L'Amicale du Nid, association indépendante et laïque fondée en 1946, s'est donné deux missions : l'accueil et l'accompagnement des personnes en situation de prostitution et des personnes en risque de prostitution ; la prévention, en particulier auprès des jeunes, la sensibilisation et la formation des acteurs – sociaux, éducatifs, police et justice – sur la lutte contre la prostitution.
Près de 200 salariés de notre association, dont le siège est basé à Paris, travaillent dans huit départements. Nos sept centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, fonctionnent en délégation de service public. Depuis sa création, notre association développe ses activités dans le cadre de l'abolitionnisme français et des ordonnances de 1960.
Chaque année, dans le cadre de notre première mission – que nous appelons l'« aller vers » –, nous rencontrons dans les rues et sur les routes près de 4 700 prostituées, et en accompagnons plus de 4 000, avec ou sans hébergement, parmi lesquelles un grand nombre de personnes étrangères et une très grande majorité des femmes.
L'année dernière, nos actions de prévention et de formation ont concerné 1 200 personnes, auxquelles peuvent être ajoutés les 1 800 étudiants montpelliérains auprès desquels nous avons mené une enquête sur la prostitution en milieu étudiant et dont les résultats seront publiés prochainement.
Nous souffrons beaucoup, en particulier les travailleurs sociaux, de la réduction de nos moyens ces dernières années – que ce soit les subventions ou la dotation globale de fonctionnement pour le financement des CHRS –, alors même que les coûts augmentent. Trois CHRS en particulier sont en situation de grande fragilité, à Lyon, en Seine-Saint-Denis et à Montpellier.
Notre accompagnement des personnes prostituées est à la fois généraliste et spécifique. Généraliste car il concerne l'accès au droit commun, en matière de logement, de santé, d'emploi, et la lutte contre la précarité et la misère. Spécifique car il s'adresse à des personnes en situation de prostitution, laquelle constitue à nos yeux une violence dont les conséquences sur la santé et la vie des personnes sont très graves. Il faut prendre acte de cette spécificité pour pouvoir réellement aider les personnes à reprendre en main leur vie, à retrouver leur autonomie, à se reconstruire. Ces actions d'accompagnement s'inscrivent forcément dans la durée et elles pèsent sur le coût des places, ce qui n'est pas toujours bien compris par le financeur. J'ajoute que nous avons aussi une obligation de protection de ces personnes. En accompagnant les personnes prostituées, en recueillant le récit de leur vie, nous comprenons le processus qui a conduit à les fragiliser et à les faire tomber sous la coupe de proxénètes.
Depuis deux ou trois ans, l'Amicale du Nid a inscrit dans ses statuts la possibilité d'accompagner les personnes prostituées adultes et mineures. Nous constatons en effet qu'un grand nombre de mineurs se prostituent. Cette problématique impose d'intervenir de toute urgence, mais nos moyens financiers ne nous le permettent pas à l'heure actuelle. La lutte contre la prostitution est indissociable de la politique de prévention et de protection de l'enfance. Très souvent, les personnes prostituées ont connu dans leur enfance et leur adolescence des violences de toutes sortes – psychologiques, physiques et sexuelles, dont l'inceste. Or nous le savons : les violences subies dans l'enfance peuvent produire à la fois des victimes et des agresseurs. Il s'agit d'un problème très important.
Il y a un an et demi, l'Amicale du Nid a révisé son projet associatif pour demander une politique abolitionniste renforcée, passant notamment par la pénalisation des clients ou des prostitueurs. À nos yeux, la prostitution est une violence de genre produite par la domination masculine et l'argent.
Ce moment est pour nous historique car, après le rapport de Mme Bousquet et M. Geoffroy, après le vote à l'unanimité par l'Assemblée nationale de la résolution rappelant l'exigence abolitionniste, votre proposition de loi, équilibrée, sera bientôt discutée au Parlement. En luttant contre le système prostitutionnel, elle permettra à la société de dire non à ce que j'appelle les « viols marchandisés », à dire non à la chosification des personnes.
Je ferai quelques remarques sur cette PPL.
Il nous semble très important que l'achat d'actes sexuels constitue un délit. Cela permettrait de rééquilibrer le droit français, qui a souvent tendance à protéger davantage les biens que les personnes, et serait un signe fort en faveur de la prise en compte de la violence que constitue la prostitution.
Il faudrait en outre revoir la protection des personnes étrangères. En effet, on ne peut pas demander à une personne étrangère de sortir immédiatement de la prostitution ; les choses sont plus complexes que cela.
Par ailleurs, nous vous alertons sur les moyens. Une loi n'est crédible que si elle est accompagnée de réels moyens – faute desquels, nous le rappelons, les ordonnances de 1960 n'ont pas été suivies de la création des services de lutte contre la prostitution dans les départements.
Enfin, il faut insister sur la prévention et la sensibilisation. Notre pays n'a peut-être pas une culture de la prévention suffisamment développée.