via l'Eurogroupe. Nous devons donc saisir cette enceinte pour demander à la BCE de préserver nos intérêts.

La Réserve fédérale des États-Unis (FED), quant à elle, n'hésite pas à se fixer des objectifs en matière de chômage et d'inflation et a déclaré dernièrement qu'elle baisserait ses taux d'intérêt tant que le chômage ne serait pas descendu en dessous de 6,5 % et tant que l'inflation n'aurait pas dépassé 2,5 %. Si la FED tolère une inflation de 2,5 %, il existe des marges pour utiliser le taux de change comme un outil de restauration de la croissance dans la zone euro.

Monsieur Chassaigne, la BPI devrait connaître un taux de rentabilité inférieur à celui de La Banque postale. En effet, il s'agit d'un service public bancaire, et son objectif n'est pas d'atteindre les ratios de rentabilité – souvent à deux chiffres – des banques privées, mais de réduire le coût d'accès au capital.

Elle représente aujourd'hui 5 % du marché du crédit, soit l'équivalent de la Lyonnaise de banque. Ce n'est pas assez. C'est une des raisons pour lesquelles, avec Pierre Moscovici, nous travaillons à mobiliser et à drainer l'épargne issue de l'assurance-vie, pour faire levier et alimenter les investissements dans l'appareil productif français. Le taux d'épargne des Français est un atout extraordinaire ; sachons en faire un usage utile.

Monsieur Fasquelle, vous m'avez interrogé sur les 50 millions destinés aux collectivités locales ayant souffert des emprunts toxiques. Les sommes seront attribuées en fonction de critères déterminés à l'issue d'une concertation. Il s'agit bien d'une mesure nouvelle.

Monsieur Lebreton, il faut assurer l'activité de garantie dans les départements d'outre-mer. Nous souhaitons intégrer le fonds de garantie des DOM à la BPI, ce qui permettra d'atteindre les mêmes objectifs de garantie, malgré la baisse des crédits de 8 %.

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale pour le commerce extérieur. Même si la situation est loin d'être satisfaisante, nous pouvons quand même nous réjouir de l'amélioration de la tendance en matière de commerce extérieur. Le solde de la balance commerciale devrait être ramené de 74 milliards d'euros – record absolu – en 2011 à 53 milliards en 2014.

Madame la ministre du commerce extérieur, le Premier ministre vous a fixé une feuille de route exigeante : remettre à l'équilibre la balance commerciale hors énergie à l'horizon 2017. À cet égard, on passera d'un solde négatif de 28 milliards en 2011 à un solde négatif d'environ 6 milliards en 2014.

Mon intervention porte sur les crédits des actions 7, « Développement international des entreprises », et 20, « Financement des entreprises et attractivité du territoire », du programme 134 de la mission « Économie ». La somme de ces crédits s'élève pour 2014 à 141,5 millions d'euros, essentiellement consacrées aux subventions pour charges de service public versées aux deux opérateurs de l'État, Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII).

Les moyens d'Ubifrance sont maintenus au même niveau qu'en 2013, soit 97,8 millions d'euros, mais cette dotation sera réorientée en crédits de fonctionnement pour permettre, non plus le financement de missions à l'étranger, mais la prise en charge du déploiement des chargés d'affaires internationaux (CAI) dans les guichets de la BPI. Sachant que le Gouvernement prévoit l'envoi de quarante CAI d'ici à la fin de l'année, pourriez-vous préciser par qui et comment sont désormais financées les missions à l'étranger ? La BPI en a organisé de son côté, m'a-t-on dit lors d'une audition. Est-ce véritablement son rôle ?

À la fin de l'année dernière, vous avez fondé votre stratégie de redressement du commerce extérieur sur une offre commerciale associant quatre familles de produits et de services proposés dans quarante-sept pays identifiés. Cette conception a été comprise par tous et donne lieu à un dialogue nourri, comme je l'ai constaté lors de votre déplacement à Nantes pour le lancement de « Vivapolis ». La réforme cible prioritairement 1 000 ETI à fort potentiel, qui feront l'objet d'un traitement spécifique dans les guichets régionaux de la BPI.

Ces nouvelles orientations soulèvent cependant des inquiétudes. Les chambres de commerce et d'industrie, en particulier, ne comprennent pas toujours le schéma implicite qui les pousse à se spécialiser sur le chaînon des entreprises primo-exportatrices. Sans doute souhaiteraient-elles que l'on reconnaisse mieux leur expertise et que l'on s'appuie davantage sur elles. Comment mettre en valeur les complémentarités de l'ensemble des acteurs régionaux et leur permettre de s'organiser derrière les chefs de file reconnus que sont les conseils régionaux ? Entre la BPI, Ubifrance, les chambres de commerce et d'industrie et les différentes agences, il est souhaitable d'établir plus de transparence.

Un nouvel acteur semble émerger dans le paysage national : ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), qui est l'agence historique de développement de la région Rhône-Alpes. Cet organisme a signé un accord avec Ubifrance. Il intervient à l'étranger, mais aussi, semble-t-il, sur l'ensemble du territoire. Les chambres de commerce et d'industrie et certaines régions s'inquiètent de cette vocation générale. Ne risque-t-on pas de voir arriver un opérateur de plus, ce qui pourrait brouiller la lisibilité que vous essayez d'établir ?

Je veux saluer le travail de l'AFII, dont la mission d'accompagnement des entreprises étrangères contribue à créer ou à maintenir en moyenne plus de 12 000 emplois par an sur notre territoire. L'action de l'AFII n'a pas faibli en dépit de restrictions budgétaires particulièrement fortes. Entre 2010 et 2014, la subvention que lui verse l'État aura diminué de 17 %. Dans ces conditions, pensez-vous que soit tenable l'objectif fixé avec l'État de 1 000 décisions annuelles d'investissement étranger sur le territoire – contre 700 aujourd'hui – et de l'accueil de 300 entreprises non encore implantées ?

Le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet dernier a invité les administrations et les opérateurs à mutualiser pour dépenser moins et renforcer leur efficacité globale. Je crois savoir que des rapprochements sont envisagés entre Ubifrance et l'AFII. Je vous en félicite, car les auditions que j'ai menées m'incitent à penser que ce serait une très bonne chose. Le Gouvernement avance-t-il dans cette voie ?

Je veux pour conclure remercier les services du ministère, qui ont rempli le questionnaire budgétaire à 97 % dans les délais impartis.

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