Intervention de Grégoire Théry

Réunion du 6 novembre 2013 à 13h30
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid :

Depuis un an et demi – depuis que la pénalisation se précise –, votre question nous est posée chaque semaine sur les lieux de prostitution. Lors d'une réunion de nos 32 responsables de délégation, il y a trois semaines, nous l'avons évoquée.

Les personnes que nous rencontrons sur le terrain s'angoissent pour leur avenir. Des personnes prostituées de 55 ans n'ayant jamais cotisé se retrouveront demain dans une grande précarité – précarité qui existera de toute façon car il arrive un moment où le corps ne tient plus. Comme elles l'expliquent, si elles avaient une seule opportunité de vivre autrement, elles la saisiraient. Si certaines quittent la prostitution et réussissent à reconstruire leur vie, notamment grâce à la formation ou à l'emploi, d'autres n'y parviendront jamais.

La perspective de la pénalisation des clients ne change pas fondamentalement la situation. Par contre, elle confronte violemment les personnes à leur avenir. Certes, la proposition de loi prévoit une réparation pour les victimes de proxénétisme. Et pour les personnes étrangères, la possibilité de l'obtention d'un titre de séjour est très attendue. Mais la perspective de l'accompagnement social n'empêche pas l'angoisse à l'idée de vivre avec le minimum vieillesse. Pourtant, les prostituées le savent, la prostitution n'offre pas d'avenir. D'où l'importance des moyens à mettre en place pour assurer un accompagnement efficace.

Un sondage, que nous avions effectué il y a quelques années, a montré que les freins psychologiques à la réinsertion des personnes prostituées sont la peur du jugement par les professionnels, la peur de voir son enfant placé et la peur de l'échec. Le rapport à l'argent est une spécificité du système prostitutionnel. Les personnes savent qu'en sortant de la prostitution, elles deviendront pauvres. Pourtant, celles qui s'en sont sorties vivent mieux avec 900 euros qu'en brassant des sommes d'argent comme elles l'ont fait pendant des années. Il ne faut pas se faire d'illusion, on sort pauvre de la prostitution.

Vous le voyez, la question de la vie après la prostitution est très complexe, mais elle se posera toujours, que la pénalisation soit effective ou pas.

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